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1015 PÉNITENCE. LES THOMISTES, DÉBUT DU XV le SIÈCLE

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sacramentelle. Sur la grâce sacramentelle, il commente le De veritate, q. xxvii, a. 7, en distinguant le double effet du sacrement qu’on peut appeler grâce sacramentelle, mais qu’il faut savoir distinguer, l’effet premier, direct, effectivement produit, res et sacramentum ; l’effet ultime, médiat, dispositivement atteint, res tantum, ou grâce justifiante. Dans le premier sens, la grâce sacramentelle est, et ne peut être, que la pénitence intérieure. Cette pénitence intérieure n’est pas nécessairement toujours en acte ; elle est plutôt une disposition habituelle, procédant d’un acte antérieur, quædam habitudo rationis ad ipsum actum prœcedentem. Par là se dissipent les difficultés inhérentes à la thèse de la reviviscence du sacrement informe. La raison de cette reviviscence n’est autre que la disposition habituelle de la volonté, disposition toujours en relation avec le sacrement précédemment reçu. Insuffisante au moment où fut donnée l’absolution, cette disposition peut devenir suffisante, soit par l’action directe de Dieu dans l’âme, soit par une réception nouvelle et mieux préparée du sacrement. Telle semble être, dans ses grandes lignes, la position de Sylvestre, « interprétant » les passages discutés de saint Thomas.

Dans la partie constructive de sa thèse, Sylvestre fait observer comment la pénitence se différencie des autres sacrements. Avant tout, du côté de la matière, qui, dans la pénitence, n’est pas une chose matérielle, mais les actes mêmes du pénitent. Parmi ces actes, comme partie matérielle et intégrale, la contrition, mais en tant qu’elle se manifeste et s’extériorise en quelque manière. Deuxième différence : les autres sacrements (on ne peut guère citer que le baptême) quand ils agissent simplement par le désir qu’on en a, ne produisent dans l’âme que l’effet dernier (res tantum), la grâce ; ici, la pénitence reçue in voto, produit également le res et sacramentum. Troisième différence : dans les autres sacrements, la matière possède une certaine causalité à l’égard de la grâce, ou de la disposition à la grâce ; dans la pénitence, toute la causalité se tient du côté de la forme (en ce sens est interprété saint Thomas, De veritate, q. xxviii, a. 8, ad 2um). Enfin, la pénitence intérieure peut être considérée soit comme acte de vertu, soit comme acte concourant à la guérison du péché, et cette dernière considération prévaut ici.

Cela posé, Sylvestre déclare que le res et sacramentum de la pénitence est la psenitentia interior non en tant qu’acte de vertu, mais en tant que recevant du sacrement son efficacité à l’égard du péché à détruire. Cette efficacité est non efficiente, mais dispositive, et parvient à son effet ultime indirectement ou directement : indirectement, dans le cas où le pécheur s’approche du sacrement avec la simple attrition, laquelle, grâce à l’action du pouvoir des clefs, sera élevée, dans le sacrement même, à la valeur de disposition parfaite ; directement, dans le cas de la contrition parfaite, laquelle cependant, dans le sacrement, deviendra une disposition plus parfaite encore. Sur la difficulté, qui avait tant arrêté Capréolus et Pierre de la Palu, savoir que la pénitence intérieure serait simultanément antérieure et postérieure, cause et effet, par rapport au sacrement, Sylvestre accepte cette dualité, en expliquant que, si la contrition précède le sacrement, c’est en tant qu’acte du libre arbitre ; si elle le suit, c’est en tant que destructive du péché, même dans le cas où le sacrement non reçu effectivement serait reçu in voto.

En conséquence, il faut ranger le Ferrarais parmi les défenseurs de la causalité dispositive. Cf. In t. IV,

c. LXX, LXXI.

L’effet dernier (res ultima) du sacrement de pénitence est la rémission des péchés ; c’est même l’effet propre du sacrement. In t. IV, c. lxxii. Avec la

rémission des péchés est accordée, soit au moment de l’acte de contrition parfaite, soit à la réception de l’absolution, la remise de la peine éternelle. Id. La satisfaction sert à la rémission des peines temporelles ; elle doit être proportionnée aux forces humaines. Sylvestre profite de l’occasion pour rappeler que saint Thomas a enseigné que le reatus panse est une simple relation de raison, et non une entité ou relation réelle (comme le lui reproche Duns Scot), relation fondée sur la loi, posée par Dieu, d’un châtiment pour le péché. La raison fondamentale pour laquelle la purification de l’âme n’est pas, dans la pénitence, nécessairement totale comme dans le baptême, c’est que, dans le baptême, seule agit la vertu du Christ ; et dans la pénitence il faut tenir compte de notre opération personnelle, divina gratia injormata. In L IV, c. lxxii ; cf. Sum. theol., III a, q. lxii, a. 2. A l’instance qui objecte chez les adultes la nécessité d’une contrition intérieure pour recevoir avec fruit le baptême, Sylvestre répond, avec saint Thomas, III a, q. lxxxiv, a. 1, que cette contrition, dans le baptême, est une simple disposition éloignant l’obstacle à la grâce, tandis que, dans le sacrement de pénitence, elle appartient à l’essence même du sacrement.

Cajétan.

Les ouvrages auxquels on se référera

sont : les Commentaires à la Somme théologique de saint Thomas, la Summula de peccalis et les Opuscules (Lyon, t. i, 1575), tract. IV-VII, XVII, XVIII.

C’est à Cajétan, semble-t-il, qu’on doit rapporter, dans l’interprétation de saint Thomas, une direction nouvelle quant à la doctrine de la causalité sacramentelle. Cajétan estime que saint Thomas, ayant proposé dans le Commentaire sur les Sentences, l’opinion de la causalité dispositive, a, dans la Somme, III a, q. lxii, exposé sa véritable pensée : la grâce sanctifiante serait causée effectivement (e/ficienter), principalement par Dieu, instrumentalement par le sacrement. La grâce est ainsi l’effet principal du sacrement ; le caractère en est l’effet secondaire. La grâce sacramentelle ne saurait donc être considérée comme une disposition à la grâce commune ; c’est cette grâce même, avec les vertus infuses annexes, et les grâces actuelles propres à atteindre le but de chaque sacrement. Loc. cit., a. 2. La façon dont se sont exprimés généralement les théologiens vient de leur impossibilité de concevoir une participation de la créature, même à titre de simple instrument, à la « création de la grâce. Mais il ne s’agit pas plus de création dans l’infusion de la grâce, que d’annihilation dans la perte de la grâce. Sans s’attarder à discuter ce point de vue, Cajétan déclare qu’on ne doit pas exclure la créature de la production de la grâce, puisque le Christ, par son humanité, qui doit être comptée au nombre des créatures, fait dériver la vie de la grâce dans les membres de son corps mystique. L’humanité du Christ est un instrument uni à la divinité ( instrumentum conjunctum), le sacrement est un instrument séparé ; mais la causalité demeure la même.

Abandonnée la causalité dispositive, Vornatus doit disparaître. C’est une conséquence de la nouvelle orientation donnée à la théologie sacramentaire en général. Et Cajétan veut la justifier, sans trop se soucier des controverses antérieures. Il expose que Vornatus n’est vraisemblable et nécessaire ni pour expliquer la causalité du sacrement, ni pour assurer l’existence du res et sacramentum, ni pour disposer le sujet à la réception de la grâce. Le sacrement agit directement ; le res et sacramentum est suffisamment constitué par la pénitence intérieure ; la disposition du sujet à la grâce est dans les actes eux-mêmes de ce sujet, lorsque cette disposition est nécessaire. De toute façon, Vornatus est superflu ; la pénitence intérieure suffit au res et sacramentum. Ibid.