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901 PÉNITENCE. SOLUTIONS DÉFINITIVES. TEXTES CANONIQUES 902

par la réforme grégorienne. Presque toutes font à la pénitence une place plus ou moins large, mais, sauf peut-être chez Anselme de Lucques, on a l’impression que la doctrine sur la pénitence, envisagée même du simple point de vue juridique, est encore à l’état chaotique. L’effort considérable fourni par l’école de Bologne au milieu du xiie siècle aboutira-t-il à clarifier les idées ? C’est ce que l’on va se demander à propos du Décret de Gratien.

d) Le Décret de Gratien. — En cette énorme compilation où la patience du moine bolonais s’est efforcée d’apporter un ordre systématique, vont se retrouver à peu près tous les textes canoniques et même patristiques que nous avons rencontrés depuis les toutes premières origines. Les tables dressées par Friedberg en sa magistrale édition du Corpus juris canonici permettent de retrouver aisément les textes empruntés aux sources anciennes : canons conciliaires, lettres pontificales, citations patristiques, auxquelles on a joint les références provenant soit du Pontificale romanum, soit des divers pénitentiels. Voir éd. citée, t. i, col. xix-xli. D’autre part, il est relativement facile de voir, pour chacun des canons, en quelles collections antérieures il a d’abord figuré et de rétablir ainsi la filière probable par laquelle il est arrivé jusqu’à Gratien. Rien ne serait plus instructif que de suivre, de la sorte, un texte canonique, depuis sa première apparition, jusqu’au moment où il vient se déposer, véritable alluvion, dans le Décret. Une étude de ce genre mettrait en bonne lumière les adaptations qui ont été nécessaires pour faire exprimer par les vieilles décisions canoniques les exigences de la discipline contemporaine de Gratien. Malgré ces adaptations, que le temps avait aménagées, il restait encore bien des heurts entre des prescriptions d’origine si diverse. Les réformateurs carolingiens, nous l’avons dit, n’en axaient eu que le sentiment obscur. L’esprit méthodique de la première scolastique se remarque au contraire dans Gratien, dont l’œuvre a précisément pour but d’établir, si possible, l’harmonie entre ces autorités contradictoires : Concordia discordantium canonum. Nulle part cette discordia n’éclatait davantage que dans les dispositions relatives à la pénitence, et Gratien est loin d’être arrivé partout à établir l’harmonie.

Il y a des textes se rapportant à la pénitence un peu dans toutes les parties du Décret ; il ne saurait être question d’en faire ici le relevé exact. Les nombreuseï questions de la I re partie, relatives aux droits et devoirs des clercs, devaient obligatoirement faire une place aux sanctions plus ou moins graves dont les anciens canons appuyaient leurs défenses. La distinction entre les peines de for externe et les pénitences imposées au for interne linit par s’énoncer avec une suffisante clarté. C’est surtout a propos « le l’admission possible aux ordres ou de la perma

nence dans les ordres rems des personnel coupables de diverses fautes que Gratien sera amené à faire l.i différence entre pénitence publique et pénitence privée. La dist. L (à compléter par dist. LXXXI et ilist. LXXXII) finit par poser, en somme, le prin Cipe déjà émis par les réformateurs de l’époque earo lingienne, Didum Crut., post c. 32, et à distinguer nettement les deux formes de la pénitence : Eli quædam pmnitentia quæ tolemni » appellatur, qutr l tantum in Ecclesia concedltur. Dlct. Graf., post < (’i i)’cette pénitence) les canons suivants retra cent les prescriptions les plus Importantes

i contraire, ne s’appliquent pas aux autres pénitents. Ne disons pas poui autant que Gratien .i toujours fait exactement le départ entre les deux

Institutions ipie notre sehématisme actuel nous per

met de distinguer ; mais, quoi qu’il en soit, il serait possible de rétablir, à l’aide de ses textes, la discipline de la pénitence publique telle que, en certains cas, elle s’observait encore au xiie siècle.

Mais beaucoup plus importante est la contribution de Gratien à notre matière dans le De pasnitentia, = Décret, caus. XXXIII, q. n ; cette question n a pris une telle ampleur qu’elle a été ultérieurement subdivisée en 7 distinctions. Édit. Friedberg. t. i, col. 1159-1247. (Sur les origines possibles de ce véritable traité voir J. de Ghellinck, Le mouvement théologique du XIIe siècle, p. 348.) En voici l’analyse sommaire : dist. I : La contrition intérieure, avec la satisfaction secrète, suffit-elle, sans confession, pour assurer la rémission du péché ? Gratien oppose les deux thèses contraires : selon les uns, l’on peut avoir le pardon de ses fautes sans confession faite à l’Église et sans jugement du prêtre ; d’autres soutiennent, au contraire, que, sans la confession de bouche et la satisfaction des œuvres, nul ne peut être justifié s’il a le temps de satisfaire. Le lecteur moderne est étonné de la variété des moyens mis en œuvre de part et d’autre, des reprises et des insistances qui amènent, au moment où la question semble épuisée, des rebondissements inattendus. Ouïes les deux parties, Gratien se refuse à prononcer une sentence définitive : Quibus auctoritatibus vel quibus rationum firmamenlis utraque sententia confessionis et satisfactionis nitatur in médium brci’ilcr proposuimus. Cui autem harum potius adhivrendum sit, lecloris judicio reservatur, utraque enim /autores habet sapienles et religiosos viros. Et de conclure par un texte qu’il croit emprunté à Théodore, mais qui n’est pas autre que le can. 33 du concile de Chalon ci-dessus mentionné, col. 865.

Les distinctions suivantes ne laissent pas l’impression d’une lutte aussi chaude ; les dist. II et III se rapportent à la réitération de la pénitence, question qui est traitée, d’ailleurs, moins du point de vue canonique que de celui de la théologie et d’une théologie assez spéciale. Autant en dira-t-on de la dist. IV, qui examine sous toutes ses faces la question de la reviviscence des péchés, où l’auteur voit surtout, en dernière analyse, la question de la reviviscence du reatus pœnæ. La dist. V examine en quoi consiste la véritable pénitence : elle doit faire état, dans ses aveux, des diverses circonstances du péché, accepter, d’autre part, les diverses suites que l’imposition de la pénitence amène pour le pécheur. Les questions relatives au confesseur sont très brièvement traitées dans la dist. VI, en fonction du texte de pseudo-Augustin sur lequel nous aurons à revenir : la dist. VII, enfin, qui est fort courte, établit qu’il y a place pour la pénitence jusqu’au tout der nier moment.

Bien qu’il s’encombre, à plusieurs reprises, de textes relatifs à la pénitence publique (il s’agit surtout des citations provenant des Pères anciens). Gratien a tenté, en ce très long exposé, de taire une Ibéorie générale de la pénitence envisagée surtout du point de vue privé. L’énorme influence qu’excr cera par la suite le Décret, la place considérable qu’y tient la pénitence signalent cette compilation, d’une manière toute Spéciale, à l’attention des bis

toriens de la théologie. Presque toutes les questions que se posait la scolastique du temps > ont été amor

f.’esl ici. pins que dans les Sriitrncrs de Pierre

Lombard, qu’il faudrait chercher des Indications,

Nous n’insisterons pas sur les commentateurs de

Gratien qui vont se multiplier dès la seconde moitié

du xir siècle, ni sur les ailleurs, connus mi anonymes,

des diverses compilations de Décrilaia qui, à cette même époque ci au début du m siècle, préparent