Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.1.djvu/573

Cette page n’a pas encore été corrigée

I I 3 1

PÉNITENCE DANS L’ÉGLISE GRÉC0-R1 SSE

1132

et aussi les Roumains, ou sait qu’elle es1 indicative et diffère a peine de la forme latine actuellement en usage. Elle est, en effet, ainsi conçue : Dominas et Deus noster Jésus Chris tus, g ratio, et benignitate sui erga homines canaris, remittat tibi, ftli mi X.. omnia delicta tua ; et ego, sacerdos indignas, potestate ab eo mini data, condono et absolvo teab omnibus peccaiis luis in nomine Patris et Filii et Spiritus Sancli. Amen. Cette formule a pour auteur Pierre Moghila, qui l’inséra dans le Trebnik ou Rituel, publié à Kiev en 1646. D’abord en usage chez les Petits-Russiens, elle fut adoptée par l’Église russe, en 1757, en même temps que la plupart des autres particularités du Trebnik, et a passé ensuite aux autres Églises slaves et à l’Église roumaine. Il est visible que Pierre Moghila, influencé par la scolastique latine de l’époque, qui paraissait exiger la formule indicative pour la validité de l’absolution, abandonna les formules déprécatives de l’euchologe byzantin et opta pour la forme latine à peine modifiée. On remarquera pourtant que son texte ne parle pas de l’absolution des censures.

Les Grecs modernes, s’il faut en croire leurs théologiens les plus récents, se servent habituellement de la première oraison portée dans l’euchologe, qui commence par les mots : Fili spiritualis, qui mex humilitati peccata confiteris, humilis ego et peccator super lerram peccata remiltere non valeo et se termine ainsi : Quæcumque tenuissimx mese humilitati enarrasti et quæcumque non dixisti ex ignoranlia vel oblivione, qualecumque sit, condonel tibi Deus in præsenti sœculo et in futuro. Cf. l’euchologe édité par la S. C. de la Propagande, Rome, 1873, p. 206-207 ; Goar, Euchologium Grxcorum, éd. de Venise, 1730, p. 542. Une rubrique prescrit d’ajouter l’oraison suivante, que récitaient autrefois et récitent encore quelquefois certains Orientaux unis : Deus, qui Davidi propria peccata confitenli per Nathan pepercit ; qui Petrum negationem lugenlem et meretricem ad pedes flentem, et publicanum et prodigum suscepit : ipse Deus per me peccatorem in præsenti et in futuro sœculo tibi parcat, et indemnatum te in tremendo suo tribunali sislere jaciat. De revelatis autem in hac confessione luis criminibus nulla sit tibi sollicitudo. Vade in pare. Goar, ibid.

Pierre Arcudius, qui prend beaucoup de peine pour établir la validité de la formule déprécative, après de longs raisonnements, en arrive à dire que la formule des Grecs n’est ni déprécative, ni indicative, ni impérative, mais simplement énonciative ou déclarative. Elle serait constituée par les simples mots suivants, qu’on chercherait en vain dans les euchologes grecs : "E)(M az cruyxeycop7)(, z£vov, c’est-à-dire : Euyycopco oot Ta àjj.apTT)(aaTa. Arcudius affirme que plusieurs confesseurs grecs de son temps employaient cette formule, dont on ne parle plus aujourd’hui. De concordia Ecclesiæ orientalis et occidentalis in septem sacramentorum adminislratione tibri VII, 3e éd., Paris, 1672, p. 430. Son dire est confirmé par ce que rapporte Gabriel Sévère, pour qui la forme du sacrement est celle-ci : ’H’/_àpiç toû 7rocvayîou IIvEL>(j.aTOç Sià -rç £i// ?i< ; TaTreiv 6tt)toç èyei æ croyxe ;)(copr)jxÉvov xaî XeXujjisvov, Gratia sanctissimi Spiritus per meam humilitatem habet lecondonatum et solulum. En réalité, ces paroles sont tirées de la formule citée plus haut : Deus, qui Davidi, mais Gabriel, soit pour plaire aux Latins, soit pour éviter d’être inquiété par l’Inquisition, a changé en déclarative la forme déprécative de l’euchologe.

A propos des formes déprécatives et indicatives, C. Androutsos trouve le moyen d’exalter les premières au détriment des secondes : « La forme déprécative, dit-il, convient parfaitement tant à la nature du sacrement qu’à son usage historique et à l’esprit de l’Église orthodoxe en général. Le principal ministre du sacrement de pénitence comme des autres sacrements, est,

en effet, non le prêtre, qui ne joue que le rôle d’instrument et de vicaire du Christ, mais le Seigneur lui-même, auteur des sacrements. Par ailleurs, jusqu’au xme siècle, la forme déprécative fut seule en usage, et demander à Dieu la rémission des péchés, au lieu de la prononcer de sa propre autorité, répond bien à l’esprit d’humilité de l’Église orthodoxe, qui n’exalte pas le clergé au-dessus du peuple, mais le cache pour ainsi dire sous les sacrements dont la grâce est communiquée par une formule au passif (comme celle du baptême : Le serviteur de Dieu X. est baptisé), ou dépend d’une invocation. » Aoyu.a"uxr p p. 383-384.

Les théologiens russes protestantisants du xviiie siècle, disciples de Théophane Procopovitch, avaient une tendance à nier le caractère judiciaire de l’absolution sacerdotale et employaient des expressions rappelant les théories des réformés. C’est ainsi que Platon Levkhine, dans son catéchisme ou Doctrine orthodoxe abrégée, IIe partie, § 36, déclare que le prêtre annonce au pénitent la rémission des péchés au nom du Christ. Théophylacte Gorskii, Orientalis Ecclesiæ orlhodoxa dogmala, éd. de.Moscou, 1831, p. 202, donne comme partie essentielle de la pénitence la vraie foi, par laquelle nous nous approprions les mérites du Christ. Sylvestre Lebedinskii, op. cit., p. 513, enseigne que l’absolution n’est pas un acte de juridiction autocratique ou judiciaire (otÙTOXpocTwpix/ ; v vel Slxaa-rtXTJv), mais ministérielle et instrumentale (S’.axovixrjv vel ôpyavixrjv). De nos jours, les théologiens gréco-russes ne font pas difficulté de reconnaître que l’absolution sacramentelle est un acte judiciaire. Cf. C. Androutsos, op. cit., p. 382-383.

III. NÉCESSITÉ ET FRÉQUENTATION DU SACREMENT.

— Les théologiens gréco-russes, sans nier la nécessité du sacrement de pénitence pour obtenir la rémission des péchés commis après le baptême, insistent beaucoup moinssur ce point que les théologiens catholiques.

Au xiie siècle, Michel Glykas paraît nier, dans un passage de son LXXe chapitre théologique, éd. Eustratiadès, t. ii, p. 235-237, la nécessité absolue de la confession, et recommande la confession à Dieu seul, au cas où l’on ne trouverait pas de père spirituel capable de porter remède aux maladies de notre âme. Il prétend appuyer, quoique à tort, son opinion sur l’autorité d’Anastase le Sinaïte, Quæslio VI, P. G., t. lxxxix. col. 372, et apporte des exemples pour prouver que la confession faite à Dieu seul peut remettre les péchés. Dans un sens contraire, quelques théologiens contemporains ne veulent point admettre la distinction de nos théologiens entre la contrition et l’attrition, et repoussent la doctrine qui dit que la contrition parfaite avec le désir du sacrement suffit à remettre les péchés avant la réception effective de l’absolution sacerdotale. Avec cette théorie, disent-ils, le sacrement devient superflu, et nous tombons dans la simple déclaration de la théologie protestante. Ainsi parlent le Russe N. Malinovskii, op. cit., t. ii, p. 405, et le Grec Androutsos, op. cit., p. 387.

En théorie, l’intégrité matérielle de la confession est exigée, comme on le voit par les ouvrages intitulés 5 E^ou.oXoyr)Tâpia, correspondant à nos anciens pénitentiels, où sont énumérées les diverses catégories de péchés avec leurs circonstances détaillées ainsi que les pénitences ou épitimies qu’il convient d’imposer pour chacun d’eux. Cf. r’E£o[j.oXoyï)Tàptov de Nicodème l’Hagiorite, Venise, 1794. En pratique, on attache beaucoup moins d’importance à cette intégrité matérielle que chez nous, surtout lorsqu’il s’agit de la confession des impubères, et l’abus n’est pas inouï qui consiste dans la confession en commun des enfants dans les écoles, le père spirituel énumérant devant l’assistance une liste de péchés, et les coupables donnant signe de repentir ; après quoi, une absolution