Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.1.djvu/578

Cette page n’a pas encore été corrigée
1141
1142
PÉNITENCERIE APOSTOLIQUE. HISTOIRE


chiffre des taxes dont le produit sert à les appointer ; aussi le pape donne l’ordre au cardinal président de réduire leur nombre ad numerum duodenarium… vel ulium numerum competentem ; il se réserve d’autoriser, dans la suite, l’augmentation du chiffre, qui sera déterminé si l’afïluence des affaires proposées au tribunal rend nécessaire une modification de ce genre.

Mais il faut attendre jusqu’en 1338, pour avoir un document faisant connaître exactement le fonctionnement de la Pénitencerie apostolique : elle nous apparaît alors comme une institution considérable parfaitement organisée, dans la bulle In agro dominico, de Benoît XII, en date du 7 avril 1338, et adressée, d’Avignon, à Giovanni Pagnotta, religieux augustin, évêque d’Anagni et vicaire du pape à Rome, pour être évidemment communiquée à Jean Gamelin, qui avait succédé, en 1309, à Bérenger Fredol et resta grand pénitencier jusqu’en 1348. « A la tête du dicastère, se trouve un cardinal, le pénitenciermajeur ou grand pénitencier. Sa besogne est lourde, car le pape juge nécessaire de lui donner deux collaborateurs immédiats, canonistes et moralistes experts, dont un lui servira de conseiller dans les cas les plus embrouillés, tandis que l’autre le secondera dans l’expédition des affaires courantes. A ses ordres obéissent des pénitenciers mineurs, des procureurs et un nombreux personnel de bureaux. Chaque matin, quand on sonne l’office de prime à l’église principale de la ville où réside la curie, les pénitenciers mineurs se rendent à l’église qui leur est assignée, et s’y tiennent, jusqu’à l’heure de tierce, à la disposition de qui requiert leur ministère. Ils ne doivent rien exiger, rien accepter. Ils ne jouissent pas d’un pouvoir illimité d’absoudre. Tel cas excède-t-il leurs facultés ? ils recourent au cardinal, en taisant le nom du pénitent. A qui les leur demande, ils délivrent des lettres d’absolution, de pénitence, de dispense. Cependant, ils ne peuvent les rédiger eux-mêmes : cette tâche revient aux scriptores ; mais il leur appartient de les sceller. Pour cela, chacun d’eux possède un cachet qui ne sert qu’à cet usage. En cas de presse, et pour aller plus vite, ils peuvent le confier à deux « clercs communs » qui scellent à leur place. Pour la correspondance, le personnel se divise en procureurs, chargés d’introduire les instances, et de les patronner, en receveurs des suppliques, en scriptores, préposés à la rédaction des réponses, en correcteurs, en sigillatcurs, en dist ri buteurs. Ces derniers ont une besogne multiple ; ils répartissent les suppliques entre les scriptores, reçoivent de ceux-ci les minutes des réponses, les passent aux correcteurs, qui, eux-mêmes, les soumettent au grand pénitencier et, au besoin, les retouchent : ils reprennent ces minutes ainsi approuvées on modifiées et les donnent de nouveau aux scriptores, pour l’établissement des rescrits définitifs. Enfin, ils remettent les rescrits aux procureurs intéressés, pour qu’ils les acheminent à destination. Martin, Les cardinaux et la carie, Paris. L930, p. 60.

Dans la bulle In agro dominico, il est question, des pénitenciers mineurs, auxiliaires du grand pénitenii t. qui recevaient les confessions des pèlerins et donnaient l’absolution, en son nom. des cas réservés au pape.

Leur institution se rapproche beaucoup plus de celle des premiers pénitenciers ou confesseurs auxiliaires des évêques, v compris de l’évêque de Home.

pic de celle de la Pénitencerie. La juridiction de ces

personnages ne pouvait s’exercer qu’en faveur i<ceux qui se présentaient en personne pour recevoir

l’absolution, il ne peut don. être quesl Ion de les considérer comme membres de cel organisme que l’on appelle de t rès bonne heure la Pénitencerie apostolique, d’antanl que, si leur pouvoir participait de celui du

pénitencier majeur, ils ne dépendirent pas de lui tout d’abord et constituèrent un corps spécial. Il n’en sera pas question ici.

II semble que de 1352 à 1357, époque où nous trouvons à la tête de la Pénitencerie le cardinal Albornoz, ce soit le souverain pontife lui-même qui ait eu la direction de ce tribunal. On s’expliquerait ainsi que ce tribunal de for interne soit petit à petit sorti de son domaine propre, et en soit arrivé non seulement à absoudre de censures qui, fulminées solennellement, pour des crimes notoires, auraient dû relever uniquement du for externe, mais aussi à accorder des faveurs qui n’avaient rien à voir avec le but de l’inst itution, telles que des commutations de dispositions testamentaires, des suppressions ou des translations de bénéfices, des droits de patronat, des autorisations d’aliéner ou d’acquérir des biens ecclésiastiques, etc.

En 1357, Innocent VI investit le cardinal Albornoz, évêque de Sabine, qui fait alors un séjour à la cour pontificale d’Avignon, des fonctions de grand pénitencier : nous avons de cette époque un document significatif, un formulaire, destiné aux secrétaires du cardinal, qu’en 1358 le souverain pontife envoya pour la seconde fois comme légat en Italie avec, selon l’usage courant, les pouvoirs les plus étendus, tant au foiinterne qu’au for externe. Le dispositif est toujours précédé de la formule suivante : Xos igitur auetoritate domini papie cujus pxiiitentiarise curam gerùnus… et les pièces, reproduites comme modèles, indiquent bien les attributions les plus diverses.

La même constatation ressort de l’examen d’un document plus décisif encore, et qui est la liste des concessions factse domino Hgidio titu.ll sancti démentis presbitero eardinali, majori pœnitentiario. liste datée du 20 janvier 1358 et signée du pape Innocent VI. Certaines sont la preuve que parfois les lettres de dispenses étaient adressées directement au demandeur », mais « plus ordinairement, et surtout lorsqu’il s’agissait d’absolution, la lettre était envoyée à l’évêque ou au vicaire général chargés de l’exécution ».

On conçoit d’ailleurs qu’une organisation si importante (et que ceux qui étaient ses chefs tentaient de rendre plus importante encore, de par le consentement évident des papes, d’ailleurs) dût avoir une méthode de travail précise et bien établie.

Cette méthode nous est connue par le formulaire de Walter de Strasbourg, qui lut cnrn’rinr pmnitenliariæ sous le cardinal grand pénitencier Luc de Gentilibus, mort en 1381°, et qui a réuni en un seul cahier la constitution In agtv dominico. les Constitutiones et statuta de Benoit XII, des Régules et bona notabilia et utilia pro commissariis pesnilentiariæ, la Summa, de Nicolas IV, les feuilles de pouvoirs accordées aux grands pénitenciers par les souverains pontifes depuis Clément VI jusqu’à Urbain VI (1388), une supplique de Walter au cardinal pénitencier, et le formulaire proprement dit. joint à quelques autres pièces.

Si bien établie que fut la méthode de travail de la

Pénitencerie, il arriva que celle ci lui débordée au

xiv siècle. Age d’or « les jubilés, par le nombre des recours a Rome : un crut bien faire en compliquant la méthode : on devint, à la Pénitencerie, aussi méticuleux, aussi administratif qu’à la Chancellerie ; et le premier article de la convention de l’évêque de Winchester, rédigé au cours de la XV session générale

du concile de Constance (30 oct. 1417), nous fait entendre un écho des protestations qui s’élevèrent alors contre la Pénitencerie, comme d’ailleurs contre tout ce qui touchait.< la cour romaine. On lui reprochait l’énormité de ses prérogatives, le caractère par trop administratif de ses interventions, la lenteur di