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PÉNITENCE. LES Ve ET VIe SIÈCLES, PRATloiJK


du jeudi saint ; c’est si vrai (lue, même en cas de danger, on hésite à la pratiquer sur les jeunes gens, de

crainte de les exposer, en cas de retour à la santé, aux difficultés que créeraient inévitablement ces séquelles. Voir col. 818 et 835. Les jeunes gens à l’article de la mort n’étaient pourtant pas tous des pécheurs publics, quelque élasticité que l’on donne à ce terme. Et si la forme mitigée de la pénitence dont on parle avait existé, c’était bien le cas, au chevet de malades coupables de fautes graves, mais secrètes, de la mettre en pratique.

On a voulu trouver, il est vrai, dans les collections canoniques elles-mêmes des indices plus ou moins concluants. Le texte d’Innocent I er, Epist. ad Decenlium, n. 7, indique quelle est pour la réconciliation des pénitents la coutume romaine : De pœnitentibus qui sive ex gravioribus commissis sive ex levioribus pamitentiam gerunt, si nulla interveniat œgriludo, F a feria ante Pascha remiltendum. Dans VHispana, P. L., t. lxxxiv, col. 643. Mais rien absolument n’indique dans le texte pontifical que les pénitents coupables de fautes « plus légères » n’aient pas été astreints pour la suite aux règles disciplinaires concernant tous les pénitents. La décision s’éclaire, pensons-nous, si on la compare aux pratiques grecques. Tandis que, dans l’Église orientale, la durée de la pénitence est proportionnée à la gravité des fautes, ci-dessus, col. 804, dans l’Église romaine, qui propose son usage en exemple, on ne fait pas cette distinction ; les pénitents ne sont pas réintégrés dans la communauté au fur et à mesure de l’achèvement de leurs années de pénitence, ils le sont tous en bloc, le jeudi saint, quelle qu’ait été leur culpabilité.

Un texte de saint Léon a été produit également ; il s’agit de personnes qui se sont rendues coupables de certaines pratiques suspectes : qui convivio solo gentilium et escis immolatiis usi sunt, possunt jejuniis et manus impositione purgari, ut deinceps ab idolothytis abstinentes sacramentorum Christi possini esse participes. Leur cas est nettement distingué de celui des gens coupables de crimes capitaux que l’on ne peut admettre à la communion que par le moyen de la pénitence publique. Ad Rustic., n. 17, dans VHispana, loc. cit., col. 768. Remarquons d’abord que les fautes visées en premier lieu ne sont pas nécessairement des fautes mortelles, même suivant nos idées actuelles (on sait ce que pensait saint Paul de la manducation des idolothytes). Mais elles sont susceptibles de causer du scandale et elles sont sanctionnées par une peine disciplinaire, éloignement temporaire de la communion, jeûnes. (N’avons-nous pas ordre aujourd’hui d’écarter de la sainte table des personnes dont le costume peu modeste pourrait causer quelque scandale ?) L’imposition des mains qui est mentionnée est un rite tellement fréquent dans l’ancienne Église qu’il n’est pas possible de préciser quelle valeur lui est attribuée ici.

Peut-être, néanmoins, convient-il de faire usage de ce texte pour en éclairer d’autres où l’on voit des fautes relativement légères punies d’une exclusion temporaire de la communion, laquelle prend fin au bout d’un certain temps, en cas d’amendement, et sans recours à la pénitence canonique. Voir, par exemple, I er conc. d’Arles, can. 11, De puellis fîdelibus quæ gentilibus junguntur placuit ut aliquanlo tempore a communione separentur. Dansl’Hispana, loc. cit., col. 239 ; conc. d’Elvire, can. 14, 21, 79, ibid., col. 303, 304, 310. Insérés dans les collections canoniques, ces textes ont-ils eu quelque influence sur le développement ultérieur de la discipline ? Ont-ils contribué à l’établissement d’une sorte de satisfaction intermédiaire entre la pœnilentia lucluosa et la satisfaction strictement personnelle ? Marqueraient-ils le premier pas dans la voie d’une autre pénitence sacramentelle différente de la pénitence canonique ? Autant de questions qu’il n’est guère pos sible de résoudre. Ces textes sont relativement anciens ; ils ne projettent guère de lumière sur l’histoire « le la pénitence au r siècle. D’ailleurs, à les prendre

strictement en eux-mêmes, ils ne nous font pas connaître une pénitence privée « et c’est au for externe que ressort issent les sanctions dont ils parlent.

En définitive, sauf l’exception signalée en dernier lieu, nous ne voyons guère en acte, au cours de la période étudiée, que la pénitence canonique avec tous ses effets. Célébrée publiquement dans les rites solennels du carême, ou réduite aux éléments essentiels de la pénitence in extremis, elle est une en sa conception, en son mode d’efficacité, en ses conséquences.

e. La pénitence privée et réilérable considérée comme un abus. — Que, ça et là, dans le domaine occidental où nous avons limité nos recherches (les Iles-Britanniques n’y ont jamais été comprises), il y ait eu des tentatives pour faire éclater les cadres trop rigides de la législation canonique, c’est ce que l’on ne saurait nier. Un texte du grand concile de Tolède (589) qui consacra le passage de la nation wisigothique au catholicisme est, à ce point de vue, particulièrement instructif.

Quoniam comperimus per

quasdam Hispaniarum Ec clesias non secundum cano nem sed fœdissime pro suis

peccatis homines agere pæni tentiam, ut quotiescumque

peccare voluerint, tolies a

presbyteris se reconciliari

expostulent, ideo pro coer cenda tam exsecrabili prae sumptione, id a sancto conci lio jubetur, ut secundum for mam canonicam antiquorum

detur pænitentia, hoc est ut

prius eura quem sui pænitet

facti a communione suspen sum faciat inter reliquos pænitentes ad manus imposi tionem crebro recurrerc ;

expleto autem satisfactionis

tempore, sicuti sacerdotalis

contemplatio probaverit eum

communioni restituât : hi

vero qui ad priora vitia vel

infra pænitentiæ tempus vel

post reconciliationem rcla buntur, secundum priorum

canonum severitatem dam nentur. IIIe concile de To lède, can. 11, dans VHispana,

P. L., t. lxxxiv, col. 353.

Nous avons appris que,

dans certaines Églises d’Es pagne, il y a des personnes

qui font pénitence de leurs

péchés non point d’après les

canons, mais d’une manière

dégoûtante, en telle sorte

que, chaque fois qu’il leur

arrive de pécher, elles vont

demander la réconciliation à

de simples prêtres. Pour ré primer une si exécrable au dace, le saint concile ordonne que la pénitence soit donnée

selon les formes canoniques

des anciens. Dès lors : celui

qui se repent de ses fautes

devra au préalable être écar té de la communion, et,

ayant pris place parmi les

autres pénitents, recourir

fréquemment à l’imposition

des mains. I.e temps de la satisfaction accompli, si, après mûr examen, l’évoque l’en

juge digne, qu’il l’admette à

la communion. Pour ceux

qui, soit durant le temps de

leur pénitence, soit après la

réconciliation, retomberaient

dans leurs anciennes fautes,

ils seront condamnés selon

la rigueur des anciens ca nons.

La deuxième partie du texte donne de la pénitence canonique » une définition on ne peut plus claire. Nous avons traduit contemplatio sacerdotalis par l’examen de l’evêque. Il nous paraît évident, en effet, que le texte oppose le fonctionnement régulier de la discipline canonique dont l’evêque, soit par lui-même, soit par ses délégués, est le régulateur à faction abusive desimples prêtres, visée dans la première partie. Celle-ci vise une « pénitence privée, et réitérable >, donnée à des bien portants par de simples prêtres. Mais cette pénitence privée est qualifiée comme un intolérable abus (fœdissime ; exsecrabilis præsumplio). L’abus était-il fréquent, existait-il de longue date ? Le concile ne le dit pas. Se rattache-t-il à des pratiques dont on dira ci-dessous l’histoire et qui ont leur point de départ dans les Iles-Britanniques ? Il n’est pas interdit de le penser. Pour le moment, il nous suffit de signaler la vigoureuse réaction que 1 Église d’Espagne leur oppose au moment de sa résurrection.