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    1. PENITENCE##


PENITENCE. LA DOCTRINE LUTHÉRIENNE

Il

ne serait que la crainte des châtiments dont Dieu menace le pécheur, avec la confiance en ses propres œuvres pour mériter par elles la grâce, sans égard aux mérites de Jésus-Christ et sans recours à la foi. Articles de Smalkalde, part. III, a. 3, De peenitentta, a. 18, op. cit., p. 314-315. Cette contrition, dit Luther, « n’est que pure hypocrisie et n’éteint pas les flammes du péché ». Cf. a. 2, De teye, n. 3, p. 312. Les mêmes idées se retrouvent dans la Captivité de Babglone, De sacramentel pœnitentiie. D’après Luther, les papistes ont imaginé une contrition sans la foi au Christ, et qui mériterait la grâce. Bien plus, ils ont inventé une certaine attrition qui, par le pouvoir des clefs (qu’ils méconnaissent), deviendrait contrition : ils l’accordent aux impies et aux incrédules, et ainsi périt toute véritable contrition ! La douleur des péchés n’aurait pas la foi comme principe, alors qu’au contraire c’est la foi seule qui lui donne sa valeur. Werke, t. vi, p. 544-545.

Se reporter également au Sermo de pœnitentia, dans Werke, t. î, p. 319, et particulièrement à la prop. 6, condamnée par Léon X, qui en est textuellement extraite. Voir col. 1055. Cf. prop. 7, 11, 12, 14. Voir également le développement des prop. 6 et 14, dans Asserlio omnium articulorum, Werke, t. vii, p. 113116, 121-122.

L’effort de Luther porte surtout contre l’attrition, qu’il appelle dédaigneusement dimidia quasi contritio, ou inilium contritionis. Art. de Smalkalde, part. III, a. 3, n. 16, p. 314. Et la description qu’il en fait, le rôle qu’il lui prête, n. 16-17, montre à quelle déformation il la soumet. Ce n’est plus, en raison de la crainte qu’inspire le jugement divin, qu’une velléité de contrition, que le prêtre, pour accorder l’absolution, décore du nom de contrition.

Mélanchthon, dans l’Apologia con/essionis, a. 12, engage une attaque virulente contre la conception des sententiaires. « Ils ne savent si c’est dans l’attrition ou la contrition que se fait la rémission des péchés. Si c’est à cause de la contrition, à quoi bon l’absolution, puisque le péché est déjà remis… D’autres rêvent que, par le pouvoir des clefs, la faute n’est pas remise, mais la peine éternelle changée en temporelle. Ainsi donc ce très salutaire pouvoir serait un ministère non de la vie et de l’Esprit, mais seulement de la colère et des peines. D’autres, plus prudents, enseignent que le pouvoir des clefs remet les péchés au for ecclésiastique, non au for divin. Erreur pernicieuse ! On nous enseigne aussi que la contrition mérite la grâce. Et cependant, Saul, Judas ont été terriblement contrits et cependant n’ont pas obtenu la grâce. Pour répondre à cette difficulté, il faudrait faire intervenir la foi et l’Évangile. Parce que Judas n’a pas cru, il n’a pu s’élever jusqu’à l’Évangile et la promesse du Christ. C’est donc la foi qui montre la différence entre la contrition de Judas et celle de Pierre. » Et la conclusion est que « toute cette doctrine… est pleine d’erreurs, hypocrisie pure, et qu’elle obscurcit le bienfait du Christ, le pouvoir des clefs et la justice de la foi ». Mùller, op. cit., p. 168-169. Voir également Loci communes, De psenitentia, dans Corp. reform., t. xxi, col. 490 ; Examen ordinandorum, t. xxiii, p. 47-54, passim.

Sacrement de pénitence.

Nous ne devons pas

nous illusionner sur la signification des titres : « Du sacrement de pénitence », qu’on lit assez souvent dans les ouvrages de Luther et de Mélanchthon. En réalité, Luther et ses disciples nient que la pénitence puisse, au sens véritable du mot, être appelée un sacrement. La Captivité de Babylone est significative à cet égard. Au début, Luther affirme qu’il n’accepte que trois sacrements : le baptême, la pénitence, le pain (eucharistique ) ; mais ce n’est que « provisoirement ». Werke, t. vi, p. 501. Arrivé à l’exposition de ce « sacrement. il constate combien l’Église romaine en a perverti la

nature fsacramentum ipsum in totum aboleveruut i Dans l’Évangile, ce sacrement implique seulement une promesse divine et notre foi : en pratique, l’Église en a fait l’exercice d’un pouvoir qu’elle a substitué au ministère à elle confié par le Christ, et qu’elle exerce moyennant les trois éléments dont elle a constitué le sacrement nouveau, contrition, confession, satisfaction, pour en faire un objet de lucre. Ibid., p. 543544. Finalement, Luther n’accepte d’appeler sacrement que les promesses (de la grâce) attachées à des signes : et, à ce compte, il n’y en a que deux, le baptême et le pain, dans lesquels on trouve un signe institué divinement auquel est jointe la promesse de la rémission des péchés. Mais la pénitence manque d’un signe divinement institué ; elle n’est, en réalité, pour le pécheur, que la voie, le retour aux sentiments du baptême. Ibid., p. 572, cf. p. 528.

Mélanchthon semble admettre la pénitence au nombre des sacrements véritables. Si sacramenta vocamus ritus qui habent mandatum Dei et quibus addita est promissio gralise…, vere… sunt sacramenta, baptismus. cœna Domini, absolutio, quæ est sacramentum peenitentiæ. Apologia confessionis, art. 13 (7), dans Millier. op. cit., p. 202. Mais tout l’article 12 (5). De pœnitentia, se réclame de la doctrine de Luther et montre clairement que le mot « sacrement » ne saurait, en ce qui concerne la pénitence, être compris par Mélanchthon dans un sens catholique. Voir aussi Loci communes, dans Corpus rejurmatorum, t. xxi, col. 215 et 470.

Confession.

Sur la confession chez Luther el

chez Mélanchthon, voir ici t. iii, col. 935-938. De Luther, on consultera encore : Contra malignum J. Eccii judicium M. Lutheri defensio, a. 7, Werke, t. ii, p. 645 : Confitendi ratio, n. 7-9, t. vi, p. 161-164 ; Assertin omnium articulorum…, a. 8, t. vii, p. 117. Voir les textes de la Confession d’Augsbourg, a. 1 1 et 25, dans Millier, op. cit., p. 41, 53 ; de l’Apologia confessionis. ibid., p. 164 sq., 185 sq. ; des Loci communes, dans Corpus reformatorum, t. xxi, col. 217-220, 493-495 : Examen ordinandorum, t. xxiii, col. 54-55. Mélanchthon distingue deux sortes de confessions : celle qui se confond avec la pénitence elle-même et consiste dans la confiance exprimée à Dieu du pardon des fautes dont nous sommes coupables : et l’aveu qu’on peut faire aux hommes, soit pour réparer une faute publique (comme cela se pratiquait dans la primitive Église dans la pénitence publique), soit pour la consolation du pécheur. Cette dernière confession n’est nullement nécessaire : aucun texte scripturaire ne l’impose : elle est utile cependant, à cause du pardon qu’elle provoque dans l’Église, de la discipline qu’elle maintient, de l’instruction dont elle est, pour les ignorant-, une salutaire occasion. Mélanchthon réfute l’argument des papistes, que le juge doit avoir connaissance de la cause. Cet argument provient d’un concept faux du pouvoir des clefs, qu’on identifie avec un pouvoir de juridiction, mais qui, en réalité, est un pouvoir de simple ministère. La seule confession dont il soit fait mention dans l’Écriture est la contrition ou pénitence par laquelle on se repent de ses fautes.

5° Pouvoir des clefs et absolution. Voir t. i. col. 214222. — Le pouvoir des clefs promis, Matth., xvi et xviii, conféré, Joa., xx. a été complètement défiguré par l’Église romaine. D’après Luther et ses disciple-. l’Église romaine verrait dans le pouvoir des clefs un pouvoir de juridiction, alors que le Christ n’a conféré à Pierre et aux apôtres qu’un pouvoir de ministère.

Ce ministère est la prédication de l’Évangile, qui rendra le pénitent certain sur terre de sa justification ratifiée dans le ciel. Le Christ n’a pas voulu autre chose : dans ses paroles, il n’y a rien qui touche au pouvoir ; il annonce simplement le ministère du par-