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    1. PÉNITENCEREPENTIR##


PÉNITENCEREPENTIR. DOCTRINE DE L’ÉGLISE

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châtiment divin. Il va sans dire que, pour saint Thomas, tout ce mécanisme est mis en branle par l’opération divine. Quest. citée, a. 5. Les vingt lignes où est ramassée cette psychologie du repentir en disent autant et plus dans leur concision que les énormes commentaires ultérieurs dont plusieurs ne visent qu’à transformer la pensée du saint docteur. La part respective qui revient dans la pénitence à la crainte, à l’espoir, à l’amour y est remarquablement dosée.

La question lxxxvi est relative, n’en déplaise au titre, à la nécessité du repentir pour la rémission des péchés et d’abord des péchés mortels. L’article 2 : Utrum possint peccala mortalia sine pœnitentia tolli ? aboutit à la conclusion : Impossibile est peccatum acluale mortale sine pœnitentia remitti, loquendo de pœnitentia quæ est virtus. Entendons que le repentir, quoi qu’il en soit du sacrement où il s’intègre, est de nécessité de moyen pour l’adulte qui a péché. Cette doctrine, si conforme à la tradition, se justifie rationnellement par la considération de la nature du péché dont l’élément essentiel est Vaversio a Deo, à quoi doit correspondre, de toute nécessité, chez celui qui se repent, une conversio ad Deum. Dès lors, il va de soi que cette conversio implique aversion de tout ce qui offense Dieu gravement, ce qui justifie la réponse à la question posée à l’article 3 : utrum possit per pœnitentiam unum peccatum sine alio remitti ? Il est de toute évidence, dit saint Thomas, que c’est là une impossibilité. Et il fait appel à la doctrine suivant laquelle le péché mortel n’est remis que par l’infusion dans l’âme de la grâce, laquelle est incompatible avec la présence de quelque autre péché grave. Même précision pour ce qui concerne les péchés véniels : sans repentir, pas de rémission de ces fautes, encore qu’il ne soit pas nécessaire que l’attention du coupable se porte de manière explicite et actuelle sur chacune d’entre elles pour les regretter. Il suffit d’une virtualis displicentia, entendons ce sentiment général qui fait regretter à l’âme tout ce qui la retarde dans son mouvement vers Dieu, en même temps qu’il lui inspire le dessein de diminuer, autant qu’il est en elle, les fautes de l’avenir. Q. lxxxvii, a. 1, corp. et ad lum.

La question lxxxviii revient avec quelque ampleur sur un problème que, depuis le début du xiisiècle, se transmettent fidèlement les scolastiques et qui avait abouti à certaines solutions pratiques, celui de la reviviscence des péchés. Une nouvelle faute survenant après le pardon obtenu efïace-t-elle les effets de celui-ci, en sorte que l’âme se retrouve coupable aussi bien des fautes anciennes que de la nouvelle ? A voir l’ampleur que saint Thomas apporte à la discussion de ce problème, on se rend compte de la place qu’elle tient dans les discussions d’école. Nous ne nous y arrêterons pas néanmoins, car elle se rapporte bien davantage à une théorie du péché qu’à une doctrine de la pénitence. Plus intéressante serait, à première vue, la question lxxxix sur les effets de la pénitence relativement à la récupération des vertus : de virtutum recuperatione per pœnitenliam. Seulement la question est résolue, si l’on ose dire, de manière un peu simpliste par la doctrine des habitus infus. Rien, ou à peu près, des belles analyses psychologiques que nous avons rencontrées dans les Pères sur la joie que procure le repentir, sur les forces nouvelles que rend à l’Ame la certitude du pardon et le désir de

réparer. C’esl aux écrivains spirituels qu’il faudrait s’adresser pour retrouver des développements équivalents.

Il faut se borner a ces trop brèves Indications.

Mil’- que nous la trouvons à la fin du xiir liède, la théologie de la pénitence est arri

., ce résultai :

elle traite fort abondamment du repentir en tant que

ni’i. ii THÉoL r.ATllob

partie du sacrement ; sur ce point, elle arrive à la plupart des précisions que nous considérons aujourd’hui comme acquises. On voit même s’insinuer chez elle des préoccupations relatives aux effets respectifs de la contrition et de l’attrition. Voir ce qui sera dit plus loin à propos du sacrement. Pourtant, un certain nombre de théologiens, et non des moindres, ont fait une étude directe du repentir considéré pour lui-même. Le traité de la pénitence se constitue avec ses deux parties classiques : pénitence-vertu, pénitencesacrement.

V. Doctrine de l’Église : le concile de Trente.

— Ce double aspect se retrouve dans l’enseignement officiel proposé par l’Église catholique au concile de Trente, et qu’il faut chercher tant dans la session vi, De justificatione, que dans la session xiv, De sacramento pœnitentiæ. Cette doctrine a été explicitée pour répondre aux attaques protestantes.

1° Attaques des réformateurs contre la doctrine traditionnelle du repentir. — Ces attaques, à vrai dire, visent moins le concept traditionnel du repentir que des notions connexes : d’abord, les doctrines ecclésiastiques sur les sacrements en général et le sacrement de pénitence en particulier, dont nous ne nous occuperons pas ici ; ensuite, la notion même de la justification dont le repentir est, pour l’adulte, la condition préalable. Tout ceci a été étudié d’une manière fort complète à l’art. Justification, t. viii, col. 21312154. Marquons seulement ici les critiques adressées par les réformateurs à l’enseignement courant de l’Église sur la pénitence, et les vues qu’ils prétendent substituer aux idées traditionnelles.

Les critiques, du moins au début, s’adressent moins à l’enseignement des docteurs qu’aux façons plus ou moins populaires et courantes dont celui-ci est interprété. Par la force même des choses, étant donnée la place que la « confession » a prise dans la vie chrétienne depuis le Moyen Age, la prédication relative au repentir se porte avant tout sur le sacrement ; c’est surtout à propos de la confession que l’on en traite. Amener les fidèles à une confession exacte, s’orientant dans le sens de la satisfaction et d’une satisfaction souvent conçue de manière fort tangible (aumônes, pèlerinages, etc.), c’est à quoi vise l’enseignement populaire. De là à négliger en certains cas l’aspect intérieur de la pénitence, il n’y a qu’un pas. De tel sermon les auditeurs ont dû retenir que la conversion est surtout leur affaire personnelle : Qu’ils établissent avec un soin minutieux la liste de leurs fautes, qu’ils soumettent cette liste à l’appréciation du prêtre, qu’ils se mettent en devoir d’exécuter les « œuvres » imposées par celui-ci comme satisfaction, et ils ont la certitude du pardon. Peut-être n’a-t-on pas suffisamment attiré leur attention sur des sentiments plus intérieurs, plus délicats, dès lors plus difficiles à expliciter pour les natures un peu frustes et qui, pourtant, constituent l’Ame même de la pénitence au jugement des docteurs. Terrorisées par la crainte de la damnation éternelle, les âmes trouvent la paix dans l’accomplissement exact, ponctuel d’un certain nombre de gestes extérieurs. De telles insuffisances ne sont pas spéciales au xvie siècle. En forçant la note, il n’est pas difficile de critiquer avec âpreté les pratiques courantes, de les interpréter comme la traduction de l’enseignement officiel de l’Eglise. C’est ce qu’ont fait les novateurs, et leurs objections visent moins, en définitive, la notion de pénitence que celle de la justification par les « œuvres ». Voir en particulier un sermon de Luther sur la pénitence (1518) dont la bulle / > surge et le concile de Trente citent un passade pour le condamner. Éd. de Wcimar. t i. p. 31’. » sq.

A quoi la notion même de justification, telle que Lutherie conçoit, invite à substituer un concept tout

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