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    1. PÉNITENCE##


PÉNITENCE. LA RÉFORME CAROLINGIENNE, LA Ni ATIOU K

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pratique qui trouve en eux son fondement et sa règle.

2’Ce que l’on veut substituer à la pratique des péni tentiels. — Les proceres ecclésiastiques du ix c siècle sont lout férus de leur connaissance, un peu rapidement acquise, un peu sommaire aussi, de l’antiquité chrétienne. Les collections canoniques d’une part

— ils utilisent tant VHispana, plus ou moins modifiée, que la Dionysio-Hadriana les textes patristiques d’autre part, qu’ils lisent, soit dans les ouvrages intégraux, soit, et plus souvent, dans des llorilèges, leur révèlent, en matière de discipline pénitentielle, un état de choses bien différent de celui qui a prévalu à peu près exclusivement depuis près de deux siècles.

C’est la discipline ancienne qu’ils entreprennent de restaurer. Rien de plus significatif que les résolutions des conciles réformateurs de 813, ci-dessus col. 865, ou que les préfaces d’Halitgaire, de Raban Maur ou de la Dacheriana.

Empruntant son leitmotiv à VEnchiridion de saint Augustin, l’auteur de cette dernière collection expose en un véritable manifeste « ce qu’il faut croire touchant la rémission des péchés ». Son point de départ est la distinction des péchés en fautes capitales, que les fidèles peuvent et doivent éviter, et en fautes quotidiennes que l’humaine fragilité rend pratiquement inévitables. Celles-ci ressortissent à l’expiation personnelle (nous avons dit que les pénitentiels leur avaient fait une place parfois très large) ; celles-là, tout en exigeant du coupable une pénitence intérieure, requièrent une satisfaction à l’endroit de l’Église, en dehors de laquelle ils ne sauraient être remis. Et cette pénitence consiste essentiellement dans la separatio ab allario prononcée par l’autorité de l’évêque (antistes ) et suivie, après satisfaction convenable, de la réconciliation par ce même évêque. Et notre théologien d’essayer, toujours à la suite d’Augustin, et bien souvent à l’aide de ses expressions mêmes, une classification des péchés qui ressortissent au premier ou au .second mode d’expiation. La discipline qu’il envisage est nettement celle qui était en vigueur aux ve et vie siècles, et rien n’indique, dans son texte, qu’il préconise une autre réconciliation ecclésiastique que celle dont il trace les grandes lignes. A un tournant de phrase on croit que va s’esquisser, sinon s’affirmer, la distinction entre fautes secrètes et fautes publiques. Mais il n’en est rien et cela jette un jour curieux sur l’état d’esprit de l’auteur : Heec dicta sunt , écrit-il, de publica satisfaclione in qua fit remissio peecatorum ad (trbilrium antistitum ; sed et sécréta satisfactione solvi nwrtalia crimina non negamus. On s’attend à trouver ici la description de la pénitence secrète : pas du tout, ce que l’auteur présente comme un succédané de la satisfaction publique, c’est l’entrée en religion : sed mutalo prius sœculari habitu et indefesso religionis studio. (C’est le mot de Gennade.De eccles. dogm., 53, mentionné ci-dessus, col. 821. Comparer la réponse de Paulin d’Aquilée, signalée col. 864.) Et si l’on parcourt le t. I, qui fait suite à cette préface, on verra qu’après avoir posé les principes généraux relatifs à l’octroi de la pénitence, can. 1 et 2, il décrit aussitôt après la situation qui est faite à ceux qui sont entrés dans Vordo pxiiitentium, can. 4-10, 13. Après quoi suivent les règles relatives aux malades, au ministre de la réconciliation (qui est régulièrement l’évêque), aux relaps et à la pénitence des clercs (can. 25, 26, 27 : les clercs ne sont pas admis dans Vordo pœniientium, mais simplement déposés). La suite est consacrée à l’énumération des fautes qui relèvent de la pénitence ; pour beaucoup d’entre elles aucune précision n’est donnée quant à la durée de la pénitence, et ce n’est pas oubli ; l’auteur, dans sa préface, a pris soin d’en avertir. La quotité de la pénitence est réglée en définitive par l’évêque, compte tenu de toutes les cir constances de fait ; si quelques chilïres sont indiqués, çà et là, c’est plutôt pour fixer les idées : Exstanl (amen pro quibusdam culpis modi (traduire : mesure) psenitentite imposai, juxla quos cætera perpendendse sunt culpse, cum sit facile per eosdem modos vindictam et censurant canonum sestimare. Noir les textes dans L. d’Achery, Spieilegium, 2e édit., t. i, p. 510 sq. Comparer La préface d’Halitgaire, P. L., t. cv, col. 655 sq.

Celte quotité de la pénitence, cette durée de la séparation ab alturio, l’auteur de la Dacheriana — et l’on en dira autant d’1 lalitgaire ou de Raban Maur — cherche à la déterminer d’une manière qui aurait peut-être surpris les évêques latins du ve siècle. Nous avons marqué ci-dessus une différence profonde entre la discipline des stations pénitentielles, originaire d’Asie-Mineure, dont les « lettres canoniques » et divers synodes asiates sont l’expression, et celle qui a fini par s’étendre à tout l’Occident et à une partie de l’Orient. La pratique asiate est essentiellement caractérisée par le passage du pénitent, coupable de fautes relativement graves, dans des catégories successives qui le rapprochent peu à peu de l’autel et de la communion eucharistique. Les textes canoniques prévoyant ces stations pénitentielles prévoyaient aussi le laps de temps qu’y séjournerait le pécheur ; d’où une certaine apparence de tarif que prenait les textes en question. C’est même, pensons-nous, la connaissance de ces particularités qui a influencé, d’une manière plus ou moins directe, les premiers textes irlandais et a contribué à leur donner l’allure qui s’est développée ultérieurement dans les pénitentiels.

La discipline occidentale classique, celle duve siècle, telle que la règlent les décrétâtes des papes et les canons conciliaires, a complètement ignoré cette sorte de tarification orientale. Les dispositions relatives à la pénitence n’y prennent jamais l’allure d’un tarif, et c’est à la conscience de l’évêque qu’est remis le soin de fixer à chacun le temps de séparation convenable. Un jour même est venu où, en définitive, la séparation officielle des pénitents s’est réduite uniformément à la durée du carême. Nous avons eu l’occasion de dire comment le renforcement des règles de Vordo pœnitentium compensait, du point de vue de la sévérité, cette apparence d’adoucissement.

Mais, par le fait de l’insertion simultanée des textes orientaux et des textes occidentaux dans la Dionysiana et dans les autres collections, il s’est trouvé que l’image de la discipline ancienne fournie par ces recueils canoniques était une image composite, dont toute la sagacité des réformateurs du ixe siècle ne pouvait arriver à débrouiller les éléments. Ceux qui, aux vie et viie siècles, utilisaient lesdites collections auraient pu, théoriquement, éprouver les mêmes difficultés. En fait, ils étaient guidés par les usages qui demeuraient plus ou moins vivants, selon les régions, dans l’application des textes législatifs. Étant donnée la disparition à peu près totale de la pénitence canonique au cours du viiie siècle, on comprend l’embarras où se sont trouvés les personnages du siècle suivant qui entendaient revenir à la discipline du passé. On comprend aussi, étant donnée l’imprécision de leurs vues, la difficulté que nous éprouvons nous-mêmes à restituer les lignes générales de la discipline qu’ils ont voulu restaurer.

A s’en rapporter à la préface de la Dacheriana, dont nous avons cité plus haut, col. 875, les phrases les plus caractéristiques, il semblerait que l’auteur ait raisonné de la façon suivante : les textes canoniques ne fournissent que pour un petit nombre de fautes des règles relatives à la durée de l’excommunication ; ces chiffres permettent d’établir, par comparaison, le tarif à appliquer à d’autres péchés. Si on relève, par exemple, dans le canon 15 d’Ancyre, la durée de l’ex-