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PÉNITENCE, SOLUTIONS DÉFINITIVES, LA THÉOLOGIE


que la pénitence solennelle. (Par un singulier revirement, certains théologiens modernes ont abouti au résultat inverse, en quoi ils contredisent ouvertement l’enseignement classique, voir IV Sent., dist. XIV, c. m.) Il vaudrait la peine d’étudier d’un peu près cette singularité théologique ; voici du moins quelques indications. On la voit paraître dans les Sententiæ divinitatis (milieu du xiie siècle) signalées ci-dessus, col. 915, qui sont fort nettes à ce sujet ; l’auteur distingue la pénitence « familière » de la « solennelle », quæ et sola sacramentum dici débet, c’est celle qui consiste dans l’expulsion de l’église avec imposition de la cendre et du cilice. Cod. M. mon. 18 918, fol. 109 (d’après Schmoll, op. cit., p. 56, n. 5). Le canoniste Rufin, qui, en dépendance de Gratien, rédige, entre 1155 et 1160, sa Summa decretorum, est plus déterminé encore, et sa distinction est tranchante : il y a deux pénitences, la solennelle (ou publique, les deux vocables sont pris l’un pour l’autre) et la privée ; la solennelle (dont le rite expressif est l’imposition des mains) est un sacrement et convient seulement aux évêques ; la privée n’est pas sacrement et convient aussi aux prêtres ; la publique ne se réitère pas, parce qu’elle est sacrement ; la privée peut se réitérer. Édit. Schulte, Die Summa M. Ru fini zum Decretum Gratiani, Giessen, 1892, p. 188. La théorie a dû persévérer quelque temps encore chez les canonistes surtout bolonais, puisque, à la fin du siècle, Prévostin se croit obligé de la combattre. « Certains, dit-il, prétendent que seule la pénitence solennelle est un sacrement ; le cilice, la cendre, etc., sont alors le signe des dispositions intérieures. » Cod. Vindob. 1501, fol. 76 d, cité par Schmoll, op. cit., p. 84, n. 1.

Mais, précisément, cette remarque nous met sur la voie de l’explication. Ne cherchons pas, en cette singularité théologique, une préoccupation de canonistes archéologues, qui auraient constaté que la pénitence solennelle a été jadis l’unique forme de pénitence connue dans l’Église. Personne n’en est arrivé là, à cette époque. Nous avons bien plutôt affaire avec des théologiens férus de dialectique et qui raisonnent sur le schéma de sacrement, qui commence à devenir classique et qui prend son point de départ dans l’étude du baptême. Un sacrement comporte un élément extérieur (l’eau, l’huile) dont l’application est le signe efficace de l’effet intérieur. S’il réussit bien pour quelques-uns des sacrements, le schéma ne s’applique qu’avec une extrême difficulté à d’autres : tel le mariage. La pénitence privée laissait également les théologiens perplexes : le rite extérieur, l’imposition des mains, avait peut-être disparu, ou n’était guère mis en évidence : en tout cas, c’était un rite banal, usité en d’autres sacrements : confirmation, ordre ; où était donc ici le signe ? La pénitence solennelle, au contraire, montrait au mieux ces éléments extérieurs : le cilice, la cendre, l’eau bénite, dont l’application au pécheur était le signe du repentir intérieur. De là, pensons-nous, l’opinion dont nous venons de donner quelque idée.

2. Comment lu pénitence est-elle un sacrement’.' Au, si bien, tout ceci ne montrc-t-il pas que la question posée dis le milieu du XIIe siècle n’est point la question natique, mais la question théologique ? Tous nos auteurs seraient unanime, , pensons nous, à déclarer que la pénitence, prise dans son ensemble, est un rite extérieur, efficace de la grâce : qu’elle doit être rangée, dès lors, à côté d’autres rites du même ordre, tels que

le baptême, la confirmation ou l’eucharistie ; qu’elle est, en somme, un sacrement. Deux difficultés seules demeuraient.

a) Comment la pénitence est-elle un signe ? Un

mot de saint Augustin : Sacramentum est sacra n :

sigiuun. avail fait introduire dans la définition de

ement l’idéi de signe, Voir Pierre Lombard,

IV Sent., dist. I, c. n-iv, qui reprend l’ensemble de l’argumentation d’Hugues de Saint-Victor. Pour le baptême ou l’eucharistie, la définition convenait à merveille. Au sens littéral du mot, la cérémonie extérieure de l’ablution, de la manducation était le signe de la purification intérieure ou de la nutrition de l’âme. D’autres rites se prêtaient moins bien à cette mise en équation si satisfaisante pour la logique : c’était le cas, en particulier, tant du mariage que de la pénitence, et l’on sait de reste que ces deux sacrements ne pourront jamais être assimilés de tout point, et pour cause, aux autres termes du septénaire. On comprend dès lors les hésitations des théologiens, dont nous avons tout à l’heure signalé l’opinion sur le caractère proprement sacramentel, disons significatif, de la seule pénitence publique. Mais il ne paraît pas que ce problème ait été particulièrement agité. On a admis assez vite, semble-t-il, que le mot de « signe » se devait prendre de manière assez large.

La scolastique du xme siècle, dominée par le vocabulaire et partiellement par les idées du péripatétisme, opérera principalement sur les concepts de matière et de forme, quand elle spéculera sur les constituants des « signes sacrés ». C’est dans une autre direction que s’étaient orientés les prédécesseurs. Ils avaient considéré surtout, d’une part, le sacramentum. le signe extérieur pris en bloc, d’autre part, la res sacramenti, c’est-à-dire la réalité intérieure produite par la mise en œuvre du sacramentum, et ils avaient cherché à voir jusqu’à quel point la réalité visible pouvait être dite le signe de la réalité invisible. Ici encore, c’est Pierre Lombard qui a donné la solution. Voir 7 V Sent.. dist. XXII, c. n. Après avoir discuté « le sentiment de ceux qui voient le sacramentum dans les actes extérieurs du pénitent, qui sont le signe de la pénitence intérieure, c’est-à-dire de la contrition du cœur et de l’humiliation », il propose une autre opinion, à laquelle il semble se rallier : « Le sacrement, dit-il (entendons le mot ici par opposition à res sacramenti), est constitué à la fois par la pénitence extérieure et par l’intérieure (disons par les manifestations extérieures du repentir intérieur) et cela ne fait pas deux sacrements, mais un seul, de même que l’espèce du pain et celle du vin ne constituent pas deux sacrements, mais un seul. Et, de même que dans l’eucharistie (in sacramento corporis), de même ici l’on peut distinguer ce qui est signe (sacramentum) seulement, c’est à savoir les manifestations extérieures du repentir, ce qui est signe et réalité (sacramentum et res), le repentir intérieur, enfin ce qui est réalité seulement (res et non sacramentum), à savoir la rémission des péchés. Le repentir intérieur, en effet, est à la fois la res sacramenti de la pénitence extérieure (c’est la réalité intérieure dont les manifestations extérieures constituent le signe) et c’est, en même temps, le signe de la rémission des péchés, qu’elle représente et qu’elle opère : sacramentum remissionis peccali quam et signât et facit. » Toute verbale que paraisse de prime abord l’explication, elle ne laisse pas de contenir le point de départ des spéculât ions du XIIIe siècle. En la traduisant en clair, on obtient sensiblement le résultai suivant : Le sacrement de pénitence esl constitué par un certain nombre d’actes extérieurs qui. pour avoir valeur, doivent être animés par le repentir intime. C’est cet ensemble qui est le moyen ample I Dieu a al taché la collai ion de la gi Pour que la théorie du Lombard fût complète, il ne lui manquait que d’attacher plus d’importance à l’absolution. Mais nous avons dil que c’est là. précisé ment, que ait l’insuffisance de sa doctrine.

b) Comment la pénitence est elle un signe efficace de la grâce ? C’est [cl que revient, sous une autre forme, le problème antérieurement signalé. Car la res sacra menti, la rémission des péchés, peut avoir été obtenue