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    1. PÉNITENCE##


PÉNITENCE. LA RÉFORME CAROLINGIENNE, LA PRATIQUE 884

reste i il. à leur dernier moment, la réception « lu viatique. Mais ici encore les errements introduits par les pratiques insulaires ont dû rendre impossible la

mise à exécution, dans Ions les cas, de la règle du droit. On lira à ce sujet les instructions données par I linemar dans le capitulaire promulgué au synode de Fismes en 881, P. L., t. cxxv, col. 1083. Elles manquent de précision. A s’en tenir au texte de saint Augustin, qui est cité intégralement, il semblerait qu’I lincinar n’envisage pas la possibilité d’une seconde réconciliation ecclésiastique pour les récidivistes de fautes publiques, même repentants..Mais la manière même dont il introduit cette citation laisse percer une intention différente. Pourquoi la pénitence privée ne serait-elle pas accessible à des récidivistes, qui per fragilitatem in prieterila peccaia criminalia vel publics recidunt et iterum psenitentiam poscunt ?

En définitive, la discipline, que l’on a tenté de restaurer au ixe siècle, se calque assez exactement sur le modèle ancien ; elle en diffère surtout par le domaine qu’elle régit (seules les fautes publiques y ressortissent désormais) et par un certain nombre de modifications de détail que le voisinage de la pénitence privée lui a forcément imposées.

La pénitence privée.

Les réformateurs du

ixe siècle se devaient, ayant circonscrit de manière précise le domaine de la pénitence privée, de la débarrasser de plusieurs abus graves qui en compromettaient l’efficacité.

L’institution est désormais acceptée, et le principe général : « à faute privée, pénitence privée » donne à la vieille pratique une sanction officielle qui lui avait manqué jusque-là. Ceci entendu, il n’y avait guère à retoucher que le système des satisfactions imposées par les vieux tarifs. Ce qu’on eût souhaité, c’était l’entière disparition des livrets qui contenaient ces derniers. Mais on ne détruit que ce que l’on remplace et, en fait, ce que les protagonistes de la réforme essayèrent de fournir comme succédanés des vieux pénitentiels ou bien n’était pas pratique, ou bien retombait dans les antiques errements. La Dacheriana, nous l’avons dit, semble vouloir ignorer la pénitence privée ; Halitgaire se contente de juxtaposer à son manuel de la pénitence canonique un pénitentiel qui a les mêmes défauts criants que ce qu’il entend remplacer ; Raban Maur n’est pas plus utilisable que la Dacheriana.

Au vrai, la difficulté était d’appliquer (Raban Maur le sent bien) les textes canoniques du passé à une institution que ceux-ci n’avaient pas prévue. Tout au plus les chiffres qui, dans les canons d’origine asiate, fixaient la durée du passage dans les différentes stations, ou même simplement la durée de la pénitence, pouvaient-ils trouver leur emploi. Dans l’idée des réformateurs, ils donneraient aux confesseurs quelque idée de la longueur de la pénitence à imposer dans les cas analogues qui leur seraient soumis. Voir la remarque de la Dacheriana citée plus haut, col. 876, qui se retrouve dans Halitgaire. P. L., t. cv, col. 657 R. Mais ces prescriptions sur la durée pouvaient-elles être appliquées purement et simplement ? Théodulfe, dans son Capitulare, règle le sort à faire à une personne coupable d’homicide volontaire, et d’abord, dans le cas où le crime a été public. Le coupable devra déposer les armes et faire publique satisfaction : pendant quarante jours (où il jeûnera au pain et à l’eau) il sera relégué à la porte de l’église. Durant cinq années il est séparé a communione orationum ; les cinq années suivantes, il est admis à cette communauté de prières, mais sans pouvoir encore prendre part à l’oblation et à la communion eucharistiques ; après quatorze ans de ce régime ad plenam communionem eum orationibus recipitur. Durant tout ce temps, il est tenu à garder

l’abstinence de certains mets, d’après les indications du prêtre. El Théodulfe d’ajouter : Si autrui occullum sil, occulte similiter ayat, sicut superius insertion tenetw. P. L., t. cv, col. 212. C’est bientôt dit, mais il n’est pas facile de voir en quoi cette satisfaction occulte diffère de la satisfaction publique antérieurement déterminée. Et faut-il encore sous-entendre cette même distinction d’occulte et de privé, pour les pénalités énoncées dans les paragraphes suivants ? L’adultère suivi d’infanticide, qui est prévu et réprimé un peu plus loin, n’est pas toujours, il s’en faut, un crime du domaine public. Or, sans faire aucune distinction, on lui applique simplement les antiques pénalités, analogues à celles que nous venons de voir, sauf pour la durée. Théodulfe faisait-il de ces déterminations une règle absolue pour les confesseurs ? On voit toutes les questions que pose cette application des vieilles règles pénitentielles à la nouvelle discipline. "Voici encore un texte emprunté à un concile de Mayence de 851, mais qui témoigne d’un souci plus net de la réalité ; il vise d’ailleurs d’une façon très claire le cas de la pénitence secrète.

Can. 10. Si quis incestum occulte commiserit et sacerdoti occulte confessionem egerit, indicetur ei remedium canonicum quod subire denuerat si ejus facinus publicum fuisset : verum quia latet commissum, detur ei a sacerdote consilium ut saluti animæ suæ per occultam psenitentiam prospiciat, hoc est ut veraciter ex corde pæniteat se graviter deliquisse, et per jejunia et eleemosinas vigiliasque, atque per sacras oiationes cum lacrymis se purgare contendat, et sic se ad spem Venise per misericordiam Dei pervenire confidat. P. L., t. cxxxviii, col. 586.

Mais nous voici ramenés, par là-même, au système des pénitentiels et ce sont bien, en elîet, des tarifs de pénitentiels qu’expriment les canons qui avoisinent celui-ci. Autant dire que, sauf des cas isolés, on ne sortit guère, en ce qui concerne la pénitence privée, du système qui avait fini par prévaloir depuis au moins deux siècles. Les livrets décriés continuèrent à circuler et l’effort des réformateurs pour leur substituer autre chose n’aboutit qu’à augmenter la confusion. On ne voit pas que les rédemptions mêmes, dont le danger avait été signalé, aient fait mine de disparaître. Halitgaire les admet dans le 1. VI de son De pœnitentia et elles s’étalent tout à l’aise dans Réginon de Prum. Il serait intéressant de se demander, en comparant les divers pénitentiels d’usage courant à la fin du ixe siècle, si la sévérité est devenue plus grande. Mais ceci intéresse l’histoire de la satisfaction plus que celle de la pénitence elle-même.

Nous avons décrit ci-dessus le rite de cette pénitence privée à l’époque qui nous occupe, col. 867 sq. Il faut attirer simplement l’attention sur la très grande diversité des cérémonies, des pratiques, des formules même en usage. L’origine privée des pénitentiels anciens était responsable, pour partie, de cette bigarrure. Chaque auteur s’était réglé sur les coutumes qu’il avait vu pratiquer, mais sans se priver d’ajouter ou de retrancher. Le nombre et la nature des psaumes à réciter en commun par le pénitent et le confesseur était naturellement ce qui variait le plus, quant aux oraisons qui s’entremêlaient à la récitation des psaumes, elles sont fournies d’ordinaire par les sacramentaires ; on a simplement transcrit la formule de l’imposition de la pénitence ou de la réconciliation, sans parfois se mettre en peine de certaines incohérences. Nous avons signalé, ci-dessus, une prière de réconciliation qui est au pluriel, alors que le prêtre, qui la prononce sur le pénitent est seul. Col. 868.

Il ne faudrait d’ailleurs pas se représenter les choses comme se passant de la manière qui s’est imposée ultérieurement. La longueur même des prières prescrites invite à imaginer des solutions passablement