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PÉCHÉ ORIGINEL. ERREURS DE BAIUS


mer ainsi que sa justice, aussi longtemps que nous n’avons point reçu l’Esprit-Saint ; dans les parties inférieures de l’âme, c’est leur insubordination à l’égard des parties supérieures ; dans les sens, c’est la révolte de la chair que nous ne pouvons plus régler à volonté. C’est par cet ensemble de vices que l’enfant naît fils de colère. Dieu ne regarde pas qui l’a fait mauvais, il le juge et le trouve mauvais. C iv, p. 5 ; cf. c. iii, p. 4.

Comment concevoir que la concupiscence, qui est nature chez l’animal, soit vice chez l’homme ? Cela découle de ce que l’immunité de la concupiscence nous est due, nous est naturelle ; dans une nature rationnelle faite pour connaître l’harmonie, la concupiscence ne peut être qu’une faute, une perversion positive de cette nature. Chez l’animal sans raison, elle est, au contraire, naturelle. Baïus en appelle à saint Augustin pour le prouver. C. v, p. 5-6. Il tend à l’établir rationnellement au c. vii, p. 8-9, en dissociant malice morale et caractère volontaire de l’acte.

Tout le monde est d’accord pour reconnaître que les mouvements de la concupiscence consentis sont des péchés, mais « la concupiscence habituelle, qui est le péché originel, ne peut être de meilleure nature que ses effets ».

On objectera que tout péché doit être volontaire. Non, car pour savoir si un acte est péché, il n’y a point à chercher s’il vient d’une volonté, ou quelle est la volonté dont il émane ; il suffit que, par nature, il soit une désobéissance aux commandements divins. P. 9. C’est bien la pensée du c. vu qui est résumée et condamnée dans les propositions suivantes : « La nature et la définition du péché sont indépendantes de la volontariété de l’acte, que le péché doive ou ne doive pas être volontaire ; c’est là une question qui regarde sa cause et son origine, elle n’intéresse pas sa définition », prop. 46 ; et : « Le péché originel est un vrai péché, cela sans aucune relation et aucun rapport avec la volonté d’où il tire son origine », prop. 47. Sans doute, remarque Baïus à la fin du c. vii, « le péché originel, quant à la responsabilité, retombe sur celui qui en est l’origine, mais tout ce qui est péché par nature, quelle qu’en soit l’origine, nous est justement imputé, par cela seul que nous le portons en nous, si ce péché nous domine soit actuellement. soit par une disposition habituelle, de telle sorte que nous ne lui opposions pas une disposition d’esprit contraire ».

Voilà le péché transporté du plan de la volonté dans celui des tendances. On voit la conséquence, remarque F.-X. Jansen, op. cit., p. 16 : un acte, une tendance existant en nous pourront être un péché sans être formellement volontaires. Ainsi chez les enfants, « le péché originel est volontaire par la volonté habituelle du nouveau-né et le domine, â titre de disposition habituelle, par cela même qu’il n’a aucune détermi nation volontaire opposée >, C. vii, p. 9. el prop. 18 ; c. xvri, p. 23-21. Le rédacteur des propositions condamnées par Pie V en tire cette conclusion : « A cause de cette volonté habituelle dominante, il arrive que l’enfant mort sans avoir reçu le sacrement de la régénération, quand il acquerra l’usage de la raison. haïra Dieu actuellement, le blasphémera et résisti sa loi. » Prop

Cette dure conséquence de la doctrine n’esl pas tirée par Baïus lui-même ; mais r professeur <le Louvain n’en nie pas le fond : il demande au rédacteur : D’où pourra venir : i l’enfant mort une condition toute différente de celle qu’il apporte en naissant ? » Voir Balana, à la suite de l’édlt. cttée. p. 106 : Peto tamrn a colleclore ut dignetur expltcare </nis (nfantem

qui non redit » Btd hro contrarias nnscitnr. ti siur bap tttmo discedat, pont hanc vitam loriot rectum ci adver sario suo Deo et legibus ejus consentientem. An Deus sua misericordia, an parvulus sua naturali potentia. Selon la logique de ses principes, Baïus ne peut concevoir l’état de l’enfant mort sans baptême que comme un état positif d’opposition à Dieu.

Dans le même ordre d’idées, le commandement : non concupisccs défend les mouvements indélibérés de la concupiscence. De pec. or., c. xi, p. 12. Les propositions suivantes, résument bien la doctrine de Baïus, prop. 75 : « Les mouvements pervers de la concupiscence sont, pour l’état de l’homme vicié, prohibés par le précepte non concupisces ; ainsi l’homme qui les ressent et qui n’y consent point transgresse le précepte non concupisces, bien que la transgression ne lui soit point imputée comme péché. » Voir ibid., p. 12. — Prop. 50 : « Les mauvais désirs auxquels la raison ne consent point, et que l’homme’subit malgré lui, sont défendus par le précepte non concupisces. » Voir ibid., c. xi, p. 12.- — Prop. 51 : « La concupiscence ou la loi des membres et ses désirs pervers que les hommes éprouvent malgré eux sont une véritable désobéissance à la loi. » Voir ibid.. c. xi : c. xv, 8, p. 18 : c. xvi, p. 19. Enfin, en vertu du même principe, qui identifie le péché originel avec la concupiscence dans son règne, Baïus aboutit à cette doctrine qui est la conclusion logique de ses c. xi, xvi et xvii : « La concupiscence qui domine derechef chez les baptisés, retombés en péché mortel, est un péché ; il en est de même de toutes leurs autres dispositionsperverses. » Prop. 74.

Ainsi, par sa confusion entre l’état d’Adam innocent et l’état naturel ou normal de l’homme, par sa dissociation entre malice morale et caractère volontaire de l’acte, Baïus en arrive logiquement, comme Luther, à un pessimisme radical qui confond le mal moral, le péché originel, avec les mouvements spontanés et irrésistibles de la concupiscence ; il professe, comme lui, la corruption radicale de la nature déchue.

2. Conséquences du péché originel. - Elles sont exposées tout particulièrement dans le De virtutibus impiorum. Baïus y affirme l’impuissance totale de la liberté déchue pour le bien moral. Voir les proposi-I ions 27, 28, 29, 30 : et aussi 35, 37, 40 ; enfin la célèbre proposition 25 : « Toutes les actions des infidèles sont des péchés et les vertus des philosophes sont des vices. » Cf. De virt. imp., c. iv, p. 65 ; c. viii, p. 70.

Dans cette perspective non seulement pas de morale purement rationnelle, mais, en dehors de la grâce du Christ, pas la moindre possibilité d’acte moralement bon non salutaire : « C’est pour l’adulte non baptisé le péché forcé, c’est le mal devenant pour ainsi dire l’essence même de l’acte volontaire. - Jansen, op. cit., p. 52.

Et, dans le baptisé, la concupiscence demeure Ce qu’elle est par nature : la transgression d’un précepte divin, un mal moral. Comment en serait-il autrement dès lors que les dispositions mauvaises sont défendues par la loi, tout autant que les actes ?

Dans les saints, la loi des membres, qui est la concupiscence de la chair, n’est pas seulement mauvaise parce qu’elle est une peine, mais parce qu’elle est une désobéissance à la loi Ces ! le titre du c. xv du De peccato originis : peccandi delectatione moveri legi Dci rrluclari est, p. 17 : ou encore : concupiscentia qiiic in baptizatis remanct displicet Deo, est contra Dei legem cl illicita, p. 18, Elle ne sera pourtant pas un péché chez les baptises, aussi longtemps que la charité dominera en eux, parce qu’en considération de cette charité, elle ne leur sera pas imputée à péché, C. XVI, p. 20. Mais elle redeviendra coupable chez le chrétien baptisé, retombé dans le péché grave, el de nouveau dominé par elle, (.’est la conclusion naturelle du principe émis au C XVII selon lequel une disposition habituelle mauvaise, dès que, par l’absence de toute