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PÉCHÉ ORIGINEL. LA THÉOLOGIE RUSSE


mêmes enfants, pour entrer dans le royaume de Dieu.

D’autres théologiens nient franchement que la corruption de la nature, causée par le péché d’Adam et transmise parla génération, soit réellement un péché avant le consentement libre à la concupiscence mauvaise. D’après eux, nous naissons misérables plutôt que pécheurs. Le péché d’Adam, à lui seul, ne suffirait pas à nous mériter la damnation, si nous ne donnions pas un libre consentement à ce qu’ils appellent l’héritage peccamineux transmis par la génération. Cet héritage est dit peccamineux non qu’il soit un péché proprement dit, mais parce qu’il est une peine du péché commis par notre premier père. Ainsi parle A. Kremlevskii, dans son ouvrage intitulé : Le péché originel d’après l’enseignement du bienheureux Augustin, évêque d’Hippone, Pétersbourg, 1902, et aussi dans l’article Péché originel ( Griekh pervorodnyi) de l’Encyclopédie théologique orthodoxe russe, t. iv, col. 771-774. Cet auteur, à l’exemple de certains protestants rationalistes, accuse expressément saint Augustin d’avoir inventé le péché originel proprement dit, parce qu’il a entendu à contresens le mot àu.apTta dans l’épître aux Romains. P. Svietlov, dans son Cours de théologie apologétique, Kiev, 1900, p. 200-204, après s’être exprimé d’une manière orthodoxe sur le péché originel et ses suites, comme le font les théologiens qui ne cherchent pas à expliquer le mystère de la transmission, déclare, lui aussi, qu’il y a parité entre le mode de transmission du péché originel et le mode d’application de la rédemption à chaque individu : L’héritage peccamineux venu d’Adam ne nous conduirait pas à la damnation sans notre libre participation à la faute du premier homme. Nous ne devenons vraiment coupables devant Dieu qu’en consentant à la concupiscence désordonnée, suite du péché.

Il restait à faire un pas de plus dans la voie de l’hétérodoxie en supprimant le lien nécessaire qui unit le péché d’Adam à l’état de déchéance physique et morale dans lequel nous naissons, et en assignant à celui-ci une autre cause. Ce pas a été fait dernièrement par Antoine Kbrapovitskii, ancien métropolite de Kiev, aujourd’hui chef d’une des Eglises russes qui se disputent la juridiction sur les Russes dispersés hors de Russie. En 1924, il a publié, à Carlovitz. où il réside, une revision du Catéchisme détaillé de Philarète sous le titre : Opyt khristianskago pravoslavnago Icatikhizisa (Essai de catéchisme chrétien orthodoxe). A l’explication de l’article 3 du Symbole, où il est question du péché originel, il a ajouté trois demandes et réponses ainsi conçues : Q. « Est-il conforme à la justice de Dieu que nous soyons nés de parents pécheurs et que nous portions en nous-mêmes leur condamnation ? — H. Notre naissance d’ancêtres pécheurs n’est pas la cause un Ique de notre état peccamineux : Dieu, en effet, savait que chacun de nous pécherait comme Adam a péché, ri c’est pourquoi nous apparaissons comme ses descendants. » Q, Quelle utilité retirèrent nos premiers parents de la perte de Ifl félicité du paradis, des maladies, des douleurs et de la mort auxquelles ils furent soumis ? H. Ces

rond it ions misérables de la vie lerrestre humilièrent

nos premiers parents, el ils moururent Justifiés, dans l’espérance d’une vie meilleure par la rédemption. » Q. N’est-ce pas dans le même l mi t que le Seigneur fl décrété notre apparition dans cette vallée de lu mes ? R, Prévouant que chacun </< nous Imiterait la licence d’Adam, l>iru nous revit, dis notre naissance,

d’une nature malade, mortelle et caduque, c’est « dire

sujette aux inclinations peccamineuses, par lesquelles nous faisons l’expérience de notre vileté et nous nous

maintenons dans V humilité. Op. cit., p 38 La raie

pensée d’Antoine sur le péché origine] se manifeste encore par d’autres petits changements Introduits,

au même endroit, dans le texte de Philarète. Celui-ci par exemple, indiquait comme effets du péché d’Adam la mort et la malédiction. Antoine a supprimé le mot malédiction, qui est, comme nous l’avons vii, un des termes par lesquels les Byzantins désignent fréquemment le péché originel. De même, dans la traduction slave du passage de l’Apôtre : In quo omnes peccaverunt, il a pris soin de noter qu’il fallait entendre : « Parce que tous ont péché », et non : « en qui (Adam) tous ont péché. »

Ces explications audacieuses du péché originel ont soulevé des protestations dans les milieux orthodoxes, russes et autres, et l’on dit que tout dernièrement Antoine aurait désavoué ses additions au Catéchisme de Philarète. Cf. M. d’Herbigny-Deubner, Évêques russes en exil, dans Orientalia christiana, t. xxi, 1931, p. 256. Il est néanmoins curieux de constater que ces théologiens russes contemporains, qui ont découvert des traces de pélagianisme dans la théologie catholique, en soient arrivés à enseigner l’erreur même de Pelage en donnant du péché originel des explications qui équivalent à la négation même de ce péché, tel que l’Église l’a toujours entendu.

Disons, en terminant, que la plupart des théologiens russes contemporains interprètent la doctrine de saint Augustin, sur le péché originel, à la manière des protestants et des jansénistes. D’après eux, le saint docteur aurait enseigné que le péché originel a corrompu la nature humaine au point de lui enlever le libre arbitre. Ainsi parlent Philarète Goumilevskii, op. cit., t. i, p. 220 en note ; S. Malevanskii, op. cit., t. iii, p. 453-455 ; N. Malinovskii, op. cit., t. i, p. 385, et surtout A. Kremlevskii, op. cit., p. 122 sq., qui, nous l’avons déjà dit, accuse saint Augustin d’avoir inventé le péché originel. Le saint docteur, cependant, a trouvé un défenseur et un apologiste en la personne de Léonide Pisarev. Cet auteur, dans son ouvrage, intitulé : Doctrine du bienheureux Augustin ; évêque d’Hippone, sur l’homme dans sa relation avec. Dieu, Kazan, 1894, déclare la doctrine de l’évêque d’Hippone conforme à celle des Confessions de foi du xviie siècle. A. Burgov, op. cit., p. 38 sq., conclut aussi qu’Augustin n’a nullement « inventé » le péché originel, mais a mis en plus vive lumière ce dogme déjà clairement enseigné par les Pères d’Orient et d’Occident.

IV. Sort des enfants morts sans raptême d’après les théologiens gréco-russes. — Proclamant l’universalité du péché originel et recevant les canons du concile de Carthage sur la nécessité du baptême pour le salut des nouveau-nés, les théologiens byzantins et gréco-russes modernes enseignent communément que les enfants morts sans baptême sont privés de la béatitude surnaturelle. A vrai dire, rares sont ceux qui s’occupent de cette question. Ceux-là s’en tiennent, en général, à la doctrine de saint Gré goire de Nazianze, Oratio, xl, 23, 1 (’, .. t. xxxvi. col. 389, qui est celle-là même qui prévaut parmi les théologiens catholiques : ces enfants ne parviennent pas à la gloire ou béatitude surnaturelle : mais ils sont exempts de tout châtiment positif : ’HyOU{MU to-Jtouç ir~c So^aoOrjŒoOott p.rjT£ xoXaa0T]o-eo-Oou.

C’esl la solution donnée par le célèbre cannnisle byzantin du xiire siècle, Démétrius Chomatenus, archevêque d’Ochrida, dans une de ses réponses cane niques : L’enfant mort sans baptême ne sera passible

d’aUCUne peine au tribunal d’outre tombe, a cause de son Bge, mais, parce qu’il n’a pas été illuminé [c’est

i dire » ; iptisé| el n’a pas revêtu l’incorruptibilité, il

sera exclu du léjOUT et du rang de ceux qui Ont i<’U

le vêtement <iu baptême : A’.à |icv t/, v ^Xuctavèv xoîç èxeï Sucaornolotc. êaxai ivcoSuvov Sià Se t6 àqxo-nn-’ci. … ~r ; i -L^O-xpcrtav vjx f/aepi’iaïTO. tîjç Se |.iovf ( ç