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PÉNITENCE. LES IVe ET Ve SIÈCLES, LA PRATIQUE


que l’assemblée des évêques (le concile de Nicée ?) n’a concédé qu’une fois la pénitence à ceux qui tombent après le baptême, lui avait l’audace de dire : « Même « si c’est pour la millième fois que tu fais pénitence, « viens », enseignement dont ses amis eux-mêmes se sont scandalisés. » Ce même grief a été articulé contre Jean au synode du Chêne ; d’après l’évêque (saac, l’archevêque aurait dit : « Si tu as péché une seconde fois, repens-toi une seconde fois ; et chaque fois que tu auras péché, viens à moi et je te guérirai. » Mansi, Concil., t. iii, col. 1145 D. A la vérité, nous avons alfaire ici avec un propos d’ennemi. Il fallait le rapporter néanmoins ; il montre que l’idée de la réitération de la pénitence n’était pas de celles qui allaient de soi, puisque l’on pouvait faire un grief à Jean de cette réitération.

II. la pratique.

Comme pour la période précédente, nous ferons précéder l’étude de la discipline pénitentielle de quelques remarques sur les conditions générales de la vie chrétienne à l’époque considérée.

1° La vie religieuse et morale à l’époque considérée.

— 1. Conditions extérieures. — Le ive siècle a débuté par la terrible persécution de Dioclétien ; si elle a fait beaucoup de martyrs, surtout en Orient, cette crise, comme celle du milieu du iiie siècle, a fait aussi beaucoup d’apostats. Bien que nos renseignements soient assez clairsemés, nous entrevoyons qu’il y eut, soit à Rome, soit en Egypte — le paroxysme de la persécution une fois passé — une agitation des lapsi pour rentrer en grâce à des conditions moins onéreuses que celles qui étaient habituelles. Voir les notices des papes Marcel (308-309) et Eusèbe (309 ou 310) dans le Liber pontificalis avec les annotations de L. Duchesne. La légende qui s’est formée autour du pape Marcellin (296-304) et de sa défaillance est également caractéristique. Voir son article. L’action de Pierre I er d’Alexandrie suppose, elle aussi, une situation embrouillée ; on en dira autant des origines du schisme mélitien d’Egypte. Voir art. Mélèce de Lycopolis. La tolérance une fois accordée, il fallut régulariser bien des situations.

Mais, bientôt, à la simple tolérance succède la reconnaissance légale, puis la faveur officielle, accompagnée, de la part du pouvoir, d’une hostilité croissante contre le paganisme. Tout ceci entraîne, surtout en Occident, un afflux marqué de nouveaux convertis, sur la sincérité desquels l’Église pouvait avoir des doutes. On vit bien, d’ailleurs, au moment des réactions païennes du milieu et de la fin du ive siècle, sous Julien et sous Eugène, que certaines conversions étaient peu solides et l’Église dut s’attrister de bien des palinodies.

La crise arienne amena également bien des défaillances, surtout dans les rangs du haut clergé. On a dit à l’article Lucifériens l’attitude que prirent, à l’égard des faillis de Rimini ou de Séleucie, quelques intransigeants, déclarant que la signature des formulaires compromettants entraînait pour les coupables la perte de leurs pouvoirs ecclésiastiques, le diacre Hilaire ajoutait même : des privilèges de leur baptême.

Le donatisme repose sur des principes analogues. Une faute grave en matière de foi (la tradition des saints Livres est considérée comme telle) fait perdre à qui l’a commise tout pouvoir dans l’Église. Organisé en communauté dissidente, le donatisme exerce ses ravages dans toute l’Afrique du Nord, amenant, par ses violences, bien des catholiques à se faire rebaptiser. Cela créera pour beaucoup d’âmes, au moment où elles voudront rentrer dans l’Église, des situations confuses.

Dès les premières années du ve siècle commencent

les grandes invasions des Barbares. La période précédente en avait déjà connu et nous avons dit que les prescriptions pénitentielles de Grégoire le Thaumaturge ont eu comme point de départ le désir de mettre en règle la conscience de certains chrétiens, qui, au moment de telles invasions, s’étaient laissé aller à diverses faiblesses. Ci-dessus, col. 790. Les cas vont se multiplier avec le ve siècle, puisque l’Occident tout entier est bientôt submergé par la barbarie. Parmi les nouveaux maîtres, quelques-uns sont païens, là où ils sont passés il a pu y avoir des retours au paganisme ; le plus grand nombre est arien ; l’arianisme installé officiellement en Occident devient une menace pour le catholicisme. La persécution vandale, en Afrique, a fait des martyrs, mais aussi des apostats ; avec les justes restrictions, on peut en dire autant d’autres régions occupés par les ariens.

Ainsi, la période considérée n’est pas, dans ses grandes lignes, une période pacifique, et la vie chrétienne a subi les contre-coups de cette agitation.

2. Conséquences.

Peut-être, d’ailleurs, les années relativement calmes du commencement de la période n’ont-elles pas été plus favorables au développement d’une vie chrétienne très profonde. Sans doute, les raisons d’apostasier y sont plus rares ; l’idolâtrie devient un péché moins fréquent. Ce sont d’autres fautes, celles contre les mœurs en particulier, qui risquent de se multiplier. L’afllux quelquefois intéressé des néophytes vers les baptistère » de l’Église ne s’est pas produit sans entraîner avec soi des éléments douteux. Et même le simple fait du nombre considérable des nouveaux arrivés ne pouvaitmanquer d’avoir une répercussion sur la vie des communautés. On ne gouverne pas une Église de plusieurs milliers de chrétiens comme l’on faisait, au iie ou au me siècle, un groupe de quelques centaines de fidèles. Ni les formes administratives, ni la vie liturgique n’étaient encore organisées pour un afflux aussi grand, et il fallut un certain temps pour réaliser l’adaptation.

Pendant longtemps encore on va vivre selon l’ancienne formule : le baptême est surtout conféré aux adultes, les baptêmes d’enfants restent encore l’exception, même dans les familles chrétiennes, sans que l’on puisse dire à quel moment se généralisa l’usage actuellement suivi. Les rigueurs de la discipline pénitentielle, qui semblent bien avoir été renforcées, expliquent assez, d’ailleurs, que beaucoup de catéchumènes remettent le plus tard possible la réception du baptême. Il est plus facile de garder ainsi dans sa blancheur immaculée la robe du néophyte. Voir à ce sujet un passage caractéristique des Confessions de saint Augustin. I, xi. Encore enfant, Augustin fait une maladie qui le met à deux doigts de la mort ; il réclame lui-même le baptême ; Monique se met en devoir de le lui procurer, mais, comme un mieux se manifeste, on décide de ne pas lui conférer le sacrement : « Ainsi ma purification fut-elle différée, dit Augustin, comme si je dusse nécessairement me souiller de nouveau en recouvrant la vie. Sans doute jugeait-on que si, après le bain baptismal, je retombais dans la fange du péché, ma responsabilité serait plus lourde et plus périlleuse. » Augustin proteste dans les Confessions contre ce préjugé : « D’où vient, dit-il, qu’aujourd’hui encore cette phrase, à propos de tel ou tel, vient de tous côtés frapper mon oreille : « Laissez-le faire, il n’est pas encore baptisé 1 On ne dit pourtant point, quand il s’agit du salut du corps : « Laissez-le se blesser davantage, il n’est pas encore « guéri. » Il ne laisse pas néanmoins d’excuser sa mère : « Tout ce flot redoutable de tentations, qui allait fondre sur moi, une fois mon enfance achevée, ma mère le voyait d’avance, et elle aimait mieux y exposer le limon de mon être, qui pourrait recevoir ensuite sa