Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.1.djvu/423

Cette page n’a pas encore été corrigée
831
832
PÉNITENCE. FIN DE L’AGE ANTIQUE, LA PRATIOl I.


fallait pratiquer la communion quotidienne ; voir ci-dessus, col. 821. A l’époque de Césaire, dans la région artésienne, les simples Hdèles ne communient guère qu’aux trois grandes fêtes : Noël, Pâques, Pentecôte. Ce devait être aussi, autant que l’on en peut juger, la coutume romaine à l’époque de saint Orégoire. Il est bien entendu que nous ne parlons que de la moyenne des fidèles. La classe particulière de chrétiens qui pratiquent dans le monde les conseils évangéliques et que nous apprendrons à connaître plus loin, col. 834, sous le nom de corwcrsi en est d’ordinaire à la communion hebdomadaire. Par ailleurs, à toute messe, il devait bien y avoir un certain nombre de communiants.

b) Quant à la société barbare, même convertie au catholicisme, on pense bien qu’elle n’a pas laissé. dans les piscines baptismales, les vices auxquels elle s’adonnait antérieurement. La légende des barbares vertueux, mise à la mode par Salvien, s’écroule dès qu’on la confronte avec l’Histoire des Francs de (irégoire de Tours. C’est à ce dernier qu’il faudrait emprunter les traits d’un tableau des mœurs dans la période mérovingienne, et ce tableau ne serait pas flatté. Il aurait d’autant plus de chances de correspondre à la réalité que la sereine bonhomie de l’évêque de Tours semble avoir pris son parti d’une foule d’abus qu’il est impossible de supprimer. Bien rarement, il lui vient à l’idée de dresser un réquisitoire contre la société de son temps et cette société, pourtant, n’est pas belle. Pour les rois et les leudes, les crimes de sang sont des bagatelles ; la rapine, la fraude, des péchés mignons ; et quant à la règle des mœurs on sait ce qu’elle était dans les palalia de l’époque mérovingienne. Les quelques figures féminines dont la pureté illumine ces époques, une Clotilde, une Radegonde, ne font que mieux ressortir la dépravation générale, et il suffit de lire dans Grégoire de’fours le long récit de la sédition de Basine et de Chrodilde au monastère de Sainte-Croix de Poitiers, pour comprendre qu’en prenant le voile les filles de la noblesse ne déposaient pas toujours les défauts de leur race. Quant au clergé, et particulièrement à l’épiscopat de l’époque, Grégoire tire d’ordinaire un voile pudique sur son comportement. Peut-être les mécréants y sont-ils encore l’exception, mais exception très apparente et dont l’exemple, à l’âge suivant, deviendra de plus en plus pernicieux. Nous n’avons, sur les autres nations barbares installées dans l’empire romain, aucun document de cette valeur ; mais il n’est pas interdit de penser que, si les Goths, les Burgondes. les Lombards avaient eu des historiens, au lieu de simples annalistes, le spectacle que ces nations nous donneraient ne serait guère plus édifiant.

2° La pratique de la pénitence dans l’Église latine entre saint Léon et saint Grégoire. — C’est une telle société qu’il faut avoir devant les yeux, si l’on veut se représenter ce qu’y put devenir l’institution pénitentielle que nous avons vu fonctionner, non sans à-coups, aux âges précédents. Déjà, à l’époque de saint Augustin, nous avions pu constater une certaine différence entre le droit et le fait, entre ce qui devrait se passer et ce qui se fait en réalité. Ici. le hiatus éclate.

1. Ce que devrait être la pratique.

Au point de vue du droit, nous n’avons rien d’essentiel à changer à ce qui a été décrit ci-dessus, col. 801-806 ; il convient seulement de faire remarquer que les collections canoniques nous fournissent un guide plus sûr dans la description de ce qui devrait être.

a) Matière de la pénitence. — Pour ce qui est des péchés que le seul repentir personnel et les exercices privés de pénitence ne suffisent point à racheter et qui doivent être soumis à la pénitence canonique, les

points de vue ne se sont pas modifiés. Les catalogues des peccaia capitalia opposés aux peccala minuta, tels qu’on les trouve dans Césaire. sont, à peu de chose près, ceux que nous avons trouvés dans Augustin. Noter au moins que parmi les peccala minuta, assimilables, jusqu’à un certain point, à nos [léchés véniels, Césaire range les péchés de pensée (même s’il s’agit de pensées impuresi et les manquements aux lois ecclésiastiques concernant le jeûne ou l’assistance aux offices ; nous ne voyons mentionné nulle part, dans nos textes, le travail du dimanche (ce sera vrai, pensons-nous, pour assez longtemps encore). Il est clair qu’il y a une différence entre la classification de Césaire et celle des théologiens plus récents. Quant à la distinction entre péchés occultes et péchés publics ; dont les seconds seuls seraient obligatoirement soumis à la pénitence canonique, nous n’en remarquons pas la claire expression. Pas même dans saint Grégoire, chez qui on a cependant relevé un texte qui pourrait, à l’extrême rigueur, s’interpréter en ce sens. Epiât., XIY, xvii, P. £, ., t. lxxvii, col. 77.

Mais diverses remarques s’imposent ici : d’une part, on estime — Césaire par exemple, et aussi saint Grégoire et saint Isidore - que l’accumulation des fautes légères aboutit pratiquement à la même insécurité pour le salut éternel que l’admission de fautes graves : il pourra donc y avoir intérêt à soumettre ces fautes à la médiation ecclésiastique. D’autre part, il n’est pas interdit à une personne exempte de fautes graves, exempte même de fautes légères accumulées, de se présenter à la pénitence. Ces deux remarques auront leur importance dans la pratique. La première explique comment, au lit de mort, tout chrétien tient énormément à recevoir la pénitence (voir ci-dessous, col. 835). La seconde permet de concevoir comment la pénitence canonique peut être acceptée comme exercice de perfection par des personnes qui, théoriquement, n’auraient aucun besoin de s’y soumettre, comment, en fin de compte, l’ordre des pénitents comprendra surtout, sinon exclusivement, d’excellents chrétiens, alors que les mécréants convertis y seront la toute petite exception.

Dernière remarque enfin, les fautes graves des clercs ne sont pas, régulièrement, soumises à la pénitence canonique. Le vieil axiome, non bis in idem continue théoriquement à s’appliquer à leur cas. Coupables de fautes graves, ils doivent être déposés et réduits à la communion laïque.

b) La procédure. — Elle a pris, de plus en plus, un caractère liturgique, ce qui lui fait perdre un peu de l’aspect plutôt judiciaire qu’elle avait antérieurement. Les textes des sacramentaires cités plus haut, col. 816 sq., permettent de se faire une idée assez exacte de l’ensemble des cérémonies : L’entrée en pénitence a lieu d’ordinaire in capite jejunii, par l’imposition du cilice et des cendres, que nous voyons mentionnés presque partout, par la tonsure (très souvent mentionnée, mais il y a des exceptions). La pénitence proprement dite ne dure d’ordinaire que le temps du carême. Qu’elle s’accomplisse, en certaines régions, sans que le pénitent quitte son train de vie habituel, c’est bien possible. On a remarqué pourtant, ci-dessus, col. 816 au bas, que la rubrique du gélasien (mais n’est-elle pas d’âge postérieur ?) indique que le pénitent est « renfermé », pour la durée du carême. inclaudis eum usque ad Cœnam Domini ; il doit s’agir d’internement dans un monastère, ou dans quelque dépendance de l’église, correspondant un peu à une « retraite fermée » d’aujourd’hui, mais de plus longue durée. Jusqu’à quel point faut-il assimiler à cette réclusion ces internements dans des monastères de durée apparemment plus longue que signale la correspondance de saint Grégoire ? C’est ce qu’il ne nous