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PÉNITENCE. LE IIP SIÈCLE, LA PRATIQUE


dans son ensemble, ne réconciliait pas (du moins pendant leur vie) les pécheurs coupables de l’une des trois fautes capitales : idolâtrie, homicide, adultère. Dans une déclaration, plus ou moins solennelle et plus ou moins générale, le pape en question aurait promis la réconciliation à certaines fautes de la chair : « Moi, « aurait-il dit, je remets les péchés d’adultère et de t fornication à ceux qui ont fait pénitence. » Malgré les protestations des milieux rigoristes dont Tertullien se fait l’écho et dont il semble bien que l’on retrouve des traces dans les Philosophoumena d’Hippolyte, cf. ici col. 766, la pratique indulgente préconisée par Calliste aurait fait assez rapidement son chemin. En 250, la coutume est, dans l’Église africaine, de remettre les fautes de la chair. Cf. S. Cyprien, Epist., lv (62), n. 20. Restaient les deux autres fautes capitales : l’idolâtrie et l’homicide. On ignore la date à laquelle la réserve qui frappait ce dernier crime fut levée. Quant à l’idolâtrie (ou si l’on veut à l’apostasie, manifestée par un acte d’idolâtrie) ce fut la persécution de Dèce qui, ayant multiplié les défaillances, donna l’occasion d’examiner plus attentivement le cas des lapsi et de proposer une solution plus indulgente.

Telle est, sommairement exposée, la thèse qui tend à devenir classique sur les péchés irrémissibles et dont nous pensons qu’elle a résisté aux critiques que, pour des raisons diverses, on a dirigées contre elle. Nous croyons, néanmoins, que, pour la rendre tout à fait inattaquable, il faut la dégager de toutes les considérations relatives à « l’édit de Calliste », et même ne pas la rendre solidaire de l’argumentation développée par Tertullien dans le De pudicitia. D’abord Tertullien ne prononce même pas le nom de Calliste ; c’est par des considérations d’exégèse du texte et de chronologie, et encore par comparaison avec les attaques des Philosophoumena contre le pape en question, que l’on a songé à celui-ci. Les critiques qui veulent voir dans l’auteur de t l’édit un évêque de Carthage, et particulièrement Agrippinus, un prédécesseur de saint Cyprien, ont donné de bonnes raisons à l’appui de leurs dires. D’autre part, l’argumentation de Tertullien est tellement passionnée que l’on peut toujours soutenir que son indignation, son désir d’avoir raison, ses méthodes de polémique lui ont fait perdre de vue des réalités évidentes pour tout autre que pour lui. Son argumentation, certes, est très claire : « Si l’on pardonne aux adultères, que l’on ose donc pardonner aussi aux idolâtres et aux homicides. » De quoi l’on conclura que tout le monde est d’accord, à son époque, pour refuser le pardon aux deux derniers péchés, tandis que l’absolution des fautes de la chair constitue une innovation. Mais, avec ce terrible polémiste, on ne sait jamais. Laissons-le donc et, bien que son témoignage doive être cité, renonçons à en faire la base d’une théorie.

Autrement serein et tout aussi expressif est le témoignage d’Origène, dans le De oralione. Le texte, quand l’on prend soin de le citer dans son intégralité, est d’une clarté qu’aucun commentaire ne réussit à obscurcir. Cf. ci-drssus, col. 767. C’est l’évidence même qu’à l’époque où Origène écrit ces lignes une tendance miséricordieuse se fait jour chez certains membres de la hiérarchie, tendance contre laquelle le docteur alexandrin proteste au nom d’une tradition qu’il considère comme apostolique. Or, ceci est écrit sensiblement à la même date où Tertullien et Hippolyte font entendre leurs véli* rotestations, au nom des mêmes

principes, contre une tendance analogue, pour ni dire Identique, On échappe diffirilement à cette conclusion, que, dans le premier quart du m » siè< le, on en est venu, en Églises, à considérer comme

impraticable, nu même comme contraire à l’esprit

évangélique, une discipline plus rigide SOI les dl

de laquelle nous sommes d’ailleurs fort mal renseignés. La Didascalie syriaque ne polémiquerait pas avec tant d’insistance en faveur d’un traitement relativement doux appliqué aux pécheurs et contre les tenants du rigorisme si, dans les milieux où elle a pris naissance, il était allé de soi que le fait de se soumettre à la pénitence emportait, pour toutes les sortes de fautes, un droit absolu à la réconciliation.

Saint Cyprien nous est d’ailleurs un témoin tout aussi précieux qu’Origène et que la Didascalie. A la vérité, on ne rencontre pas chez lui, sauf erreur, d’allusion au caractère irrémissible de l’homicide. Pour ce qui est de l’adultère (en prenant le mot dans un sens assez large), Cyprien est extrêmement net : ce péché est de ceux que l’on remet : « Et mœchis a nobis pœnilentiæ tempus conceditur et pax datur : on détermine, pour les coupables, un temps de pénitence, au bout duquel ils sont réconciliés. » Epist., lv (52), n. 20 ; cf. iv (62), n. 4, citée plus haut. Mais il y avait eu, à une date récente, des discussions à ce sujet, et la pratique n’avait pas été uniforme dans la province même : El quidem apud antecessores noslros quidam de episcopis istic in provincia nostra dandam pacem mœchis non pulaverunl et in lolum pœnitentiæ locum contra adulteria cluserunt. Non lamen a coepiscoporum suorum collegio recesserunt, aut catholicæ Ecclesiæ uniialem vel durilise vel censuras suse obslinatione ruperunt, ut, quia apud alios adulteris pax dabatur, qui non dabat de Ecclesia separaretur. Manenle concordiæ vinculo et persévérante Ecclesiæ individuo sacramento, actum suum disponil et dirigit unusquisque episcopus rationem proposiii sui Domino redditurus. Epist., lv (52), n. 21. Dans certaines Églises d’Afrique, à l’époque qui a précédé celle de saint Cyprien, l’adultère avait été traité comme faute irrémissible. Discipline nouvelle, ou persistance d’un usage ancien, nous ne pouvons le dire.

Et quant à ce qui concerne l’idolâtrie, l’histoire de la persécution de Dèce montre bien et le point d’où l’on est parti (l’idolâtrie ne se remet pas dans l’Église) et le point où l’on est arrivé, la rémission ecclésiastique de cette faute. Voir, pour le détail, l’art. Novatien, col. 832-836.

D’ailleurs, les canons d’Elvire, à la fin du ine siècle, sur lesquels nous aurons à revenir, ne se comprendraient pas s’ils témoignaient d’une discipline absolument nouvelle. Rien au contraire, ils sont, peut-on dire, de ces « organes témoins » dont parlent les biologistes et qui attestent un stade antérieur de l’évolution d’un être vivant. De ces canons, 35 au moins s’occupent de la discipline pénitentielle. Or, une douzaine stipulent expressément que, pour telle faute, la réconciliation, la communion comme dit le texte, sera refusée, même à l’article de la mort. Voir canons 1, 2, 3 (idolâtrie), 6 (meurtre par maléfice), 7 (adultère réitéré), 8 et 9 (divorce), 12 (métier de proxénète), 13 (violation, par une vierge consacrée, de son vœu de virginité), 17 (mariage d’une chrétienne avec un prêtre païen), 18 (adultère des évêques, prêtres ou diacres), 63 (adultère compliqué d’avortement), 66 (unions incestueuses), 71 (pédérastie) ; il y en a d’autres dont le sens est plus douteux. Mais le canon 63 est très révélateur : SI qua per adutterium absente marito suo conceperil, idque post jacinus occiderit, placuit nec in fmem dandam esse communionam eo quod beminavbrit SI ELUS, Ce que le concile frappe de réserve perpétuelle, c’est le double crime, étant évident, d’après le reste des canons, que ni l’adultère ordinaire, ni l’avortemenl (ou l’infanticide ?) simple n’était puni de cette peine. En définitive, une chose paraît claire, c’est qu’une discipline rigide se manifeste au cours du iiie siècle, au moins dans certaines Églises, selon laquelle diverses fautes constituaient des cas réservés dont l’autorité ecclésiastique n’accordait pas la rémission (même a