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PELAGE II


d’une condamnation. Sans doute, le jugement des légats romains avait porté essentiellement sur la personne d’Ibas, mais cette reconnaissance de l’orthodoxie de l’inculpé, après lecture même de la pièce sur laquelle les adversaires d’Ibas l’accusaient, ne laissait pas de couvrir, jusqu’à un certain point, la lettre elle-même. Le pape Vigile, dans son deuxième Constitutu.ni (23 février 554), s’était avisé d’un biais assez étrange. Il avait soutenu, dans les interminables développements qui constituent la majeure partie de cette pièce, que la lettre lue à Chalcédoine et dont la lecture avait fait reconnaître l’orthodoxie d’Ibas, n’était pas le document dont Justinien pressait la condamnation, mais une pièce toute différente de celle-ci. Quoi qu’il en soit de la vraisemblance de cette échappatoire, la chancellerie pontificale ne semble pas s’y être tenue. Il en subsiste à peine une trace dans le mémoire de Pelage II. Au contraire, on fait état dans celui-ci d’un moyen juridique que l’on pensait plus efficace. La réintégration d’Ibas avait eu lieu à la xe session de Chalcédoine. Or, dit Pelage II, l’œuvre dogmatique du concile était terminée avec la vie session ; à partir de la viie, il ne s’agit plus que de canons disciplinaires ou de causes personnelles, rien de tout cela n’est couvert par l’approbation qu’avait donnée le pape Léon aux définitions du concile. Pas plus que d’autres questions qui furent alors réglées, l’affaire d’Ibas ne peut être considérée comme engageant la responsabilité du Siège apostolique. La lettre incriminée peut être aujourd’hui déclarée hétérodoxe, sans que l’on compromette par là l’autorité de Chalcédoine et de Léon. Elle peut l’être, elle doit l’être ; ses affirmations capitales, celles particulièrement qui visent l’orthodoxie et l’honorabilité de Cyrille sont en contradiction essentielle avec les décisions d’ensemble du concile.

Le cas de Théodoret se résout de manière encore plus simple. Car ni Pelage, ni ses prédécesseurs, ne condamnent tous les écrits de l’évêquc de Cyr, mais seulement ce qu’il a écrit contre les anathématismes cyrilliens et ce qu’il a pu écrire contre la foi. Ici Pelage II reprend sensiblement les expressions du deuxième Conslitutum de Vigile. Cf. Acla conc. œcum., vol. cit., p. 167, lig. 32 sq. Mais Vigile n’avait motivé que d’une façon très générale sa condamnation, du moins dans le texte tel qu’il nous est conservé ; Pelage, lui, apporte une série de citations de Théodoret destinées à montrer l’hétérodoxie des écrits réprouvés. Cis textes sont les mêmes qui figurent dans le recueil attribué jadis à Marius Mercator et qu’il convient de désigner aujourd’hui sous le nom de Colleclio Palatina. Voir art. Marius Mercator, t. ix, col. 2482 sq. Quoi qu’il en soi ! de la signilicat ion réelle de ces propos qui ne manifestent guère, en somme, qu’un dyophysisme un peu trop poussé, le pape conclut son énumération par ces mots : Quis hac, fratres carissùnt, plenaomni impietaie non videal ? Il veut bien, cependant, enregistrer, à l’éloge de Théodoret, qu’il a condamné à Chalcédoine ses erreurs passées, et que plusieurs de ses écrits, ne serait-ce que ! < commentaire sur le Cantique, peuvent rendre service a l’orthodoxie dans la lutte contre Théodore de Mopsueste. l’.n définitive, dit le pape : Dum rjus rt personam recipimut ri ea qust dudum lalueruni praoe scripta reprobamus, in nullo u lanclse synodt actione deoiamus, quia sola rjus tuerelica teripta respuenles et cum synodo adhuc Nestoriutn (rue i/iiiinur et cum synodo Theodorllum proftlentem recta veneramur. Ibid., p. 131, lig. I.

Lea derniers paragraphe* du mémoire pontifical sont destinés a répondre a des objections que les |i d’Aquilée avaient soulevées de vive voix. Sans apporter d’autres preuves. <ciix « i avaient affirmé

DICT. DE THÉOI I i » " !..

que Théodore était lavé par une lettre de Jean d’Antioche qui prononçait son éloge. Nous n’en croyons rien, déclare Pelage. Admettons-le pourtant. Qu’y a-t-il d’étonnant que Théodore ait été loué sur quelque point à une date où son impiété n’était pas encore découverte ? N’avons-nous pas un cas parallèle dans celui d’Eusèbe, « le plus honorable des historiographes », louant presque sans réserve Origène, « le pire des hérésiarques » ? Grégoire de Nysse et Jérôme n’ont-il pas loué ce même Origène ? Sed quia plus causa quam verba pensanda sunt, nec istis (Eusèbe, Grégoire, Jérôme) sua benignilas nocuit, nec illum (Origène) a reatu proprio favor aliénée adtestationis excusavit. P. 131, lig. 36.

Tel est ce document, un des plus curieux et des plus importants qui soient émanés du Siège apostolique, en cette fin du vr 3 siècle. Il témoigne à sa manière des préoccupations que laissaient à Rome les séquelles du Ve concile et de la crise à laquelle il avait donné lieu. Les invitations à l’unité que prodiguait Pelage II aux schismatiques d’Aquilée restèrent, cette fois encore, sans effet. Ne pouvant réussir par la douceur, on essaya de la manière forte. L’exarque Smaragde intervint et molesta Élie d’Aquilée. Celui-ci porta plainte au basileus, qui ordonna à l’exarque de ne plus inquiéter les évêques dissidents. Élie mourut peu après (587), et fut remplacé par Sévère. Ces détails nous sont donnés par une pétition adressée ultérieurement à l’empereur Maurice par les évêques d’Istrie. Acta conc. œcum., t. iv, vol. 2, p. 132-136. Ce même document nous renseigne aussi sur les tribulations qu’eut à endurer, de la part du même Smaragde, le nouveau titulaire de Grado. Toute une procédure fut entamée contre lui. Voir Chronicon Vcnetum, P. L., t. cxxxix, col. 884 ; on réussit même, l’ayant emmené à Ravenne, à lui faire accepter la communion de l’archevêque de cette ville (indirectement donc la communion du Saint-Siège), ce qui lui attira d’assez sérieux ennuis quand il rentra en Istrie. Nous ignorons la part que prit à tout ceci le pape Pelage 1 1 ; l’affaire n’était pas terminée quand il mourut, et son successeur, saint Grégoire, aura encore à s’en occuper. Voir Jaffé, n. 1085. Celui-ci fut d’ailleurs invité par l’empereur Maurice à laisser en paix les schismatiques. Texte de ce rescrit dans Acta conc. œcum., ibid., p. 136 ; Mon. Germ. hist., Epist., t. i, p. 21 sq. Il s’y iésigna difficilement et profita l’année suivante, 592, d’une conjoncture favorable pour présenter à nouveau aux Istriens la lettre de Pelage IL Jaffé, n. 1203. Ses arguments réussirent, peu à peu, à désagréger le bloc des schismatiques.

Sur un autre point encore, Grégoire continuera une action engagée par son prédécesseur. Il s’agit du titre de patriarche œcuménique qu’avait pris l’archevêque de Constantinople Jean le Jeûneur. Sur l’incident lui même, nous ne sommes renseignés que par la lettre même de Grégoiie adressée à ce prélat. JafTé, n. 1357 ; texte dans P. L., t. i.xxvii, col. 738 sq. La lettre de Pelage a Jean de Constantinople, Jaffé, n. 1051, P. /… t. i.xxii. col, 738-744, est un faux isidorien. Le successeur de Pelage s’exprime en ces tenues : Hac de. re (sur l’usurpation de ce titre) sanctte mémorise decessorts met Pelagil <jr<wia ad sanctitatem uestram scripta transmissa sunt. In quibus sytvodi, quæ apud

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causa congregala est, propter nefandum elationis i bulum, acta dtssolvlt, ri archidiaconum, quem fuxla riKirrm ad vestigla domtnorum transmtserat, missarum vobiscum solemnia celebrare prohibitif. En définitive, les pièces de la procédure entamée a Constantinople

contre un évêque oriental avaient été eUVOVél Rome, sans (Imite a la suite d’un appel régulier de

l’intéressé < omme l’archevêque de Constantinople y

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