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863 PENITENCE. LA RÉFORME CAROLINGIENNE, LES DOCUMENTS 864

i" Les pénilentiels. Nous n’insisterons pas ici sur leur histoire littéraire, voir l’art. Pénitentiels. La seule chose qui importe es ! de marquer la courbe générale de leur évolution.

La littérature pénilentielle de l’époque est extrêmement abondante, ce qui marque déjà l’importance que l’on attache à la pénitence et la très grande diffusion de la pratique. Chose curieuse, l’Kspagne elle-même en voit paraître, mais il s’agit de cette part ie de la péninsule qui est plus ou moins rattachée a l’empire franc.

De ces pénitentiels, le plus grand nombre est anonyme et d’origine privée. Leurs auteurs se sont préoccupés de rassembler un choix assez grand de solutions et ont puisé de toutes mains dans des compilations antérieures d’origines diverses. C’est le secret de la composition des nombreux pénilentiels triparliles, qui ont été rédigés, surtout au ix c siècle, par des clercs francs. Les inconvénients du procédé sautent aux yeux ; diversité et arbitraire des solutions données, manque d’autorité, sans compter un laxisme assez prononcé.

C’est à quoi entendent remédier les grands évêques du ix c siècle. D’une part, et nous le dirons tout à l’heure, ils pressent le retour à la pénitence canonique, d’autre part, ils tentent d’infuser aux pénitentiels, qu’il est décidément impossible de supprimer, une sève nouvelle. A ce point de vue, les œuvres d’Halitgaire de Cambrai et de Raban Maur méritent une mention spéciale.

Le travail d’Halitgaire († 831) intitulé De vitiis et virtutibus et de ordine pœnitentium se présente comme un véritable traité de la pénitence où se retrouvent, d’ailleurs relativement bien classées, les données théologiques, liturgiques, canoniques. Texte dans P. L., t. cv, col. 651-710. Les deux premiers livres constituent un traité de morale où l’on oppose les huit vices capitaux aux vertus théologales et morales. Le livre III, De ordine pœnitentium, reprend, dans un ordre logique, les canons conciliaires du passé qui règlent la situation générale des pénitents ; application est faite, dans le livre suivant, De judicio pœnitentium laicorum, des règles générales aux diverses catégories de péchés, classés dans l’ordre suivant : homicide, luxure, sacrilège, attentats à la propriété ; le 1. V vise les fautes graves commises par les ecclésiastiques : elles sont punies de la déposition. Ainsi nous avons affaire, jusqu’à présent, avec un parfait manuel de la discipline canonique. Mais, brusquement, le 1. VI nous fait repasser dans la littérature habituelle des livres pénitentiels. Addidimus huic operi excerptionis nostræ, commence Halitgaire, pœnitenlialem romanum alterum, quem de scrinio romanæ Ecclesiæ assumpsimus ; altamen a quo sil editus ignoramus : ideirco adneclendum præscriptis canonum sententiis decrevimus, ut si forte liæ prolatæ sententiæ alicui superfluæ sint visæ aut penilus quæ desideral ibi de singulorum criminibus nequiverit invenire, in hac sallem brevitale novissima omnium scelera forsitan inveniet explicata. Col. 693. Laissons de côté la question de l’origine soi-disant romaine du pénitentiel qu’Halitgaire annexe à son traité ; l’intérêt de cette préface est surtout dans l’opposition qu’elle met entre la discipline des collections canoniques, résumée dans les livres III à V, et la pratique courante qu’il est impossible de supprimer. Tous les termes de cette préface seraient à discuter de près. On remarquera que, des anciens livrets, Halitgaire retient les tarifs essentiels, y compris les commutations. Voir col. 705 et 706.

Les deux pénitentiels de Raban Maur († 856), P. L., t. ex. col. 471-494, et t. c.xii, col. 1397-1424, sont en dépendance l’un de l’autre. Ils sont tout à

fait remarquables en ceci, qu’au lieu de juxtaposer, comme l’avait fait Halitgaire, les deux disciplines pénitentielles en concurrence, ils s’efforcent de donner, dans le cadre général des pénitentiels en cours, les anciennes décisions de la discipline canonique. Plus rien des tarifs auxquels nous étions jusqu’ici habitués, on se trouve transporté dans le monde du v c siècle, où la seule pénalité connue est l’exclusion de la communion pendant un temps plus ou moins long. Nous aurons l’occasion d’expliquer plus loin comment pouvait se faire, dans la pratique, la transposition des sanctions antiques à l’usage moderne.

Documents canoniques.

On peut les répartir en

deux catégories : les décisions pontificales ou conciliaires et les collections.

1. Decrétales pontificales et décisions conciliaires, a) Le réveil de l’activité missionnaire en Germanie amène les papes du milieu du viiie siècle à répondre à diverses consultations qui leur sont adressées : ainsi paraissent un certain nombre de lettres pontificales qui correspondent très exactement aux décrétales des siècles antérieurs.

On retiendra les suivantes : Grégoire II (715-731). Epist., xiv, ad Bonijacium, P. L., t. lxxxix, col. 524. où se relèvent aux n. 2, 3, 6, quelques décisions touchant, d’assez loin, à la question pénitentielle ; du même, le Capilulare dalum Martiniano episcopo… in Bavariam ablegato, ibid., col. 531, dans lequel il faut relever les n.6, 8, 9 ; quant au n. 12 : Ut pœnitentiæ remediis nemo se non egere putet, pro quolidianis humanæ fragilitatis excessibus. sine quibus in hac vita esse non possumus, il ne se réfère pas, quoi qu’on ait dit, à la pénitence ecclésiastique. (Les canones pœnitentiales attribuées à Grégoire II, ibid., sont apocryphes.)

— Grégoire 111(731-741), Epist., , ad Bonifacium, ibid., col. 575, où l’on relèvera les n. 7 et 8 : pour certains crimes plus particulièrement graves, le pape prescrit l’exclusion de la communion jusqu’à l’article de la mort ; en même temps, il indique la façon très rigoureuse dont les coupables doivent faire pénitence.

— Zacharie (741-752), en réponse aux demandes qui lui avaient été adressées par Pépin le Rref, envoie à celui-ci un Capitulare, ibid., col. 930, dont plusieurs prescriptions renouvellent les anciens canons pénitentiels ; voir surtout les n. 20-26. Ces diverses réponses pontificales semblent indiquer que Rome, à ce moment-là, ne connaît pas d’autre discipline pénitentielle que la discipline canonique.

Un siècle plus tard, le pape Nicolas I" (858-867). dans une lettre adressée à un évêque, précise les conditions dans lesquelles un homme, meurtrier de ses trois fils, et qui est venu demander son pardon à Rome, devra accomplir sa pénitence. Ces conditions sont particulièrement sévères. Epist., cxxxvi, P. L.. t. exix, col. 1130.

C’est à côté de ces « rescrits » pontificaux qu’il faut placer, toutes proportions gardées, une réponse adressée par Paulin, archevêque d’Aquilée, à son diocésain Haistolfe, qui s’était rendu coupable de très graves forfaits. Paulin lui donne le choix entre la retraite perpétuelle dans un monastère ou la pénitence publique dont il lui décrit les sévères prescriptions. P. L., t. xcix, col. 181 sq. Ce texte est passé au Décret de Gratien, caus. XXXIII, q. ii, c. 8 : Admenere, sous le nom du pape Etienne V. Kurchard de Worms qui l’avait introduit dans son Décret en avait donné, au contraire, l’origine exacte.

b) Deux groupes de conciles se détachent nettement dans la période étudiée : les conciles réformateurs des années 741 et suivantes dont saint Roniface est l’âme ; les conciles du début du ixe siècle (fin du règne de Charlemagne et commencement de celui de Louis le Pieux).