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PÉNITENCE. rUKCUKSKUKS DE LA RÉFORME


cesseurs. Denz.-Bannw., n. 379. Cf. Abélard, t. i,

col. 15. Cette proposition se trouve, quant au sens du moins, dans [’Éthique, P. L., t. clxxviii, col. 673. Son explication relève expressément de la théologie de la pénitence. Cf. ci-dessus, col. 914.

En réalité, Abélard est dans la note de son siècle. La première moitié du xiir siècle n’avait pas encore vu trancher définitivement la question, depuis si longtemps débattue, des évêques indignes, simoniaques ou excommuniés. Bien des canonistes avaient opiné que ce pouvoir n’existait plus chez eux, parce que l’autorité de l’Église suffisait à lier le sacrement. Ainsi Hugues d’Amiens, abbé de Reading, déclare que, sauf dispense de l’Église, les peines ecclésiastiques laissent subsister le sacrement de l’ordre chez le coupable, mais suppriment en lui tout pouvoir sacramentel actif, sauf celui de baptiser. Il distingue, entre sacramentum et officium, possession du sacrement et pouvoir d’en exercer les fonctions. C’était la doctrine dont le terrible cardinal Humbert s’était armé, au xr siècle, pour pourchasser les simoniaques. Voir Ordre, col. 1293, 1287. Et, au moment presque où Abélard écrivait, Pierre Lombard n’osait proposer la vraie doctrine que timidement. Voir Ordre, col. 1301. On comprend qu’Abélard se soit laissé influencer par les idées courantes pour énoncer la proposition condamnée. Pourquoi cette doctrine a-t-elle été considérée comme subversive, alors qu’un honnête laissez-passer était accordé à des erreurs similaires ? Outre les raisons générales qui expliquent la condamnation d’Abélard, il faut faire état de ce qu’Abélard niait ou révoquait en doute le pouvoir des clefs chez les évêques qu’il jugeait indignes, indépendamment du jugement de l’Église et antérieurement à toute sentence canonique. Jamais, au plus fort des controverses sur la réordination des clercs simoniaques, on n’avait formulé une théorie aussi révolutionnaire. Seuls étaient censés perdre leur pouvoir, ceux qui avaient été ordonnés hors de l’Église et encore par des évêques sacrés hors de l’Église, de telle sorte que la notoriété même de la simonie et de l’hérésie (les deux étaient la plupart du temps identifiées ) fût incontestable. Abélard, lui, se posait, au moins semblait-il se poser, en juge : par là, il serait un véritable précurseur de Wiclef. Sa rétractation porte la marque des idées de son époque : « Je professe que non seulement les apôtres, mais encore leurs successeurs, les dignes et, tant qu’ils sont tolérés par l’Église, les indignes, ont reçu le pouvoir de lier et de délier. » Professio fidei, P. L., t. ci.xxviii, col. 178.

Wiclef et Jean Hus.

On connaît le système

prédestinatianiste de Wiclef qui aboutit, en fin de compte, à rendre inutile toute intervention de l’Église dans l’affaire du salut : Dieu a tout déterminé d’avance et il n’y a de vrai membre de l’Église que le prédestiné. C’est, par anticipation, l’erreur fondamentale de Calvin. Dans le Trialogus, iv, 15, Wiclef professe qu’il n’y avait dans l’Église primitive que deux fonctions, prêtrise et diaconat. L’épiscopat n’a été introduit que par orgueil, superbia csesarea. C’est l’idée chère à Marsile de Padoue et à Jean de Jandun. Voir t. x, col. 155-160. Mais, de plus, tout prêtre prsescitus, c’est-à-dire connu d’avance par Dieu comme réprouvé, est hors de l’Église et n’y peut exercer aucun pouvoir. En conséquence, « un évêque, un prêtre, en état de péché mortel, n’ordonne pas, ne consacre pas, ne confère pas les sacrements ». Prop. 4, Denz.-Bannw., n. 584. Aussi, dans le cas du sacrement de pénitence, l’absolution donnée par le prêtre coupable est-elle un geste sans efficacité. Nous avons là un écho de

la doctrine des fraticelles, concernant l’invalidité de

tout sacrement administré par un prêtre criminel, doctrine condamnée cent cinquante ans plus tôt par

Jean XXII. Prop. 2 et 4, Denz.-Bannw., n. -186. 188.

Mais Wiclef dépasse cette erreur : quelle que soit la condition morale du prêtre confesseur, l’absolution conférée par lui est un abus de pouvoir : pardonner les péchés, c’est usurper les pouvoirs divins. Cf. Thomas Netter (Waldensis). Doctrinale antiquitatum fidei, Paris, 1521, 1. II. e. i.xi.iv. Conclusion par rapport au pénitent : Si l’homme est suffisamment contrit, toute confession extérieure lui est superflue et inutile. Prop. 7. Denz.-Bannw., n. 587. Aux erreurs sur l’exercice valide du pouvoir sacerdotal. Wiclef ajoute ici une erreur nouvelle : la contrition seule, sans désir du sacrement, est suflisante pour la rémission des péchés : la confession est donc inutile.

Pour préciser, par rapport à Wiclef, la position de Jean Hus sur le pouvoir des clefs, on se reportera à l’art. Ordiu :, col. 1335. Hus paraît avoir été plus circonspect que Wiclef : néanmoins, au concile de Constance, on lui reprocha d’avoir professé un certain nombre d’erreurs touchant l’administration des sacrements en général et la justification sacramentelle en particulier, i La confession vocale, aurait-il dit. introduite par Innocent (III). n’est pas aussi nécessaire que ce pape l’a défini. La raison en est que, si quelqu’un a offensé son frère en pensée, en parole ou en action, il suflit qu’il fasse pénitence, en pensée, en parole ou en action. Prop. 9, Hefele-I.eclercq, t. vii, p. 309. Et encore : « C’est une chose dure et sans fondement que le prêtre entende les confessions du peuple, de la façon en usage chez les Latins. > Prop. 10, ibid. C’est le diable qui a introduit cette confession dure et sans fondement. » Prop. 11, ibid. Voir Concile de Constance, xv° session, Mansi, Concil., t. xxvii, col. 747 sq. On ne retrouve pas ces articles parmi ceux qui furent condamnés le 6 juillet 1415. Seule la proposition 8 peut insinuer l’erreur touchant la validité du ministère sacerdotal accompli par un prêtre coupable.

Il n’en est pas moins vrai que, dans le même concile de Constance, en exécution de la bulle Inter cunctas, 22 février 1418, trois questions furent posées, dont l’une est relative à l’administration des sacrements en général ; en voir le texte, t. xi, col. 1336 : les deux autres concernent la justification dans le sacrement de pénitence. Les voici :

Q. xx : Vlrum credat quod christianus ultra contritionem cordis, habita copia sacerdotis idonei, soli sacerdoli de necessitale salutis confiteri ieneatur, et non laico seu laicis quantumeunque bonis et devotis ? Denz.-Bannw. , n. 670. Dans cette interrogation, il n’est pas question de réprouver l’ancienne pratique de la confession aux laïques, en cas de nécessité et en l’absence de prêtre : ici. en effet, on suppose la copia sacerdotis idonei. Mais l’Église condamne la doctrine subversive qui méprise le pouvoir des clefs, semble même en nier l’existence, en accordant aux simples laïques le droit d’absoudre, comme aux prêtres.

Q. xxi : Item, utrum credat quod sacerdos, in casibus sibi permissis, possit peccatorem confessum et contrition a peccatis absolvere et sibi psenitentiam in/unqere ? Denz.-Bannw., n. 671. Ici, la question se fait plus précise : la foi catholique exige qu’on reconnaisse la validité du sacrement de pénitence conféré par un prêtre ayant juridiction, par rapport au pécheur confessé et vraiment contrit. I lefele-Leclereq. p. 524.

Les idées que rejette l’orthodoxie catholique en posant ces questions aux partisans de Hus rentrent bien dans le cadre général du système de l’hérésiarque : l’Église invisible, composée des seuls prédestinés, supérieure à toutes les formes visibles, à toutes les hiérarchies dont s’entoure l’Église romaine. De là, dans l’histoire du hussisme. des assertions contraires au dogme du sacrement de pénitence et au pouvoir des clefs, assertions qui. au début du XVIe siècle, se ren-