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PÉCHÉ ORIGINEL. L’AUGUSTINISME DU XVIie SIÈCLE


tion radicale de la nature déchue, sur son impuissance en face du mal, sur sa condamnation à la géhenne dans l’autre vie. Aussi le pape Pie VI condamna-t-il, entre autres, dans sa huile Auctorem fidei, toutes les propositions qui s’inspiraient du pessimisme baïaniste.

Il rejeta d’abord le fondement de l’erreur : cet optimisme qui considère l’état d’innocence comme une conséquence de la création et non un bienfait gratuit de Dieu : « La doctrine du synode qui se représente l’état heureux d’innocence où se trouvait Adam comme comprenant, outre l’intégrité, la justice intérieure avec l’union à Dieu par l’amour de charité, et la sainteté primitive en partie restituée après la chute, et qui insinue que cet état de choses, dans son ensemble, est une conséquence de la création, due en vertu d’une exigence naturelle et de l’institution de la nature humaine, debitum ex naturali exigentia et conditione humante naturæ, et qu’il ne constitue pas un bienfait gratuit de Dieu, cette doctrine est qualifiée de fausse, déjà condamnée dans Baïus et dans Quesnel, erronée et favorisant l’hérésie pélagienne. » N. 16, Denz.. u. 1516. Dans le même sens, on rejette l’idée d’une immortalité du corps qui serait la condition naturelle de l’homme, fbid., n. 17.

Après avoir écarté l’idée semi-pélagienne d’un désir naturel de la grâce salutaire, desiderio adjutorii superioris Itominis in ordine ad salutem, n. 18, Pie VI rejette non moins l’idée pessimiste de l’homme déchu inféodé nécessairement à la loi du péché. « La doctrine du synode au sujet du double amour dominant (cupidité ou charité), selon laquelle l’homme, sans la grâce, est sous le règne du péché à ce point qu’il corrompt et infecte toutes ses actions du fait qu’il est sous l’influence de la cupidité dominante ; cette doctrine en tant qu’elle insinue que, dans l’homme, aussi longtemps qu’il est sous la servitude et dans l’état de péché, destitué de cette grâce qui le libère de la servitude du péché et le constitue fils de Dieu, la cupidité domine à tel point que, par cette influence générale toutes ses actions sont corrompues et infectées en elles-mêmes, que tous ses actes faits avant la justification, de quelque façon qu’ils soient accomplis, sont des péchés, comme si, dans tous ses actes, le pécheur était l’esclave de la cupidité dominante, cette doctrine est fausse, pernicieuse, induisant dans une erreur déclarée hérétique par le concile de Trente et condamnée, une seconde fois, dans la proposition 10° de Baïus. » N. 23.

Le pape ne se contente pas d’écarter l’idée de péché inévitable, « comme si le pécheur obéissait dans toutes ses actions à la cupidité dominante’. il fonde sur le témoignage de saint Augustin lui-même, l’existence de sentiments intermédiaires entre le péché el la vertu salutaire dans l’âme du pécheur : En tant que la doctrine de Pistoie ne reconnaît pas entre la cupidité dominante et la charité victorieuse l’existence de sen

timents intermédiaires, issus de la nature et louables en eux-mêmes qui, en même temps que l’amour de la béatitude et l’inclination au bien, sont demeurés comme des vestiges et des restas de l’image de Dieu. rr.mansrrunt oelul extrema Uneamenta et reliquia tmagi/s bri (S. Augustin, De spiritu ri liltera, c. xxviii),

Comme si, entre l’amour divin qui nous condiiil au ro va u me. el l’amour li u ma m illicite qui esi condamné, il n’y avait pas un amour humain heile qui ne soit pas digne d’êï re blâme, cet le doet rine est fausse el. par ailleurs, déjà condamnée. N. 24.

Enfin, le synode ayant traité de fable pélagienne la croyance qui attribue aux enfants morts smis baptême un séjour intermédiaire entre le ciel et l’enfer, et qui les exemptai ! de la peine du feu, toul en leur lais saut la peine du dam, le pape en prend occasion poui laisser entendre la raie penséi di i Église sur le sort

de ceux qui meurent avec le seul péché originel ; le pape déclare « fausse, téméraire, injurieuse aux oreilles catholiques, la proposition selon laquelle doit être rejetée comme une fable pélagienne l’endroit des enfers appelé vulgairement « limbes des enfants >. dans lequel les âmes de ceux qui meurent avec le seul péché originel sont punies de la peine du dam, sans la peine du feu, comme si écarter de ces âmes la peine du feu c’était remettre en honneur la fable pélagienne d’après laquelle il r aurait un lieu et un état intermédiaire exempts de faute et de peine entre le royaume des cieux et la damnation éternelle. > N. 26. Il en résulte que l’existence des limbes des enfants tels que les fidèles les conçoivent, n’est point une fable pélagienne, mais une croyance légitimement reçue dans les écoles catholiques.

En désavouant ainsi, successivement, les manifestations les plus graves du pessimisme spirituel de Baïus, Jansénius, Quesnel, du synode de Pistoie, l’Église ne faisait que continuer l’oeuvre de précision doctrinale entreprise à Trente contre le pessimisme des réformateurs ; elle entendait, en donnant figure d’hérésie formelle aux affirmations les plus sévères du jansénisme, montrer qu’il ne fallait point confondre l’idée janséniste du péché originel avec la conception catholique de la chute et de ses conséquences : elle rejetait définitivement l’augustinisme radical, simplifié, exagéré, tel que le présentaient Baïus et Jansénius, comme inassimilable à sa synthèse dogmatique. Comme à Trente, elle avait décidé des erreurs, non des opinions ; en face de Baïus, de Jansénius, de Quesnel et du synode de Pistoie, elle désavouait des outrances erronées, mais laissait sous ces réserves ses libertés à l’école augustinienne.

/II. L’AUGUSTI.XISUK ORTBOBOXB DES XVIIe ET Ai/// 1 SIÈCLES. - La pensée théologique du xvir-" et du xviiie siècle est dominée par l’augustinisme. Le xvii 1, siècle particulièrement est le siècle de la théologie positive ; et il s’applique spécialement à l’étude des œuvres du docteur d’IIippone.

1° L’école île Port-Royal. Des hommes comme Nicole. Arnauld. Pascal, Tillemont ont un culte passionné pour saint Augustin. Mais les premiers du moins le lisent a travers l’Aut/us/inus. Ainsi l’aspect janséniste imprègne plus ou moins leur pensée. Le qui donne à leur doctrine du péché originel un aspect sombre et pessimiste.

Il est difficile, parfois, de dire s’ils sont en deçà de l’orthodoxie ou s’ils restent sur sa limite extrême, en manifestant seulement uw attachement trop exclusif à

l’augustinisme. Bossuet blâmait très justement le grand Arnauld i d’avoir tourne ses éludes, au fond, pour persuader le monde que la doctrine de.lansénius n’a pas été condamnée »..I.tiirnnl de Le Dieu, février 1708 ; art. Bossi i ; r. col. 1080. Mais Arnauld. en faisant la distinction du droit et du fait, ne reconnaissait il pas équivaleninient qu’un vrai catholique ne pouvait défendre les propositions condamnées ? Aussi le voit-on l’efforcer de tenir compte du concile de Trente et

de saint Thomas, par exemple dans son expose de la doctrine du péché originel et de ses relations avec la concupiscence. Voir.1. Laporte, l.n doctrine < ! < Port-Royal, i. n. Exposition d( la doctrine (d’après Arnauld). I. Les vérités 4e lu grâce, Paris. 1923, p. 12 100,

Il reste qu’il a toujours siilisisle quelque Chose dans

son esprii des premières impressions intellectuelles qui. d’abord, l’avaient laii pencher vers le jansénisme authentique, arnauld a toujours pensé que Nicolene

donnait pas assez a la grâce, toujours a porté d’il !

qui tes i I d< pondeuses réserves, soii ; i la distinction

du fait et du droit, soit aux cinq articles. Mais il y a loin de ces velléités a une hérésie proprement dite.

Pour bien des raisons, au premier rang desquelles il