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PÉLAGIANISME. LE CONCILE DE DIOSPOLIS


prologue au VIe livre du Commentaire sur Èzéchiel, saint Jérôme avait signalé la réapparition de l’hydre hérétique, P. L., t. xxv, col. 165 ; en 414, il mettait Démétriade en garde contre « cette doctrine impie et scélérate », Epist., cxxx, P. L., t. xxir, col. 1120 ; en 415, dans le prologue de son premier livre sur Jérémie, il revient sur le même sujet et attaque Pelage qui avait critiqué son Commentaire sur l’épître aux Éphésiens et le traite de calomniateur ignorant, lui reprochant de marcher sottement sur les traces de Rufln et de Jovinien. P. L., t. xxiv, col. 680 sq. Mais il réfute surtout les erreurs nouvelles dans une longue épître adressée en 415 à un certain Ctésiphon, riche Romain partisan de Pelage. Epist., cxxxiii, P. L., t. xxii, col. 1147-1161.

Voulant satisfaire son correspondant qui demande à être éclairé, Jérôme dénonce une doctrine qui réunit les poisons de toutes les hérésies (col. 1148), y compris celles d’Origène et de Jovinien, qui admet l’àTOx9eia et l’àvxfj.apT7)<rioc des stoïciens et il l’écrase sous une avalanche de textes bibliques où se complaît son érudition. Il lui reproche surtout la doctrine de l’impeccabilité qui procède de l’exagération du rôle du libre arbitre ; il rappelle le Gralia salvi facti estis, Eph., ii, 8, et soutient la nécessité du secours de Dieu : ipsum liberum arbitrium Dei nititur auxilio, illiusque per singula ope indiget, quod vos non vultis ; sed id vultis, ut qui semel habet tiberum arbitrium, Deo adjutore non egeat, col. 1158. Il se gausse de Rufln qui a traduit en latin un texte de Sixte le Philosophe qui concorde avec Pelage, en l’attribuant au saint martyr, le pape Sixte. Il termine en déclarant qu’il a jusqu’ici ménagé les personnes en ne prononçant aucun nom, mais, si l’on a l’audace de manifester de la colère et de lui répondre, il se réserve de faire des blessures plus profondes.

Cette menace n’allait pas tarder à se réaliser. Bientôt, préoccupé de sentir Pelage exercer son prestige sur plusieurs des saintes femmes retirées dans la Ville sainte et rechercher la protection de Jean, évêque de Jérusalem, il se décida à publier contre le novateur trois dialogues acérés (415). Dialogi adu. pclagianos, P. L., t. xxiii, col. 495-590. C’est entre la lettre à Ctésiphon et les Dialogues que se place l’arrivée en Palestine d’Orose. Celui-ci apportait le De peccatorum meritis d’Augustin, mais il faut penser que le siège de Jérôme était fait quand il reçut le livre del’évêque d’Hippone : son argumentation se meut tout à fait en dehors des idées développées par l’ouvrage en question et reste dans la ligne de la lettre à Ctésiphon.

Ce nouveau traité prend, au moins dans le début, la forme vivante d’un dialogue entre le catholique Atticus et l’hérétique Critobule. Pelage accorde à l’homme tout ce que les ariens refusent de reconnaître au Fils de Dieu. Dial., t. I, n. 20, P. L., t. xxiii, col. 51 I Jérôme lui reproche d’avoir enseigné à Juliana, mère de Démétriade, cette prière orgueilleuse : Tu mini nosti, Domine, quam sanctæ, quam innocentes, quam parie sint ab omni fraude et injuria et rapinn, quas a<l te expando manus : quam justa, quam immæulata labia, et ab omni mendacio libéra, quibus tibi, ut mihi miscrearis. preces fundo, et il déclare que c’est la prière d’un plia nsien, non d’un chrétien. Dial., I. III, n. ii, col. 583

Il l’incrimine d’avoir écrit au Liber eclogarum ex diolnis Scrlpturls, ces paroles :.Sine peccato esse non posse, nisi qui srientiam Irqis habuerit, ce qui n lent i exclure de la jusl ice le plus grand nombre des chrétiens, d’avoir dil : Scienliam Irr/is eticun jeminas haberr deberc. «  « pu paraît contraire aux enseignements de saint Paul il Cor., xiv), et quod feminæ Deo psallere debeant. Il dénonce une contradiction entre celle assertion : Servum Dei nthil amarum <lr ore sao, srrf temper quod ttulce ett ri siinrr tlrherr profem, et i et Ie.oïl 1 1 : Sacei tioe doeforem omnium </</ ; /- tpeculari debtre, et

fiducialiler corriperc peccantes ne pro iisdem ralionem reddat et eorum sanguis de suis manibus requiratur. Dial., t. I, n. 25-26, col. 519.

Il l’accuse d’aduler la veuve Juliana, quand il lui écrit : O te felicem nimium, o beatam, si justitia quæ esse jam non nisi in cselo creditur, apud te solam inveniatur in terris ! et le saint docteur ajoute : « Ceci est-ce instruire ou assassiner ? Est-ce soulever de terre ou précipiter du ciel, que d’attribuer à une femme ce que les anges n’osent usurper ? » Il conclut : « Si la piété, la vérité et la justice ne résident sur terre que dans cette seule femme, où se trouvent donc tes justes que tu déclares être sans péché ? » Dial., t. III, n. 16, col. 586.

Jérôme termine en disant : « Il y a longtemps que le saint et éloquent pontife Augustin a écrit contre ton erreur plusieurs livres… On dit qu’il en compose d’autres encore. Je ne veux pas qu’on me rappelle le vers d’Horace « Ne portez pas le bois à la forêt. » Ce que je pourrais ajouter, ce brillant génie l’a dit mieux que moi. » Dial., t. III, n. 19, col. 589.

Cette réflexion était beaucoup plus vraie que ne le pensait sans doute Jérôme. Comme en d’autres ouvrages polémiques sortis de sa plume, il s’est ici montré inhabile à saisir exactement la pensée de l’adversaire, a foncé droit devant lui sans aucune précaution, et n’a fait aucune des distinctions que le sujet comportait. La nécessité d’un secours divin, même pour des actes de l’ordre strictement naturel (il confond ce que nous appelons le « concours divin » avec la grâce surnaturelle) n’est pas commandée chez lui par la notion du péché d’origine ; c’est de raisons toutes psychologiques (multitude des préceptes, lassitude, impossibilité de continuer longtempsl’eflort), et nonpoint de la déchéance primitive qu’il déduit l’impossibilité de ràva[i.ocpTY)aia. Celle-ci est, en définitive, alïaire de nature. Quelques-uns de ses développements frisent le paradoxe et il y a sur l’impeccabilité de la sainte humanité du Christ des remarques au moins inattendues. Voir I. II, 14, col. 550 AB ; 17, col. 552-553, et surtout III, 2, col. 570, où l’on aimerait trouver autre chose que la simple citation de VÉvangile des Nazaréens.

En définitive, cet opus lumultuosum fait contraste avec le 1. II du De peccatorum meritis et rémission*-Son allure polémique et son érudition un peu brouillonne n’étaient pas faites pour clarifier les questions.

2° Synode de Jérusalem quillet 415). — Les esprits étaient troublés par ces discussions. Jean dut soumettre la doctrine de Pelage à une réunion de prêtres. Cette réunion nous est connue à peu près exclusive ment par Orosc, Liber apologet., n. 3-8. Quelques renseignements aussi dans le De geslis Pelagii d’Augustin, n. 37. Jérôme ne fut pas convoqué. Il n’y eut pas d’ailleurs de procédure régulière ; en particulier, il n’y eut pas d’acte d’accusation déposé contre Pelage. Prié de fournir des renseignements sur ce qui s’était passé en Afrique, Orosc, avant l’entrée en séance de Pelage, communiqua la lettre de saint Augustin a Ililaire de Svracusc, contenant un résumé des doctrines incriminées, ainsi que la condamnation de Célestius par le concile de Cartilage. Il mit aussi rassemblée au courant de la Composition par August in du De natiwa, écrit en réponse au livre de Pelage que Timasius et Jacques avaient remis à celui-ci.

Pelage introduit ensuite et interrogé sur ces divers points soutint que l’homme peut vivre sans | et Observer facilement les préceptes divins. Mais il ajouta prudemment : « non pas toutefois sans le Secours divin ». Orose manquait d’habileté dans l’attaque. On se comprenait mal. la discussion se

faisant pai interprètes. Alors, croyant remarquer la mauvaise volonté de Jean, orose demanda, puisque

ni Latin ainsi que ses adversaires, qu’on