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PÉNITENCE. SAINT THOMAS, L’ATTRITION


fois une partie du sacrement.. Toutefois, la douleur du péché n’est un acte de la vertu de pénitence que dans la contrition proprement dite : « de l’aveu de tous ; l’attrition n’est pas un acte de vertu. » Suppl., q. I, a. 1 ; a. 2, ad 2um.

Douleur surnaturelle du péché et résolution de le réparer, la contrition réside dans la volonté ; mais, normalement, elle peut émouvoir, « par une conséquence naturelle et nécessaire », la sensibilité. En tant qu’elle affecte la volonté, la contrition surpasse toutes les douleurs du même ordre : la fin dernière nous plaît par-dessus tout, puisque pour elle nous désirons tout le reste. D’où le péché, qui nous détourne de cette fin dernière, doit nous déplaire par-dessus tout. Suppl., q. iii, a. 1. Sur le caractère de souveraineté de la contrition, voir surtout l’ad 4um ; il ne faut pas d’ailleurs que, dans sa partie sensible, la contrition devienne excessive : acte de vertu morale, elle évite de pécher par excès comme par insuffisance. « En tout ceci, on doit prendre pour mesure la conservation du sujet qu’affecte la contrition et d’un bon état habituel qui suffise aux occupations obligatoires du pénitent. » Id., q. iii, a. 2. Et saint Thomas met en garde le pénitent contre le danger d’examiner en détail les biens qu’il doit sacrifier pour se préserver du péché. Ibid., a. 1 ; cf. Quodlibet, i, a. 9.

Douleur surnaturelle du péché, la contrition, « en tant que douleur de la volonté, doit être plus grande pour un péché plus grave, parce que la raison de cette douleur, l’offense de Dieu, est plus grande en un péché qu’en l’autre, un acte plus désordonné offensant Dieu davantage ». Il faut en dire autant de la douleur de sensibilité, volontairement provoquée. Q. iii, a. 3.

2. Objet.

La contrition ne peut avoir pour objet

la peine due au péché, mais le péché lui-même considéré comme malum culpæ. Suppl., q. ii, a. 1. Elle ne peut avoir pour objet que les péchés qui, en nous, proviennent de la dureté de notre volonté propre. Donc, pas le péché originel, a. 2 ; cf. De malo, q. vii, a. 11, ad3um ; mais les seuls péchés actuels commis après le baptême, mortels, a. 3, et même véniels, ad 4um ; cf. III a, q. lxxxvii, a. 1 ; De malo, q. vii, a. 11, et 12 ; In IV™ Sent., dist. XVI, q. ii, a. 2, qu. 2. De plus, il faut que la contrition porte sur tous les péchés mortels sans exception, sans toutefois qu’il soit nécessaire que, dans son terme, elle porte sur chaque péché en particulier. Considérée dans son principe, c’est-à-dire dans la pensée surnaturelle que le pécheur donne à son péché pour le regretter, le mouvement de pénitence — contrition ou simple attrition — doit porter sur chacun des péchés dont on a le souvenir. Suppl., q. ii, a. 6. Quant aux péchés dont on n’a plus le souvenir ou dont on n’a qu’un souvenir imparfait, il faut chercher à préciser notre souvenir et nous repentir de ce péché comme on le connaît. Ibid., a. 3, ad 2um.

La contrition ayant pour objet les péchés passés et personnels, il ne saurait être question d’avoir la contrition des fautes futures, a. 4, ou des péchés d’autrui, a. 5. Toutefois, la contrition prévoit les péchés à venir, pour n’y point retomber : « elle se met en garde, ce qui est une partie de la prudence, s’ajoutant à l’acte propre de la contrition », a. 4 ; cf. III a, q. lxxxiv, a. 8, ad lum.

3. Durée.

La vraie contrition doit durer autant

que la vie présente : douleur de raison qui est la détestation du péché, douleur de sensibilité, qui est la conséquence de la première, la contrition doit nous faire regretter les obstacles qui empêchent ou retardent notre arrivée au terme. Or, tant que nous sommes en vie, il nous est impossible de retrouver le temps perdu par le péché. De plus, la douleur sensible nous sert de peine temporelle expiatrice. Suppl., q. iv.

a. 1 ; cf. III a, q. i.xxxiv, a. 8. Même si la satisfaction était terminée, il y aurait encore lieu à contrition. Suppl., id., ad 5um. D’ailleurs, la parole du Seigneur : « Bienheureux ceux qui pleurent », montre bien qu’il est bon d’entretenir notre douleur autant que possible. Mais la douleur sensible doit être modérée dans la durée, comme elle doit l’être dans son intensité. Ibid., a. 2.

Dans l’autre vie, plus de contrition possible, au sens strict du mot. Les âmes des élus ont une plénitude de joie qui exclut toute douleur : les damnés souiTrcnt. mais leur douleur n’a pas la grâce, qui lui donne sa forme de contrition ; les âmes du purgatoire n’ont pas une douleur méritoire, n’étant plus dans l’état où le mérite est possible. Ibid., a. 3. Voir aussi, q. xvi, a. 2 et 3.

Atirilion.

1. Attrition, acte imparfait de pénitence.

— Saint Thomas emploie rarement le mot « attrition ». Il connaît cependant le mouvement psychologique désigné par ce terme ; mais la signification qu’il lui accorde, avec tous ses contemporains, ne coïncide pas avec celle de la théologie moderne. Pour saint Thomas, contrition et attrition sont toujours des actes et non des habilus. Est contrition, au sens strict, toute douleur du péché qui procède de la pénitence infuse, par conséquent informée par la charité : est attrition, toute douleur du péché conçue par l’âme destituée de la grâce. Et souvent saint Thomas emploie le mot « contrition » pour désigner la simple attrition ; ainsi à propos de la préparation au baptême. In M’um Sent, dist. IV, q. ii, a. l, qu.l, ad l u m ; q. iii, a. 2, qu. 1, sed contra ; qu. 2, etc. ; du repentir naissant, qui porte sur chaque péché à mesure que l’examen de conscience le remet en mémoire, In /Vum Sent., dist. XVII, q. ii, a. 2, qu. 6 ; Suppl., q. XI, a. 6 et ad 3um ; de la sincérité sans laquelle on ne peut, même par l’action d’un sacrement, obtenir son pardon. In /yum Sent., dist. IV, q. ni, a. 2, qu. 2. Cf. Périnelle. op. cit., p. 111-112. On chercherait d’ailleurs en vain, dans saint Thomas, mention de ce qu’on appelle aujourd’hui le motif de la contrition parfaite et de l’attrition. Tout au plus lit-on : « Le principe de l’attrition est la crainte servile ; celui de la contrition est la crainte filiale. » Suppl., q. i, a. 3, sed contra. Quelle que soit la signification à donner ici au mot « principe », voir Hugueny, La pénitence, t. ii, p. 436, il résulte de différents textes que le sens moderne de motif ne saurait être retenu. La crainte du jugement et de l’enfer est indiquée comme le principe de contrition, Suppl., q. i, a. 1, et de toute pénitence, In 7Vum Sent., dist. XIV, q. i, a. 2, qu. 1 ; car n’importe quel déplaisir du péché est contrition, quand il est informé par la grâce. In /Vum Sent., dist. XVI. q. ii, a. 2, sol. 2. La contrition diffère donc de l’attrition « non seulement par l’intensité de la douleur, mais par le fait qu’elle est infusée par la grâce ; ce que n’a pas l’attrition ». De verit., .q. xxviii, a. 8°, ad Sum. Cf. Suppl., q. i, a. 2, ad 2<"n ; a. 3, et ad 2°™. C’est là d’ailleurs la position des anciens scolastiques en la matière : cf. P. Schmoll, O. F. M., Die Busslchre der Frûhscholaslik, Munich, 1909 ; voir les textes principaux dans A. d’Alès, De pœnitentia, p. 64-65. C’est certainement la position de saint Thomas ; cf. Gôttler, op. cit.. p. 38-39. Voir, en sens contraire, R. Schultes, Raie und Busssakrament, p. 12, 16-17.

Pour saint Thomas, l’attrition est donc un acte imparfait (ou informe) de pénitence, qui prépare le pardon des fautes (dicit accessum ad per/eclam contritionem, Suppl., q. i, a. 2, ad 2um), et qui, dans le sacrement de pénitence, suffit, sous l’influence du pouvoir des clefs, à y disposer immédiatement l’âme.

Acte de pénitence, l’attrition doit produire les mouvements de douleur à l’égard du péché, comme