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PÉNITENCE. LA DOCTRINE AVANT SAINT THOMAS
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toire. Les Summæ confessorum des xme et xive siècles font bien voir que, dans l’administration de la pénitence privée, le confesseur restait maître, en définitive, d’imposer la satisfaction qu’il jugeait convenable pour libérer le pénitent de sa dette. Quod pwnitentiæ sunt arbitrariæ, lit-on dans le prologue du pénitentiel de maître Alain. Cf. Schmitz, t. ii, Paderborn, 1898, p. 721, n. 3. Cela ressort également de la Somme de Jean de Fribourg et de celle de liurchard de Strasbourg ; cf. J. Dietterle, Die Summie confessorum, dans Zeitschrift fur Kirchengeschichle, t. xxv (1904), p. 266, n. 1, p. 270-271. Cependant, il était recommandé au confesseur de s’en tenir aux pénitences prévues par les canons. L’un des buts des Summæ confessorum était précisément de rappeler au prêtre quelles pénitences convenaient, d’après les canons, pour toute sorte de péchés. Les canons pénitentiels du franciscain Astesan en sont un exemple frappant. Cod. Valic. regin. 431, fol. 78. Cf. Schmitz, op. cit., t. i, p. 800 sq. Toutefois, même ici, la durée de la pénitence est laissée urbitrio sacerdotis. Cf. Modus confitendi, tas. de Prague, c. xxi, dans Schmitz, op. cit., t. ii, p. 724. C’est, en définitive, l’usage qui a été constaté au xiie siècle. Ci-dessus, col. 926.

II. La doctrine avant saint Thomas d’Aquin. — 1° Les éléments du sacrement.

2° Le ministre. —

3° Appréciation des doctrines.

I. LES ÉLÉMENTS DU SACREMENT DE PÉNITENCE.

— Il convient d’étudier à part les théologiens et les canonistes.

Enseignement des théologiens.

On a vu que

la théologie du xiie siècle considérait la contrition comme l’élément principal du sacrement de pénitence.

Tandis qu’Hugues de Saint-Victor avait enseigné que la contrition remettait le péché, et l’absolution la peine éternelle, Pierre Lombard attribuait à la contrition seule la rémission du péché et celle de la peine éternelle due à ce péché. L’efficacité de l’absolution consistait avant tout à promulguer officiellement le pardon accordé par Dieu. Plusieurs sententiaires y ajouteront quelques effets particuliers, comme la rémission des peines temporelles, des peines canoniques, des peines du purgatoire. Mais, dans les grandes lignes, la doctrine du Lombard est unanimement acceptée au moment où le concile du Latran promulgue son décret.

1. Avant Guillaume il’Auvergne.

Vers l’époque du concile, et dans les années qui suivent immédiatement, un nombre considérable d’auteurs s’en tiennent

i l’exposé de Pierre Lombard
valeur rémissive de la

contrition, valeur déclarative de l’absolution. Voie] quelques textes :

Robert de Courçon († 1218) : (Sacerdos) a/iprobal in suo fora et judicio, quod Deus priva fecit, et quasi prseconis voce ostendit dimissa peccata ipsius, qua ottensio lue dicitur remissio. Summa, biblioth. de la ville de Bruges, cod. 247, fol. 21 r°.

innocent III († 1216), ou plutôt l’auteur du Commentaire sur 1rs psaumes pénitenliaux, publié sous sou nom. admet que la rémission des péchés précède fréquemment la confession et l’absolution. In ps. n ixxi), P. /… t. ci xvii. col. 1016.

Etienne Langton († 1225) : Auctorttate sua sacerdos tamen dlmitiit ostenslone ri minislerio quare ostendit ru dimissa quantum m se’"-Pi/iini Dominum sicut sacer dos legalis mundabat. Summa théologie, biblioth. royale de Bamberg, cod Q. VI, '> ». fol. 94

Adam de Perseigne (+ début du musiècle) : Solvant (acerdotes) denique a nota pâma, quoi absolvil <<iritas a macula culpee, hot est enim tacerdotem ostendere, quos pet te designatio dioirue ptetalii absolvil. Eptst., xxvt, r I. t < m. …i est,

Guillaume d’Auxerrc († 1232) admet, lui aussi.

que Dieu commence à effacer le péché en remettant la faute et la peine éternelle : pour lui, comme pour Adam de Perseigne, l’absolution remet seulement les peines temporelles. Sununa aurea, Paris, 1500, p. 280 v°. Mais cette remise des peines temporelles est faite ex opère operaio. Ibid.

Césaire d’Hi’isterjach († 1240) estime que le sacrement de pénitence a pour but de faire déclarer extérieurement le pardon déjà intérieurement accordé par Dieu. Dialogi miraculorum ; dist. II, c. i ; dist. III, c. i, édit. Strange, t. i, Cologne, 1851, p. 110, 111. Même doctrine chez Jacques de Y itry (1240), Sermones, Anvers, 1575, Dominica in Passionc, p. 306 ; In capile jejunii, p. 232 ; Dominica ir in quadragesima, p. 297-298.

Ainsi, pour ces auteurs, la contrition est la partie principale du sacrement de pénitence ; elle remet les péchés quant à la coulpe et quant à la peine éternelle. .Mais, par ailleurs, tous admettent la nécessité de la confession pour obtenir de Dieu le pardon des péchés. Déjà, au xiie siècle, l’opinion était à peu près unanime sur ce point, quoi qu’il m soit de la controverse instituée par Gratien. Ci-dessus, col. 935. La confession était considérée comme une condition nécessaire. Mais, après 1215, les auteurs insistent davantage sur la nécessité de la confession.

Piobert de Courçon fonde la nécessité de la confession sur Jac, v. 16, Confitemini alterutrum peccata veslra, et sur Luc, xvii, 14, Ostendite vos sacerdotibus ; sur son caractère expiatoire et sur l’occasion qu’elle offre au prêtre d’imposer des pénitences, de réconcilier les pécheurs avec l’Église, de les rendre participants à ses suffrages, de diriger les pénitents dans les voies spirituelles. Op. cit., fol. 21 r° ; 8 r°.

Etienne Langton admet une nécessité conditionnelle de la confession : tria sunt in pœnilentia plena. scilicet conlritio, confessio, satisfactio. Ad primum lenetur absolule quilibet peccator, et ad duo ultima, si copiam habet. Summa, dans Vatic. lat. 4297, fol. 3 r". Il s’appuie également sur Jac, v, 16, fol. 37 v°. Cf. Postillse in epist. canonicas, biblioth. Laurentienne, Conv. soppr. 465, fol. 227 V.

Guillaume d’Auxerrc énumère six motifs de la nécessité de la confession. Elle révèle au pénitent l’état lamentable de son âme ; par la confusion qu’elle produit, elle contribue à la rémission des péchés ; elle peut exciter la douleur des péchés chez un pécheur obstiné et contribuer ainsi à l’infusion de la grâce justificatrice ; elle est un moyen d’accroître la grâce en celui qui, justifié, avoue ses fautes ; elle permet au prêtre de remettre les peines temporelles en vertu du pouvoir des clefs : elle constitue une glorification de Dieu. Op. cit., p. 269. Pour les péchés mortels, elle est de nécessité de précepte, d’après l’ordre promulgué par Jacques, v, 16. ! < !.. p. 271-272. Guillaume illustre sa thèse par l’exemple classique de la résurrection de Lazare.

Malgré sa doctrine franchement contritionistc, Césaire d’Heisterbach admet la nécessité absolue de la confession pour obtenir la rémission des péchés. La contrition ne peut remettre les péchés qu’à la condi tion que suive la confession. Dial., dist. III. c. i. op. cit., p. 111. Il énumère à cet endroit de nombreuses autorités seripturaires en faveur de cette nécessite Luc, xvii. il : Canl.. ii, II : lv. civ, l et pareil. ; xxxvi, 5 ; Is.. xi. iii, 26 (i.xxi : Il Reg., xii, 13. De plus, au poinl de vue pratique, la confession est mecs

sainpour permettre au prêtre d’imposer une salis faction proportionnée aux fautes commises. Ibid.,

e. xv. p. 131. Enfin, elle constitue le signe extérieur

île la contrition intérieure. Ibid, , c. i. p. 111 : et, p.n

ii confusion subie, elle est la pénitence par excellent c Dist il. ( x. |i 77. Cf. v KOniger.D/e Betchte nach COtartu » von Heisterbach, Munich, 1906, p. ~