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PÉNITENCE. LA REFORME PROTESTANTE


la l re partie de cet article doit être condamnée comme hérétique, il n’en peut être de même de la 2e qui concerne la confession. Car c’est là, dit-il, l’opinion de Cajétan, d’Adrien, dans son Commentaire sur les Sentences, de John Fisher (Roffensis), a. 15 contre Luther, de Pierre de la Palu et de Richard de Médiavilla, In JVum Sent., dist. XVII. Et, par conséquent, conclut le théologien dominicain, « il ne semble pas qu’on puisse condamner cet article comme hérétique ; autrement tous ces docteurs devraient, eux aussi, encourir la qualification d’hérétiques ». Et Cano de conclure que, se séparant de l’opinion de Cajétan, il estime que l’obligation, pour le pécheur, de se confesser avant de recevoir l’eucharistie, vient d’une tradition de l’Église. Theiner, t. i, p. 494.

Des remarques analogues furent faites par Melchior de Bosmediano ; il faut, déclare ce théologien, condamner la doctrine erronée, mais en des termes tels que ne rejaillisse point sur les auteurs catholiques la note d’hérésie. Theiner, p. 497. On peut constater que le texte du canon Il tient compte de ces remarques. 2. Deux témoins principaux de la tradition de l’Église au xme siècle peuvent être invoqués : saint Thomas et Duns Scot.

Saint Thomas n’aborde pas directement la question, mais il la résout implicitement dans le Suppl., q. vi, a. â :.( Est-on tenu de se confesser immédiatement ? » Le point de départ de la solution est précisément le décret du concile du Latran. « Dans la décrétale, c’est tout ensemble qu’est, donné le temps déterminé pour se confesser et le temps pour la réception de l’eucharistie. Or, l’homme ne pèche pas s’il ne reçoit pas l’eucharistie avant le temps déterminé par le droit. Donc, il mpèche pas non plus, s’il ne se confesse pas avant ce temps-là. » Dans la pensée de saint Thomas, c’est donc la réception de l’eucbaristie qui commande le recours à la confession. Le corps de l’article vient corroborer cette conclusion. Notre docteur précise, en effet, que la (nutrition, avec le propos de se confesser qui y est annexé, s’impose au pécheur chaque fois que l’état de grâce lui est nécessaire. Mais, pour la réception de [’eucharistie, le propos n’est pas suffisant : « On est tenu de se confesser, si l’on doit recevoir l’eucharistie, dont nul ne doit s’approcher, après un péché mortel, sans s’être confessé, s’il a le prêtre à sa disposition, et qu’il n’y ait pas de nécessité l’obligeant à communier. Et de là vient l’obligation que l’Église fait à tons de se confesser au moins une fois l’an ; parce qu’elle a institué qu’une fois dans l’année, savoir à Pflques, tous i -ci ; ni eut la sainte communion cf. à cause dicela, avant ce temps, tous sont tenus de se confesser. On le voit, saint Thomas accepte comme une Obligation déjà existante le précepte de se confesser avant la communion quand on est en état de péché mortel, l’our les autres cas, il se refuse à suivre l’opinion plus dure d’Alexandre de Haies, Summa, part. IV, q xviii, membr. 4, a. 4. exigeant du pécheur contrit uni confession immédiate. Saint Bonaventure acceptait une opinion moyenne, imposant l’obligation de se confesser immédiatement aux seuls religieux ; et saint Thomas rejette, même pour les seuls religieux, cette interprétation sévère du décret du Latran. Dans le Qttodl., i, a. 1 1. s iin t Thomas requiert la confession également a van I l, i réception du sacrement de l’ordre ; mais encore en raison de la réception de l’eucharistie.

1 I -I dans le ( jmimrnluriiim Ol onietue m I "" Sent., qui 1 > ii ii *- Scol résout la question de l’homme en état de péché mortel se disposant a recevoir la sainte eucharistie El il envisage trois hypothèses : "/ le pécheur, an moment même de communier, pèche en Intérieurement on extérieurement ; l< i son péché

est passé, niais, ne s’en souvenant pas. il n’en a en el

n’en a aucune pénitente ; e) du péché passé, il se sou

vient, se repent, mais ne se confesse pas. Le troisièn.e cas seul nous intéresse. S’il peut se confesser, il y est tenu avant de communier ; car, même s’il est déjà réconcilié avec Dieu, il ne l’est pas encore avec l’Église. S’il ne peut se confesser, il doit omettre la communion, s’il le peut sans scandale. S’il craint de scandaliser en s’abstenant de communier, il pourra communier ; au cas où il manquerait de confesseur idoine. L. IV, dist. IX, n. 3. Cf. Minges, Compendium theol. dogm., t. ii, n. 418. La raison apportée par Scot est reproduite au concile de Trente par Melchior de Bosmediano : quemadmodum requiritur reconciliatio apud Deum per contritionem, eodem modo requiritur reconciliatio Ecclesise per confessionem. Theiner, t. i, p. 497 a.

3. Au moment où allait se réunir le concile de Trente, il semble que la controverse portait plutôt sur le caractère, divin ou ecclésiastique, que sur l’existence de la prescription. Tous, sauf peut-être Cajétan, reconnaissaient une obligation accidentelle et grave de se confesser avant la réception de l’eucbaristie, Mais, alors que certains théologiens, tel Barthélémy Spina (î 1546), voulaient établir l’origine divine du précepte, d’autres (Cajétan, Adrien, Jean de Médina) n’y voyaient qu’une coutume ou une loi ecclésiastique d’introduction récente, imposée aux fidèles pour éviter les communions sacrilèges. Il semble bien que c’ait été là la pensée des Pères de Trente. Voir t. iii, col. 909910. Plusieurs théologiens contemporains ont abandonné l’opinion de saint Alphonse de Liguori (lequel opinait en faveur du droit divin, Theol. moralis, t. VI, n. 256) et se sont ralliés à la solution de Jean de Médina. Voir Noldin-Schmitt, De sacramentis, n. 140 ; Genicot-Salsmans, Theol. moralis, t. ii, n. 192. D’autres restent fidèles à la conception du précepte divin. Priimmer, Theol. moralis, t. iii, n. 192 ; Cappello, De sacramentis. t. î, n. 488.

A. Michel.

IV. LA PÉNITENCE DE LA RÉFORME A NOS JOURS- — Nous avons dit à l’article Okdiu ;, t. xi, col. 1333, comment le principe protestant de la justification supprime l’intermédiaire entre Dieu et l’homme et ruine le sacerdoce par sa base même. Tous les sacrements, même le baptême et la cène, ne sauraient plus être que des signes extérieurs attestant notre foi en la promesse de Dieu relativement au pardon de nos fautes en vue de Jésus-Christ. Plus encore que le sacrement de l’ordre, le sacrement de pénitence se trouve ébranlé par cette doctrine. D’ailleurs, plus de caractère sacerdotal, plus de pouvoir des clefs agissant du piètre sur le fidèle. Luther et ses émules devront changer toute la signification du vocabulaire théologique sur les points traditionnels de la confession, de la contrit ion. du pouvoir des clefs, du pardon des fautes. Ils chercheront même à justifier leurs opinions nouvelles par les assertions de l’Écriture, et de la tradition, représentée surtout parles théologiens du xir et du début du xiir siècle. Et, surtout, ils profiteront des troubles déjà apportés par certains esprits brouillons ou mal intentionnés dans la doctrine du pouvoir des clefs, pour répandre leurs idées subvei sives et créer, pour ainsi dire de toutes pièces, une théologie inédite du sacrement de pénitence. Nous étudierons successivement : I. Les précurseurs du

protestantisme. II. Les doctrines des rélurinatcun (col. 1053). lll. L’œuvre duconcilede Trcnte(col. 1069). IV. La théologie post Iridentine (< ol, 1 I 13).

I. l.i.S PRÉCURSEURS I" PROTESTANTISME.

i ibilard († 1112°. On s’est plu a trouve) chez Vbélard un précurseur du protestantisme, surtout en ce qui concerne la pénitence sacramentelle, en raison de la proposition 12 de » capitula Atoefard/ condamnés au

concile de Sens, eu I I III : le pouvoir de lier et de délie) a été donne aux apôtres seulement et non a leurs suc-