Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.1.djvu/289

Cette page n’a pas encore été corrigée

563

    1. PÉCHÉ ORIGINEL##


PÉCHÉ ORIGINEL. LA RÉACTION ECCLÉSIASTIQUE

564

formel de celle corruption, prétend en effel Hermès, est tout entier dans la concupiscence désordonnée. Voir art. Hermès, col. 2298.

Celait revenir, dans une certaine mesure, à L’idée luthérienne condamnée, d’après laquelle la concupiscence est essentiellement coupable, OU à l’idée baïaniste que toute qualité interne du pécheur héréditaire peut avoir le caractère d’un péché réel indépendamment de sa relation avec la faille d’Adam. Celait méconnaît rc les définitions du concile de Trente qui, en affirmant en Adam la perte de la justice et de la sainteté, par suite de la chute, entendaient la perte d’une rectitude surnaturelle.

On retrouverait les mêmes allures rationalisantes touchant l’anthropologie, chez Giinther. Aussi Pie IX le 18 juin 1X57, devait-il souligner l’opposition de sa doctrine à la tradition catholique. Denz.-Ban., n. 1055 sq.

IV. LA RÉPOXSE CATHOLIQUE AUX ATTAQ’L.s JjI

hationalisme. — Une réaction s’imposait en face de toutes ces attaques ; elle est venue tant des théologiens, que de l’autorilé ecclésiastique.

La réplique des théologiens.

La grande objection

de Voltaire et de Rousseau contre la religion révélée, c’étaient les terribles conséquences que déduisaient les jansénistes du péché originel touchant la damnation des masses infidèles qui étaient dans l’ignorance invincible du nom du Christ. On reprochait aux catholiques, dont on identifiait la doctrine avec celle des jansénistes, d’aimer mieux représenter Dieu injuste et lui faire punir des innocents, à cause du péché de leur père, que de renoncer à leur dogme barbare.

Le devoir des théologiens était clair : mettre hors de doute que la doctrine catholique n’avait rien de commun avec la traduction choquante qu’en donnaient les jansénistes ; reprendre aux philosophes les vérités authentiquement chrétiennes qu’ils déformaient et confisquaient, ainsi défigurées, au profit de l’erreur.

1. Réponse immédiate à Rousseau et aux encyclopédistes. — Us le comprirent. M. Legrand, sulpicien, dans la censure de l’Emile : Censure de la Faculté de théologie de Paris contre un livre qui a pour litre : Emile ou l’éducation, Paris, 1776, l’archevêque de Paris, Christophe de Beaumont, dans son mandement contre l’Emile (dans les Œuvres de Rousseau, t. ii, éd. Fume, Paris, 1850, p. 750 sq.), Nicolas Bcrgier dans le Déisme réfuté par lui-même, 3e éd., Paris, 1766, et le Traité de la vraie religion, Besançon, 1820, opposèrent aux philosophes la réponse pertinente de la doctrine traditionnelle.

Jamais, faisait remarquer la Censure, « théologien n’avait enseigné qu’un infidèle méritât d’être damné simplement pour n’avoir rien su de l’Évangile ; cette damnation était le résultat et le châtiment d’autres péchés. Nul, sans doute, n’est sauvé sans la foi ; mais « autre chose est d’être puni pour avoir abusé des lumières de la raison et des secours qui étaient donnés pour suivre la loi naturelle, autre chose est d’être condamné pour n’avoir pas cru ce qu’on ignorait invinciblement et qu’il était par conséquent impossible de croire. » Censure, dans Migne, Cursus theol., t. ii, col. 1150, 1179, 1180, 1223, 1221, Il est vrai que le péché originel, à lui seul, exclut l’infidèle du ciel, mais la vision intuitive de Dieu est un bien gratuit et surnaturel ; « quand même les infidèles n’auraient jamais commis de péchés actuels, sans aucune injustice, ils seraient privés de la vision intuitive de Dieu. » Ibid.. col. 1180. D’ailleurs, nous pouvons penser avec saint Thomas que le péché originel n’est puni d’aucune peine positive.

Dans le même sens. F.-X. de Feller, dans son opuscule, Entretien de M. de Voltaire et M. p***, docteur en Sorbonne, sur la nécessité de la religion chrétienne et

catholique pur rapport au salut. Strasbourg, 1772, faisait remarquer justement que la foi expresse en la Trinité tl’esl pas encore, selon un très grand nombre de théologiens, d’une nécessité absolue, de sorte qu’une impossibilité entière de s’en instruire n’entraîne pas la perte du ciel. P. 16 et 17.

Les éditions successives du Dictionnaire de théologie de Bergier contribuèrent aussi par la suite à vulgariser les vraies thèses catholiques sur le péché originel et ses conséquences, à les distinguer des thèses jansénistes, et à répondre ainsi aux calomnies ou ignorances des incrédules. Voir, par exemple, l’édition de Toulouse 1823 : aux art. Adam, Foi, Église Péché originel. Ce dernier article, t. vi, p. 99-104, est assez sommaire. Il résume d’abord rapidement la doctrine du concile de Trente sur le péché originel, en montre les fondements dans Job, le psaume l, 7, et saint Paul, sans faire allusion à la Genèse, puis, dans la tradition, surtout chez saint Augustin ; il tient les objections des incrédules comme un renouvellement des objections pélagiennes, et y répond en insistant, comme saint Thomas, sur le caractère purement privatif des conséquences du péché originel. On remarquera sa discrétion trop grande en face de certains problèmes, par exemple, celui de la nature du péché originel : « Si l’on nous demande en quoi consiste formellement la tache du péché originel, comment et par quelle voie elle se communique à notre âme, nous répondrons humblement que nous n’en savons rien. » De même il hésite devant la doctrine d’Augustin : « Ce Père, dit-il, n’a pas voulu décider positivement quel est le sort éternel des enfants morts sans baptême. > Art. Originel (Péché), p. 103 et 104.

2. Le traditionalisme.

Pour un certain nombre de théologiens, la meilleure façon de justifier la Providence en face des attaques rationalistes, ce fut de reconnaître que Dieu a mis à la disposition des païens les vérités de la révélation primitive, toujours vivantes au milieu de l’erreur. La tradition primitive est le véhicule convenable de la révélation nécessaire à tous les hommes pour atteindre leur fin. Le traditionalisme de Lamennais, de Ventura, de Bonnetty, par une réaction excessive contre le rationalisme du xviiie siècle, méconnaissait les forces de la raison individuelle, même déchue. Aussi fut-il contesté et finalement condamné.

D’ailleurs, la période d’engouement une fois passée, la préhistoire établissant que la date de l’antiquité de l’homme remontait beaucoup plus haut qu’on ne le pensait, et la science des religions se développant, les théologiens se montrèrent de plus en plus réservés touchant l’hypothèse de la conservation universelle des vérités primitivement révélées. Voir Capéran. Le problème du salut des infidèles, Essai historique, Paris, 1912. p. 445-478.

De plus en plus, au xixe siècle, les théologiens vont se souvenir de l’axiome scolastique : Facicnli quod in se est Deus non denegat gratiam suam, et de la thèse des grands maîtres du xvie siècle sur la suffisance de la foi implicite aux mystères du christianisme pour ceux qui sont dans l’ignorance invincible ; aussi reconnaîtront-ils généralement aux païens les plus étrangers au christianisme la possibilité pratique de se sauver. Capéran, p. 459 et sq.

3. Trois théologiens marquants : Perrone, Mœhler, Scheeben. — Trois théologiens, vers le milieu du xixe siècle, se distinguent particulièrement dans l’exposé de la doctrine du péché originel et de ses conséquences ; Perrone. Adam Mœhler et Scheeben. Avec eux, par un retour de plus en plus prononcé aux thèses de la scolastique, le progrès théologique, retardé par le jansénisme, va reprendre son cours.

a) Perrone, dans son traité. De Deo creatore, Prselec-