Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.1.djvu/280

Cette page n’a pas encore été corrigée
545
546
PÉCHÉ ORIGINEL. LE JANSÉNISME


ment d’un bonheur supérieur à celui de n’importe quel homme parmi nous… La tache du péché empêche leur bonheur d’être un bonheur naturel bien qu’il ne lui manque rien pai ailleurs pour mériter ce nom. »

En résumé, les théologiens jésuites, au lendemain du concile de Trente, et de la condamnation de Baïus, pour défendre les vérités proclamées par l’Église touchant la nature et les suites du péché originel, n’ont eu qu’à enrichir et développer le point de vue de l’optimisme modéré de la théologie de l’École et particulièrement celui de saint Thomas. En pensant ainsi, dans la ligne de la théologie traditionnelle, ils se trouvent, de fait, en convergence avec l’esprit de l’humanisme chrétien.

L’humanisme chrétien.

Il ne faut pas mettre

une opposition absolue entre l’humanisme et la tradition catholique. Voir Henri Bremond, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, t. i, L’humanisme dévot, Paris, 1923, p. 1-17. Et. Gilson le marque aussi nettement : « Il faut prendre garde à ce que l’on veut dire, lorsqu’on oppose la Renaissance au Moyen Age comme la découverte de la nature et de sa valeur à son injuste dépréciation. Dans la mesure où de telles expressions ont un sens, elles ne peuvent signifier autre chose sinon que la Renaissance marque le commencement de l’ère où l’homme se déclare satisfait de l’état de nature déchue. Il se peut que la chose se soit produite, quoique dans une mesure beaucoup moins large qu’on ne le dit, mais il ne serait pas juste d’en conclure que, pour avoir comparé cette nature déchue à une autre plus parfaite, et l’avoir estimée inférieure, le Moyen Age n’ait eu le sentiment ni de sa réalité, ni de sa valeur. Si quelqu’un les a niées, ce n’est certainement ni saint Thomas, ni saint Augustin, mais plutôt Luther et Calvin. En ce sens, il est vrai de dire que si l’esprit de la philosophie médiévale était en accord profond avec certaines aspirations positives de la Renaissance, c’est parce que cet esprit était chrétien. > L’esprit de la philosophie médiévale, Paris, 1932, p. 129.

Entre l’humanisme naturaliste et le pessimisme des réformateurs, il y avait donc place pour une théologie humaniste du péché originel et de ses suites qui s’accordât avec les vérités essentielles du christianisme, tout en les présentant sous leur aspect le plus lumineux, le plus humain. Dans cette perspective, le théologien humaniste « ne croit pas que le dogme central, c’est le péché originel, mais la rédemption. Qui dit rédemption dit faute, mais faute bienheureuse, puisquelle nous a valu un tel et si grand Rédempteur… L’homme qu’il exalte n’est pas seulement ni principalement, mais il est aussi l’homme naturel avec les dons simplement humains que celui-ci avait eus dans l’état de nature pure et qu’il garde aujourd’hui encore, plus ou moins blessé depuis cette chute, mais non pas vicié, corrompu dans ses profondeurs et incapable de tout bien. Sur tous ces points, l’Église condamne des erreurs opposées, d’une part Pelage et les semi pélaniens, d’autre part Calvin. Baïus et Jansénius. Entre . I renies, elle permet a ses docteurs d’interpréter

a leur guise le dogme commun, de met ire l’accent ou

ils veulent, de faire pencher la balance en faveur du

igorisme ou de l’humanité. L’humanisme chrétien Va

d’instinct à cette dernière II. Bremond. op. cit., p 12

Cet esprit de l’humanisme élu il ietl Inspire des théo logiens tels que Sadolet. Réginald Pôle, Salræron ; UUa il trouve sa plus haute et sa plus bienfaisante rxpressmn dans la théologie et la spiritualité de salnl François de Sales.

Tout en reconnaissant la misère de l’homme déchu. Pévêque de Genève pense que, même après la chute, celui-ci n’arrive jamais à étouffer complètement en

lui l’inclination naturelle a aimer Dieu sur toutes DICT. DE i m’il. (.a i H 01

choses ». « Or, bien que l’état de notre nature humaine ne soit pas maintenant doué de la sainteté et de la droiture originelle, et qu’au contraire nous soyons grandement dépravés par le péché, est-ce toutefois que la sainte inclination d’aimer Dieu sur toutes choses nous est demeurée, comme aussi la lumière naturelle par laquelle nous connaissons que la souveraine bonté est aimable en toutes choses… Cette inclination ne demeure point pour néant dans nos cœurs, car, quant à Dieu, il s’en sert comme d’une anse pour nous pouvoir plus suavement prendre et retirer à soi… »

Sur cette théologie de l’optimisme chrétien et la spiritualité qu’elle inspire, voir H. Bremond, op. cit., p. 116 sq. ; F. Vincent, Saint François de Sales, directeur d’âmes. L’éducation de la volonté, Paris, 1922 ; P. Pourrat, La spiritualité chrétienne, t. iii, p. 406-481.

II. LE PESSIMISME DE LA THÉOLOGIE JANSÉNISTE

concernant Le péché ORIGINEL. — 1° L’idée janséniste du péché originel. — En face de la réforme protestante, au sein de l’Église catholique, à l’opposé de l’école des jésuites et de l’humanisme chrétien, une école, en réaction contre la théologie du Moyen Age, prétendit retrouver l’orthodoxie compromise par six siècles de scolastique, en revenant à la pure doctrine de saint Augustin et en concevant de la façon la plus dure les droits de la souveraineté divine, les préceptes de la morale et la misère de l’homme déchu.

Elle se rattachait, par l’intermédiaire de J. Janson, professeur à Louvain, aux doctrines de Baïus. Avec Janson, elle était en réaction sourde contre « les décisions arrachées à Rome, disait-on, par les menées des scolastiques et surtout des jésuites ; ceux-ci, en faisant condamner les doctrines de saint Augustin, avaient voulu indirectement justifier leur molinisme, nouveauné, puisque l’ouvrage de Molina, De liberi arbitrii cum gratise donis concordia, n’avait paru qu’en 1588°. Voir art. Jansénius, col. 320.

C’est dans cette atmosphère de lutte contre le molinisme que Jansénius se mit à l’étude de saint Augustin. La vérité catholique allait lui apparaître de plus en plus comme s’identifiant de tout point avec la doctrine de saint Augustin, telle qu’il la comprenait. Elle tenait, à ses yeux, le juste milieu entre l’erreur des protestants et celle des molinistes qui ressuscitaient Pelage ou tout au moins le semi-pélagianisme. Jansénius mourait le 16 mai 1638 ; mais ses partisans retrouvaient son esprit dans VAuguslinus imprimé à Louvain, en 1640, et à Paris, en 1611. Ce livre allait être « l’épine dorsale » du jansénisme. Sur l’analyse de VAugustinus : méthode de la théologie ; la grâce d’Adam : le péché originel ; ses suites ; œuvres des infidèles ; nécessité et liberté ; état de pure nature, voir art. JANSÉNIUS, col. 341-376.

A la base du jansénisme comme à la base du baïanisme, se retrouve la même erreur inil iale : la négation de la possibilité de la pure nature, « une conception optimiste de l’état normal de la créature raisonnable ». Voir J. Paquier, Le jansénisme. Paris. 1909, p. 130. Pour Jansénius comme pour Baïus, cet état normal s’Identifie avec l’état d’Adam avant son péché. Dès lors, « cet optimisme supra-lapsairc a déterminé son pessimisme pratique et il a pris à la lettre le mot de saint Paul : « Ayant été affranchis du péché, vous élis devenus les esclaves de la justice >, sans noter, comme

l’avait fait saint Augustin, le correctif qui suit aussitôt, Enehtrtdton, xxx : « Je parle à la manière des hommes l a cause de la faiblesse de votre chair, i (.’est sur les ruines de la nature, autrefois maîtresse d’elle même, que règne aujourd’hui la grâce de 1 lieu, II. de I, ubac,

/)’</ ! auguêùntuu fourvoyés : Battu ci Jantinlut, il.

JansinttU, dans Recherchée de sciriur religieuse,

iiii embre, 1931. p 533.


18