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PÉNITENCE. LE IIIe SIÈCLE, LES DOCUMENTS


rôle « fui revient, à l’Église dans cette réconciliation. Et quant à la vertu universelle de ce repentir même, il convient de ne pas l’exagérer. A première vue, l’auteur semble ouvrir à tous les pécheurs l’espoir de la réconciliation et l’on a pu soutenir qu’il n’y a pas trace chez lui de « péchés réservés ». Outre que l’expression est impropre, car elle est fonction d’une doctrine de la réconciliation ecclésiastique qui n’apparaît pas ici, elle dépasse la portée des textes. A plusieurs reprises, l’ange de la pénitence déclare que, pour une catégorie au moins de pécheurs, il n’y a pas de pénitence. Sa pensée, qui est parfois un peu hésitante, Simil., IX, xxvi, 5 ; Vis., II, 2 et 3, est très nette dans Simil., IX, xix, 1. Il s’agit de ceux qui ont apostasie du fond du cœur : à.noazâ.-z’x.i xai $&o(ppiLoi sic -rôv Kùpiov, et qui ont trahi leurs frères. « Pour ces gens-là, pas de pénitence ; c’est la mort. C’est une race de scélérats. » Cf. ibid., n. 2. On a voulu chercher ici une influence des textes de l’épître aux Hébreux ci-dessus mentionnés, col. 754. Ce n’est pas impossible ; mais, avant d’admettre cette hypothèse, il convient de se rappeler que la canonicité de l’épître n’a été reconnue qu’assez tard en Occident ; on ne trouve pas, dans le Pasteur, de traces incontestables de son emploi.

/II. CE QUE L’ON PEUT DIRE DE LA PÉNITENCE CANONIQUE A L’ÉPOQUE ARCHAÏQUE 1° Les textes

que nous venons de passer en revue ne permettent pas de donner une description de la discipline pénitentielle de l’époque ; à plus forte raison n’autorisent-ils, à eux seuls, aucune théorie générale sur le rôle de l’Église dans la rémission des péchés postérieurs au baptême. Voici, néanmoins, ce qu’ils laissent entrevoir :

1. L’existence, en marge de la communauté, d’un certain nombre de gens coupables de diverses fautes (Didachè, Polycarpe, Pasteur) et dont l’assistance à la synaxe eucharistique est particulièrement indésirable (Didachè). Plusieurs semblent se trouver dans cette situation en vertu d’une sorte de jugement des autorités ecclésiastiques (Polycarpe). Plus nombreux peut-être apparaissent ceux qui se sont séparés d’euxmêmes par suite de leurs fautes morales, de leur attitude en cas de persécution (Pasteur). A côté de ces « croyants » plus ou moins définitivement perdus pour l’Église, il existe, au sein de la communauté, partageant sa vie, des fidèles dont la conscience demeure inquiète (Pasteur).

2. L’existence d’un moyen de réconciliation pour ces diverses catégories nous apparaît moins. Le texte de l’épître de Polycarpe nous invite à voir dans les « presbytres » des juges, qui, s’ils ont pouvoir pour condamner, ont aussi, selon toute vraisemblance, pouvoir pour absoudre. Hermas transmet le message céleste qu’il a reçu aux autorités ecclésiastiques. C’est une indication.

Mais il faut ajouter aussi que l’idée de remettre les péchés post-baptismaux se heurte, au moins dans certains cercles, à une vive opposition. La rémission des péchés s’effectue dans le baptême, le baptême ne se réitère pas. Rien n’indique pourtant que cette doctrine rigide soit celle des autorités ecclésiastiques, en tant que telles. L’exemple de Jean l’apôtre a-t-il été invoqué comme un précédent ? On ne saurait le dire.

Aucune précision ne peut être donnée sur la rémission des fautes secrètes qui ne changent pas extérieurement les rapports avec l’Église. Mais il n’y a pas de lignes de démarcation tranchée entre ceux qui en sont coupables et qui, inquiets de leur situation de conscience, peuvent être tentés de renoncer aux synaxes liturgiques, et les pécheurs de la seconde catégorie qui, ayant définitivement accepté leur indignité, se sont eux-mêmes excommuniés. C’est par des tran sitions insensibles que l’on passe de l’une à l’autre catégorie.

2° Ce manque de détails autorise-t-il l’historien à conclure que, durant cette période, il n’existe, dans l’ensemble de l’Église, aucune institution proprement pénitentielle ? — La conclusion, à coup sûr, dépasserait de beaucoup les prémisses.

1. Elle supposerait d’abord que l’on accorde au texte du Pasteur sur {’unique pardon au baptême une valeur tout à fait générale et tout à fait absolue. Or, ce qu’il rapporte, c’est l’opinion de « certains docteurs ». opinion que l’ange de la pénitence fait sienne à la vérité. Le texte insinue tout au moins que, sur la question de principe, il y a des discussions. Il faudrait donc se garder d’en tirer cette négation absolue : « A l’époque d’Hermas il n’y avait aucune institution pénitentielle, ni à Rome, ni en aucune partie de l’Église. » D’autre part, les conditions de la communauté romaine, déjà considérable, ne sont pas les mêmes que celles de petites Églises de la même époque. Dans ces dernières, il pouvait y avoir des interventions plus personnelles des autorités auprès de certains pécheurs, des recours aussi de ces pécheurs auprès des autorités. Voir l’histoire de saint Jean. A Rome même, il pouvait y avoir de ces démarches qui, par leur discrétion même, disons aussi par leur rareté, échappaient à la connaissance du public. Qu’on ne dise pas qu’Hermas, frère du pape Pie, était en situation d’être au courant de tout ; sur bien des points sa théologie ne témoigne pas qu’il ait beaucoup fréquenté les milieux ecclésiastiques.

2. Surtout une conclusion négative ne tiendrait aucun compte du principe de continuité (le mot étant pris ici dans toute sa plénitude dogmatique) que nous avons déjà invoqué. Or, les textes qui s’accumulent dès la fin du 11e siècle et jusqu’au milieu du nie nous montrent une discipline pénitentielle fonctionnant de façon régulière. Que cette discipline ait fait éclosion soudain, par voie de génération spontanée, vers les années 180, c’est ce qui apparaît tout à fait invraisemblable aux yeux de l’historien, aussi bien qu’à ceux du théologien. Sans doute, il n’y a pas lieu de conclure de l’existence de cette discipline postérieure à l’existence d’une réglementation absolument analogue à l’âge précédent. Mais il faut bien qu’il y ait eu pour lors l’embryon d’une organisation pénitentielle dont certaines circonstances ont favorisé le développement.

III. L’organisation pénitentielle au iiie siècle.

— 1° Les documents. — 2° La pratique. — 3° Les théories.

I. les documents. -- Autant étaient parcimonieux les textes relatifs à la pénitence à l’époque archaïque, autant ils sont nombreux et quelquefois explicites dans cette période que nous ferons commencer à saint Irénée pour la terminer au moment de la paix de l’Église. Nous les énumérerons, tout au moins les principaux, dans l’ordre de date ; voir ce qui a été dit plus haut sur cette question de date, col. 756. Quand la question aura été touchée dans des articles antérieurs, nous nous contenterons d’y renvoyer.

1° Saint Irénée nous apporte, au seuil même de cette période, un renseignement assez mystérieux sur les victimes qu’avait faites, dans la vallée du Rhône, la propagande des disciples de Marc le Gnostique ; ces victimes étaient surtout des femmes ; quelques-unes, peut-être coupables des désordres que la secte encourageait, seraient revenues à résipiscence. Conl. hxres., I, xvii, 5, 7, P. G., t. vii, col. 588-592. Voir art. Irénée, t. vii, col. 2197. Peut-être le texte est-il moins clair qu’on ne l’a dit. Les mots al uiv xai sic cpavepbv s£o ; j.o-XoyoùvTai ont été rendus par la vieille version latine :