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PÉ N IT E NC E -RE P E NT IR. LES SCOL A ST I Q I ES

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2. Hugues de SaintVictor († 1141) a réuni, dans son De sacramentis, t. II, part. XIV, P. L., t. ci.xxvi, col. 549-578, la réponse aux diverses questions sur la pénitence qui se posaient de son temps. Or, cette partie est intitulée : De eonfessione et [> ; enitentia et remissione peccatorum et elle s’ouvre par le chapitre : De con/essione et prsecepto ejus. C’est assez dire que, dans sa pensée, pénitence évoque naturellement l’idée de confession. Il en est de même de la Summa sententiarum mise sous le nom du même auteur et qui doit être vraisemblablement attribuée à Hugues de Mortagne, vers 1155. Texte dans P. L., t. clxxvi, col. 146 sq. La partie qui traite de la pénitence est introduite par ces mots : Sacramentum pœnitentiæ redeuntibus ad Deum semper est necessarium.

3. Un peu avant cet écrit, Pierre Lombard (f vers 1160) donne à la série de questions soulevées depuis le début du siècle autour de la pénitence son ordre quasi définitif. Les « distinctions » sur la pénitence s’insèrent dans le I. IV des Sentences entre celles qui sont relatives à l’eucharistie et celle qui traite de l’extrême-onction, ordre préférable à celui du De sacramentis, lequel est loin de donner satisfaction à la logique. On notera que le Lombard commence par poser quelques généralités sur la pénitence. Dist. XIV, c. i et ii, édit. de Quaracchi, t. ii, 1916, p. 819-824. Il y marque nettement que le mot de pénitence désigne à la fois et le sacrement et la vertu : Est enim pœnitentia inlerior et pœnitentia exterior : exterior sacramentum est, inlerior virtus mentis est ; et utraque salulis causa est et justificationis. On verra, dans l’édition de Quaracchi, le relevé exact des citations patristiques ; rien ne serait plus intéressant que l’étude de ces références, dont il faudrait se demander par quels intermédiaires elles sont venues jusqu’ici. C’est seulement après avoir ventilé ces généralités aux dist. XIV et XV, que le Lombard aborde, à la dist. XVI, ce qui regarde proprement le sacrement : In perfectione autem pœnitentiæ tria observanda sunt, scilicet compunctio cordis, confessio oris, satisfactio operis. Remarquer que les développements qui suivent sont surtout empruntés au pseudo-Augustin, mais il y reste encore un certain nombre de textes patristiques dont l’authenticité n’est pas douteuse.

4. Il vaudrait la peine de comparer, paragraphe pour paragraphe, avec cette présentation du sujet qui va devenir classique celle qui se développe dans les Sententiarum libri quatuor de Gandolphe de Bologne. Édition J. de Walter, Vienne et Bratislava, 1924. Le traité De pœnitentia s’insère entre celui de l’eucharistie et celui de l’ordre (l’extrême-onction n’est pas traitée ex professo), du § 137 au § 197, p. 458-498 ; les deux points de vue de la pénitence-repentir et de la pénitence-sacrement ne sont pas aussi nettement distingués que dans le Lombard et il y a de curieux phénomènes de récurrence, mais on demeure surpris de la variété des questions posées et de l’à-propos des solutions données. Remarquer surtout l’importance accordée à la pénitence en tant qu’elle inflige au coupable une peine, § 138-145 : Dupliciter pœnitentia dicitur, scilicet humiliatio vel voluntas ex qua libenler in se punit peccatum, et pœna quam patitur quis secundum Ecclesiæ præceplum, p. 463-464. Voir aussi le § 157 : Utrum illis qui in paribus peccalis prius fuerunl et postea œqualem carilatem habent sed alter tantum pro peccato punitur, œqualiter peccatum dimiltatur, où l’auteur conclut en s’appuyant sur un texte authentique d’Augustin : nihil dimittitur de pœna palienti propter pœnam quam patitur, quod non dimiltatur non patienti propter solam carilatem quam habet, p. 471472. Le § 161 exprime clairement le point de vue qui est dominant au Moyen Age : Sine cordis contritione et fide opérante per dileclionem et Dei dilectione, nulli

adulto peccatum posse remitli, p. 171. Cette valeur de la contrition pour remettre le péché n’empêche j » : is l’auteur d’affirmer la nécessité de la confession, j 163, et ceci nous introduit à la pénitence considérée comme sacrement ; sur cette question nous reviendrons abondamment. Mais la première partie du traité a surtout développé le point de vue des effets du repentir.

5. Les Sentences de Roland Bandinelli (le futur pape Alexandre III, + 1181) nous maintiennent dans la même atmosphère. Édit. Gietl. I-’ribourg-en-B.. 1891. A la vérité, l’ordre des questions est quelque peu surprenant. Elles s’accrochent aux développements relatifs à l’eucharistie par une petite dissertation sur la pénitence, p. 237-255 ; mais, comme la pénitence a pour effet d’exclure de l’âme les vices et d’y faire revenir les vertus, un développement est consacré aux vices et aux vertus, p. 255-261 ; suit le sacrement d’extrême-onction, p. 261-264, et seulement après les questions relatives au pouvoir des clefs, p. 264-269. Du moins, cet apparent désordre a-t-il l’heureux résultat d’isoler assez nettement ce qui est relatif au repentir considéré comme tel. C’est à quoi se rapportent, en somme, les trois premières questions : 1. Quid sit pœnitentia ; 2. Utrum sil pœnitentia quam cutpa comitatur ; 3. Utrum quis possit, agere pœnilentiam de uno mortali existendo in alio. Au contraire la question suivante : Utrum sola cordis contritione peccata remittantur, fait intervenir le point de vue sacramentel avec la curieuse distinction entre les effets respectifs de la contrition et de la confession.

En résumé, la théologie du xiie siècle introduit surtout les questions relatives à la pénitence à propos du sacrement. C’est en tant que le repentir est la partie essentielle de celui-ci qu’il fait l’objet des investigations des docteurs. Cela revient à dire que les questions soulevées se rapportent davantage à la « contrition » qu’à la « pénitence ». Il nous suffira donc de renvoyer à ce qui est dit à l’article Contrition, t. iii, col. 1673, 1677, 1679, 1683, 1685, sur la naturela nécessité, les conditions, l’efficacité de cet acte.

Les Summistes.

L’étude des grands scolastiques

du xme siècle ajouterait, nous paraît-il, des considérations quelques peu nouvelles. Notons, en effet, que saint Thomas a consacré plusieurs questions spéciales à la pénitence en tant que vertu, Sum. theol., Illa, q. lxxxv sq., amorçant par là les développements extrêmement considérables que les théologiens ultérieurs et notamment les nouveaux scolastiques des xvr 3 et xviie siècles consacreront à ce point de vue. Toutes ces questions seront étudiées en détail dans la 3e division de l’art. Pénitence-sacrement, où l’on envisage le repentir en tant qu’il est une partie essentielle du sacrement.

La question lxxxv de la III a pose tous les problèmes relatifs à la nature du repentir et les résout de la manière qui deviendra classique : la pénitence est une vertu, une vertu spéciale, qu’il faut rattacher à la justice ; c’est dans la volonté qu’il faut en chercher le siège, plus que dans l’appetitus (traduisons la sensibilité ou l’émotivité). Que si l’on veut analyser les divers motifs qui en inspirent les actes, il faut mettre au point de départ les mouvements de l’âme inspirés par la foi ; la foi qui se réveille dans le pécheur ne peut que lui causer de la crainte, en lui faisant entrevoir le jugement que Dieu porte contre les coupables ; cette crainte « servile » n’est pas cependant de telle nature qu’elle puisse exclure l’espérance du pardon, et, dès lors, surgit dans l’âme un mouvement de charité, qui lui fait détester le péché non plus seulement à cause des supplices qu’il mérite, mais parce qu’il est offense de Dieu ; à quoi s’ajoute le sentiment de crainte « filiale » : par respect et par amour pour Dieu, le pécheur accepte, en toute soumission, le