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    1. PÉCHÉ ORIGINEL##


PÉCHÉ ORIGINEL. NAT1 RE

Dès lors, ht privation de la grâce comme telle, la mort spirituelle qui s’ensuit, la condamnation à ne pas

voir Dieu ne sont pas l’essence, mais la conséquence du péché originel, identifier de tout poinl la privation tic la grâce comme telle avec le péché originel sérail reconnaître que, chaque fois que le baptisé esi en état

<le péché mortel, par conséquent privé de la grâce, réapparaît le péché originel.

L’état de péché originel, pas plus en Adam qu’en sa postérité, ne peut consister d’abord dans la soustraction par Dieu d’un privilège (grâce sanctifiante ou intégrité primitive), mais bien dans un état de désordre des puissances morales de l’homme, déchues du fait de la volonté du chef de la race. La privation de la grâce est liée comme conséquence nécessaire au péché originel comme au péché actuel, quand il est mortel. L’amitié de Dieu étant rendue impossible par la faute de nature, Dieu nous retire sa familiarité féconde et, de ce fait, nous enlève les privilèges gratuits qu’il ne nous devait pas. La privation de la grâce est inséparable de l’état de péché originel, elle ne lui est point étrangère ; ce n’est point à dire qu’elle, en constitue l’essence.

Dans l’œuvre de restauration par le Christ, l’amitié de Dieu est rendue à la nature humaine déchue et, de ce fait, elle reçoit dans la justification, avec la grâce, la possibilité de s’orienter efficacement vers la fin surnaturelle, la faculté de mériter et d’atteindre la vision de Dieu. Ainsi, l’homme recouvre équivalemment et virtuellement la droiture surnaturelle.

La justice des origines, avec son exemption de la concupiscence, de l’ignorance et de la mort, n’est point dès le temps présent rendue à la nature. Mais la concupiscence perd son caractère d’élément matériel du péché qu’elle tenait de sa relation morale avec la volonté du chef de la nature humaine. Notre incorporation au Christ supprime cette relation et laisse la concupiscence dans sa réalité physique comme une infirmité, une épreuve et une peine salutaire qui provoque l’effort moral pour conquérir le ciel.

p) L’explication thomiste, si conforme soit-elle à la tradition ancienne et à la théologie du Moyen Age, ne peut être opposée au nom de la foi définie à une autre opinion soutenue par bon nombre de théologiens depuis Soto, déclarée même, mais à tort semblet-il, comme « sentence commune » par Tanquerey, l’opinion qui identifie privation de la justice originelle avec privation de la grâce sanctifiante.

On part, pour la soutenir, de l’analyse de ce qui se passe au baptême. Avec la privation de la grâce sanctifiante nous est enlevé tout ce qui a raison de péché originel, et nous est laissée la concupiscence. On en conclut, d’une part, que, si la concupiscence faisait partie, même seulement à titre secondaire, de l’essence du péché originel, elle devrait disparaître au baptême ; si elle ne disparaît pas, c’est qu’elle ne fait partie à aucun titre de la définition du péché originel ; d’autre part, que le péché originel s’identifie avec la privation de la grâce qui, seule, disparaît au baptême.

On peut répondre en distinguant entre la concupiscence comme telle, qui n’est qu’une suite du péché originel, et qui reste après le baptême, et la concupiscence qui, dans les non baptisés, dit une relation morale au péché d’Adam. Les Pères du concile du Vatican, invoqués par Tanquerey, en faveur de cette opinion, reconnaissent expressément toute liberté à l’opinion qui, en affirmant que la privation de la grâce a un lien nécessaire avec le péché originel, lient cette privation comme non étrangère à l’état de péché héréditaire. Les deux opinions en présence, laissant intact le dogme, sont libres et doivent être jugées d’après les raisons qu’elles avancent.

2. Fondement de celle doctrine.

L’idée dogmatique

du péché originel a sou fondement dans l’enseignement de saint Paul ; l’Apôtre montre en Adam la source du péché qui habite comme une puissance mauvaise dans l’humanité ; il oppose la justice que nous mérite le Christ par son obéissance à l’injustice dans laquelle le premier homme nous a constitués par sa désobéissance ; il insiste sur le lien étroit qui se noue entre cet état fautif de l’humanité et la concupiscence ou péché qui habite dans la chair.

Les anciens Pères, grecs et latins, ont surtout défini le péché originel par ses ellels les plus saillants : privation de l’immortalité et du don d’intégrité. Saint Augustin a particulièrement insisté sur le caractère peccamineux de la concupiscence, en tant que celle-ci est dans le non baptisé en relation avec le péché personnel d’Adam.

Cette doctrine des Pères sur la nature du péché originel peut être incomplète, insuffisante, inadéquate, susceptible de progrès ; elle n’est point fausse. La réflexion théologique de saint Anselme élabora, parla suite, cette tradition et présenta le péché originel comme l’absence, dans l’enfant, de la justice qu’il devrait posséder, mais dont il est privé par la faute d’Adam. A saint Thomas, à la suite d’Alexandre de Haies, revient l’honneur d’avoir approfondi et synthétisé le point de vue des Pères et celui de saint Anselme, d’avoir hiérarchisé les différents éléments du péché originel et de l’avoir saisi dans sa totalité et sa complexité. Oui, la concupiscence est un élément non négligeable de la définition adéquate du péché originel, car elle revêt dans le non baptisé un caractère peccamineux, en tant qu’elle est contraire au plan divin primitif et se trouve en relation morale avec le péché du chef de famille ; mais ce désordre moral dans les puissances inférieures n’est pas l’élément principal, il n’est que l’élément matériel du péché ; l’élément principal se trouve dans la privation de la droiture surnaturelle de la volonté qui doit commander aux sens. Lue fois l’ordre rétabli dans la volonté par la grâce, est rétabli suffisamment le lien de subordination et d’union primitive à Dieu. La concupiscence perd, dans le baptisé, son caractère peccamineux et demeure seulement une peine et une épreuve. La formule thomiste, loin de rien innover, ne fait qu’utiliser au mieux des éléments traditionnels pour donner une définition aussi approchée que possible du péché originel.

Marquer la différence profonde du péché originel par rapport au péché actuel, insister sur le caractère particulier du volontaire par solidarité qu’il implique, ce n’est point abolir le péché originel, c’est tout simplement remettre en valeur des vérités, jadis clairement affirmées et opportunes à redire à notre époque ; c’est reprendre la tradition du xme siècle.

3. Rapports de celle doctrine avec la raison.

Cette doctrine mystérieuse offre des difficultés ; Pascal les a reconnues : « Il est sans doute qu’il n’y a rien qui choque plus notre raison que de dire que le péché du premier homme ait rendu coupables ceux qui, étant si éloignés de cette source, semblent incapables d’y participer. Cet écoulement ne nous paraît pas seulement impossible, mais même très injuste : car qu’y a-t-il de plus contraire aux règles de notre misérable justice que de damner éternellement un enfant incapable rie volonté, pour un péché où il paraît avoir si peu rie part, qu’il est commis six mille ans avant qu’il fût en l’être. » Pensées, n. 4 : i I.

La meilleure réponse se trouve dans la notion catholique exposée plus haut, qui distingue l’état de péché transmis, de l’acte commis qui entraîne cet état.

L’acte d’Adam lui appartient à lui seul ; il en est seul responsable, il doit seul s’en repentir. C’est seulement l’état d’injustice spirituelle consécutif en Adam