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PENITENCE. LA DOCTRINE AVANT SAINT THOMAS


un progrès très réel, encore qu’assez timide, en faveur de l’eflicacilé de l’absolution.

Quant à l’obligation de la confession, Albert enseigne que cette obligation résulte d’un précepte divin et d’une ordonnance ecclésiastique. Il distingue trois éléments dans la confession : manifestation du péché avec sa détestation ; récit détaillé du péché ; accusation par le pécheur de sa propre culpabilité. De ces trois parties, seule la première constitue l’objet du précepte divin ; les deux autres ont été déterminées et imposées par l’Église, d’abord par les apôtres, ensuite par leurs successeurs. Dist. XVI, a. 2, p. 567-568. L’obligation de la confession ne porte évidemment que sur les péchés mortels. Dist. XVII, a. 64, p. 758.

Enseignement des canonistes.

Les canonistes :

glossateurs du décret de Gratien, décrétalisles, auteurs de Sommes destinées aux confesseurs, n’apportent, dans la première moitié du xme siècle, aucun élément nouveau à la théologie du sacrement de pénitence. Mais leur témoignage doit être précieusement recueilli : il confirme, en effet, pleinement les théories qu’on vient de relater touchant les éléments constitutifs de la pénitence et la part prépondérante accordée à la contrition.

Nous nous bornerons aux auteurs qui ont expressément signalé ces thèses théologiques.

Dans la Glossa ordinaria, Jean le Teutonlque († 1240) soutient, comme Pierre Lombard, que la rémission de la faute et de la peine éternelle est opérée par la contrition, mais que le pardon complet du péché, quant à la peine et à une purification plus parfaite de l’âme, exige la confession et la satisfaction. Decrelum Graliani, Lyon, 1572, col. 1631 ; cf. part. II, caus. XXXIII, q. iii, De pœnitentia, dist. I, can. Alii e contrario…, col. 1646. De la nécessité de la confession, il apporte une triple raison : l’aveu des péchés excite l’humilité, il donne satisfaction à l’Église lésée, il rend les pécheurs plus défiants d’eux-mêmes. Ibid., can. Utrum sola, col. 1631. D’ailleurs, la confession constitue l’objet d’un précepte évangélique. Ibid., can. Agite psenitentiam, op. cit., col. 1648. Il s’appuie sur Jac, v, 16. Cf. can. E contra, col. 1678. Dans leur exposé de la nécessité de la confession, les canonistes de cette époque marquent bien qu’ils la conçoivent principalement comme la manifestation extérieure de la contrition intérieure qui, elle, obtient le pardon des péchés. Ainsi Barthélémy de Brescia († 1258), Decrelum Graliani cum glossis Joh. Teulonici et Barth. Brixiensis, Lyon, 1572, De pœnitentia, dist. I, can. Quem pœnitet, col. 1680 ; dist. VI, can. Qui vult, col. 1772 ; Summa (anonyme) in Decrelum Graliani alphabelica : « Videtur quod con/essio sit ad oslensionem pœnitentiæ non ad impelrationem veniæ. » Q.vi, « si aliquis », Bologne, bibl. universitaire, cod. 1038 (non paginé).

Dans son commentaire sur les Décrétâtes, le pape Innocent IV attribue la rémission des péchés à la contrition, mais admet la nécessité de la confession pour obtenir le pardon complet et définitif des fautes. Sans la confession, la contrition demeurerait stérile. De plus, la confession est nécessaire au prêtre pour porter un jugement équitable et imposer des satisfactions proportionnées aux fautes commises. Par elle, le prêtre consomme la rémission commencée par Dieu. Un pécheur ne sera définitivement justifié par Dieu que s’il est absous par le prêtre, puisque c’est au prêtre que Jésus-Christ a dit : tout ce que vous lierez, etc. Apparatus in quinque libros Decrelalium, t. V, tit. xxxviii, c. xii, Lyon, 1578, fol. 355 v°, 356 r°.

Parmi les auteurs des Summee confessorum, l’Anglais Thomas de Chabham a composé, peu après le concile du Latran, une Summa de pœnitentia, qu’on a souvent attribuée à d’autres auteurs. Sur cette attribution et

sur la personne de ce Thomas, voir Teetært, op. cit., ]>. 3-18 ; N. Paulus, Geschichte des Ablasscs im Mittelalter, t. i, Paderborn, 1922, p. 229-230 ; art. Thomas de Chabham, dans Dictionary <> national biography, t. iii, Londres, 1908, p. 1338. Cet auteur enseigne que les péchés sont remis par la contrition ; que le prêtre ne délie le pénitent que de l’obligation de la confession et délivre le pécheur de la puissance du démon. L’absolution n’a même pas pour lui une valeur indicative ; elle n’a pour effet que de libérer le pécheur du for péniten tiel et de la puissance diabolique. Et pourtant la confession est nécessaire, parce qu’elle purifie l’âme de restes du péché et parce que, par la confusion qu’elle excite, elle constitue une part considérable de la satisfaction. Bibl. de Bruxelles, cod. 8621-8622, fol. G2 r° ; 43 r° ; 44 v° ; bibl. Vat., cod. palat. lat. 341, fol. 106 r. 81 v°.

Une autre Summa con/essorum, composée peu après le IVe concile du Latran, est celle de Maître Paul. Sur cette attribution, voir Teetært, op. cit., p. 352 ; sur la personnalité mystérieuse de l’auteur, voir N. Paulus. op. cit., p. 247 et le Florilegium Casinense, dans Bibliotheca Casinensis, t. iv, p. 191. Comme ses contemporains, l’auteur enseigne que la faute et la peine éternelle sont remises dans la seule contrition. Mais le prêtre opère la rémission des peines temporelles par l’absolution. Voir les textes dans R. Duellius, Miscetlaneorum, t. I, Augsbourg, 1723, p. 68-69 et dans Bibl. Casin., t. iv, p. 196.

Le plus célèbre canoniste de l’époque est saint Raymond de Pefiafort, O. P. († 1275). Sa Summa de pœnitentia a dû être rédigée vers 1234, cf. J. Dietterle, Die Summæ confessorum, dans Zeitschrift fur Kirchengeschichte, t. xxiv (1903), p. 531-532 ; vers 1235, cf. Fr. Gillmann, Zur Lehre der Scholaslik vom Spender der Firmung und des Weihesakramentes, Paderborn, 1920, p. 80 ; ou vers 1237, cf. N. Paulus, op. cit., p. 242. Pour saint Raymond, la partie principale du sacrement de pénitence est toujours la contrition. Toutefois, il déclare que la contrition ne remet pas, à proprement parler, le péché ; c’est Dieu qui remet le péché dans la contrition. L. III, tit. xxxiv, Rome, 1603, p. 446-447. Pour prouver son assertion, il reprend l’exemple de Lazare et celui des dix lépreux. Ibid., p. 447. L’absolution du prêtre sert néanmoins à délier. Les prêtres lient et délient de trois façons : 1° en manifestant (ou non) extérieurement la rémission faite par Dieu : 2° en imposant des satisfactions ou en les remettant en partie ; 3° en portant des excommunications dont est relevé par eux le pénitent. Ici., p. 492-493. Partant, la confession demeure nécessaire. L’aveu des fautes est prescrit par Jac, v, 16, mais aussi par différents textes de l’Ancien Testament, Joël, ii, 13 ; Thren.. ii, 19 : Ps., lxi, 9. Le tout est résumé dans la prescription générale du Sauveur, Pœnitenliam agile, Matth.. iv. 17.

Les théories de saint Raymond sur la contrition, la confession et l’absolution se retrouvent presque littéralement chez les commentateurs de sa Summa. Voir surtout Guillaume de Rennes, cf. t. vi, col. 1980-1981.

Synthèse.

Une brève synthèse est ici indispensable,

pour nous faire mieux comprendre la doctrine qui sera examinée au paragraphe suivant, sur le ministre du sacrement.

1. Nous pouvons dire que, dans la première moitié du xme siècle, les auteurs affirment unanimement que la contrition est la partie la plus importante du sacrement. C’est la contrition qui est l’élément essentiel, et c’est elle qui obtient de Dieu le pardon et opère la rémission du péché quant à la coulpe et quant à la peine éternelle. L’absolution n’a qu’un rôle secondaire. Elle remet les peines temporelles et canoniques, déclare le pécheur absous par Dieu, et le délie de l’obligation de confesser à nouveau ses péchés. Toutefois, si