Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.1.djvu/507

Cette page n’a pas encore été corrigée

999

    1. PÉNITENCE##


PÉNITENCE. LES THOMISTES, XIIIe ET MV « SIÈCLES

M (00

au pécheur pour obtenir la rémission de ses fautes : contraria contrariis curantur. Qu. 19. Exposant quels mollis nous induisent en contrition, l’auteur suit Haymond et en indique six : 1. considération du péché ; 2. honte qui en ressort ; 3. détestation de la folie du péché ; 4. crainte du jugement et de l’enfer ; 5. douleur de la perte de la patrie céleste en raison des multiples offenses faites au Créateur ; et ici notre auteur indique trois degrés de la douleur : acer, à la pensée que le Créateur a été offensé ; acrior, en songeant à l’affiiction du Père céleste qui nous a tant protégés ; acerrimus, au souvenir de Jésus-Christ et de ses souffrances rédemptrices ; 6. espérance du pardon, de la grâce, de la gloire. De ces motifs, la théologie postérieure en retiendra quelques-uns pour la contrition imparfaite, laissant les autres à la contrition parfaite. Qu. 21.

Sur la causalité du sacrement, Jean a peu de choses. Il incline vers la causalité dispositive ; verius et communius dicendum, affirme-t-il. Qu. 179. Avec saint Thomas, il distingue, dans le sacrement de pénitence, le sacrement extérieur, sacramentum tantum, composé des actes du pénitent, contrition, confession, satisfaction, et de l’absolution du prêtre ; l’effet intérieur qui participe du sacrement, res et sacramentum ; et l’effet dernier, res tantum. Qu. 189. Toutefois, la vertu du sacrement réside dans la vertu du pouvoir des clefs. Qu. 177. Le res et sacramentum est, comme chez Thomas, la pénitence intérieure non pas en tant qu’acte de vertu, mais en tant qu’elle est unie au sacrement extérieur, tout au moins par le désir. C’est dans cette relation au sacrement qu’elle trouve sa vertu rémissive. L’effet ultime de la pénitence, res sacramenti, est signalé d’un mot : c’est la rémission des péchés.

La confession est nécessaire : la rémission des péchés ne peut être opérée sans que le pécheur soit mis en relation avec la passion du Christ par le sacrement de pénitence, et la confession fait partie de ce sacrement : donc, l’aveu est nécessaire pour la rémission. Comme Thomas, Pierre et Raymond, Jean enseigne que la confession est non de droit naturel, mais de droit divin, et il s’appuie sur Jac, v, 16, et Matth., iv, 17. En accordant aux apôtres le pouvoir de lier et de délier, le Christ n’a cependant institué la confession que d’une manière implicite ; les apôtres ont ensuite promulgué cette institution tacite du Sauveur. Qu. 31 et 33. Raison de convenance aussi : l’humilité est nécessaire à la rémission des péchés ; or, la confession donne l’humilité. Qu. 65. Toutefois, le précepte divin de la confession n’atteint que les péchés mortels, qui détruisent l’amitié divine. Qu. 150. Pour les péchés véniels, on peut en obtenir la rémission par les six moyens indiqués par Raymond ; notamment l’eucharistie, la confession générale qu’on fait chaque jour à l’office, prime et complies, et au début de la messe, l’eau bénite. Qu. 150 ; cꝟ. 156. Il est plus sûr de confesser tous les péchés, mortels et véniels, au prêtre ; on peut, sans y être obligé, confesser les véniels au prochain. Qu. 150. Mais les fautes graves doivent être, en principe, avouées au curé, qui a charge d’âmes. Qu. 38. En cas de nécessité, c’est-à-dire en danger de mort, et au départ pour une guerre juste, on peut, sans y être obligé, se confesser à un laïque. Qu. 39, 43. Jean envisage, comme saint Thomas, le cas de la confession faite avec fiction. La rémission des péchés est, en principe, acquise, recedente ftetione. Mais Jean précise de plus, à la suite de Raymond, que si, au moment de la confession, le pénitent avait encore le propos de pécher, ou, ce qui revient au même, de ne pas s’amender, la confession devrait être refaite intégralement, sauf le cas où le pénitent, allant retrouver le même confesseur, celui-ci se souviendrait encore suffisamment de la confession précédente. Qu. 66.

Sur le rôle de la contrition dans la rémission sacra mentelle des péchés, les idées de l’auteur sont assez dispersées et pas toujours concordantes. Parfois, la rémission du péché et de la peine est attribuée à la contrition sans restriction, qu. 27 ; d’autres fois, la confession et l’absolution sont conçues comme achevant ce qui manque à la préparation, à condition que le pénitent ne présente pas d’obex. On ne saurait déterminer exactement si l’auteur entend qu’en ce cas, la contrition doit être actuelle ou simplement habituelle. Qu. 179. Quoi qu’il en soit, on ne peut souscrire à l’interprétation de Morin, que, pour Jean de Fribourg, la simple attrition soit l’équivalent de la fictio. De contritione et ailritione, c. vi. Dans le cas où la contrition remet faute et peine avant même que soit faite la confession et conférée l’absolution, l’auteur explique que c’est néanmoins en vertu du pouvoir des clefs, reçu in voto, que s’opère cette rémission. Qu. 27, 177.

Par une sorte de contradiction (commune à plusieurs auteurs de l’époque), tout en admettant que le sacrement agit ex opère operato, Jean de Fribourg conçoit l’exercice du pouvoir des clefs à la façon de Pierre Lombard, tout comme l’exposait Romain de Rome, voir col. 994. Cf. Gôttler, op. cit., p. 118-128.

6° Bernard de Gannat (f début du xive siècle). — Cet auteur est également appelé d’Auvergne ou de Clermont, probablement parce qu’évêque de cette ville. Cf. Archiv fur Lit.- und Kirchengesch. des M. A. (Denifle, Ehrle), t. ii, p. 227. Un des plus fidèles disciples de saint Thomas, au dire de Capréolus, In /yum Sent., dist. XVII, q. ii, a. 3, et auquel on attribue une Lectura super omnes libros Sententiarum et des écrits contre Henri de Gand, Geoffroy de Fontaines et Jacques de Naples ou de Viterbe, probablement les Quodlibeta qui nous sont parvenus. Des commentaires sur les Sentences, on ne possède que les citations assez abondantes faites par Capréolus et de courts aperçus donnés par Morin dans De contritione et atlritione.

c. XI.

Bernard est intéressant surtout par sa théorie de l’ornatus animée qui permet d’expliquer comment le sacrement de pénitence peut être validement administré, nonobstant une certaine fiction de la part du sujet, et produire son effet quand cette fiction disparaît. Tout comme d’autres sacrements produisent le caractère qui est une disposition à la grâce, ainsi la pénitence produit immédiatement, quand toutes les conditions de validité existent de la part du sujet et de la part du ministre, une certaine disposition physique dans l’âme, qui obtiendra l’effet dernier de la justification, quand le sujet aura l’ultime disposition morale requise, à savoir une contrition suffisante. Cf. Capréolus, In 7Vum Sent., dist. XVII, q. ii, a. 3. C’est que Bernard n’impose pas comme absolument indispensable à l’effet du sacrement la simultanéité de ses parties essentielles : de même que la contrition peut précéder l’absolution et la confession et produire tout l’effet du sacrement, qu’elle doit d’ailleurs contenir en désir, de même la confession et l’absolution peuvent déjà constituer le sacrement, et précéder la contrition qui l’achèvera. Hœc Bernardus, écrit Capréolus, et bene. Loc. cil. Le for de Dieu ne coïncide pas nécessairement avec le for pénitentiel de l’Église.

Quant à la qualité de l’amour qu’inclut la contrition suffisante, il semble bien, d’après Bernard, que ce soit déjà un certain amour de charité. On devrait donc le compter parmi les précurseurs du contritionisme. Quodl., V, q. xiv, cité par J. Morin, De contr. et attr.. c. xi. D’où il suit que, même par l’absolution, la simple attrition ne peut jamais devenir contrition : idée dont Capréolus, loc. cit., blâme notre auteur, autant qu’il l’avait loué de sa réfutation victorieuse de Geoffroy. Sur la reviviscence de la grâce et des vertus, il tient la doctrine de saint Thomas contre Henri de Gand. Ainsi.