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    1. PÉCHÉ ORIGINEL##


PÉCHÉ ORIGINEL. L’ORIENT AU Vie SIÈCLE

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aux moines de Tell’Addci : « Du fait de la transgression originelle, la mort a régné, et la mort et la concupiscence se sont mêlées à la nature ; et, désormais, quiconque entre dans Le monde par le mariage naît mortel naturellement. Mais Dieu, lorsqu’il voulut devenir homme, de la Vierge, ne naquit pas du mariage à la façon ancienne, afin d’être supérieur à la mort dans son incorporation même, c’est-à-dire supérieur aussi à la concupiscence, parée que c’est par l’union des sexes que toutes deux prennent cours dans la nature. » Op. cit., p. 10.

Si Philoxène disait plus nettement que, dans les non baptisés, une culpabilité s’attache à la concupiscence que nous recevons avec la nature, sa doctrine sur le péché de nature s’identifierait complètement avec celle de saint Augustin.

Julien d’Halicarnasse.

Comme chez Philoxène,

chez l’évêque d’Halicarnasse (t vers 527), la doctrine du péché de nature a son contre-coup en christologie. Il y a certainement une parenté entre les doctrines et les formules de Julien et celles de Philoxène. Faut-il reconnaître plus, à savoir une dépendance littéraire entre les deux auteurs’? « Si celle-ci a existé, on pensera à la mettre plutôt chez Julien… Somme toute, si rien ne prouve la dépendance littéraire de Julien vis-à-vis de Philoxène, il n’est rien non plus qui s’y oppose absolument. » R. Draguet, op. cit., p. 248-249. Sur les idées anthropologiques de Julien d’Halicarnasse, voir, p. 7-10, 95-133, 154-157. 221-232 ; et Juliani fragmenta dogmatica, p. 10*-78* : M. Jugie. op. cit., p. 46-64.

4. Le point de vue de Julien, comme celui de saint Augustin, dans sa conception de la nature humaine, est concret et historique : il fait abstraction de la notion de nature philosophique. « La nature humaine est pour lui une réalité toujours existante dans son entièreté à travers la continuité du développement historique. Elle était présente tout entière en Adam ; elle le reste à chaque moment du temps dans l’ensemble des individus qui sont des hommes ; c’est comme telle qu’elle est dite affectée, d’une manière permanente, des propriétés qui affectent tous ceux avec qui elle s’identifie, et susceptible d’en recevoir d’autres, Julien parle par exemple de la cpûaiç tombée sous la corruption par le péché d’Adam, de la cpua’.ç atteinte de maladie ou d’altération (fragments 29, 64, 66)… de la cpôaiç à l’état sain et de la çùcstç mélangée de corruption (fragm. 29, 102). » R. Draguet, op. cit., p. 415.

2. La nature à l’état sain, normal, authentique est certainement la nature telle qu’en fait elle avait été constituée par Dieu à l’origine, nature matérielle et spirituelle à la fois, mais soustraite à la concupiscence, aux souffrances, à la mort et surtout au péché. Fragm. 79, 80. « De toute nécessité, à la passibilité, à la mortalité, à la corruptibilité, il faut joindre aussi le péché qui est la cause de ces trois choses. » Fragm. 81. « Sile Seigneur fut naturellement mortel, selon ton dire, lui qui a eu une mère vierge…, accorde-lui aussi le péché sans lequel nous-mêmes nous n’aurions pas connu la mort. » > Fragm. 82. « Il ne faut pas dire qu’avant la transgression, la mort et la concupiscence existaient naturellement ; car, comme il est écrit, Dieu n’a pas fait la mort ; mais elle nous est survenue contrairement à la nature, 7rapà cpùaw, après la transgression, à cause du péché. » Fragm. 44. « Les propriétés de la nature ne consistent pas dans la modification de ce qui est suivant la nature. Cette modification, c’est la corruption. » Fragm. 29.

Julien ne veut certes pas nier par là que la nature humaine ne recèle en elle une possibilité radicale de souffrir et de mourir ; c’est justement pour acquérir

cette possibilité que le Verbe, substance simple, s’est fait homme comme l’un de nous : par sa composition même, l’homme est susceptible de dissolution : ç/kriç yàp àrrXoûç oôx oTSev 67C0|xéveiv tÔv a’.oÔsxov 6<4vcctov, toûV èa-r’.v Siaipemv. Fragm. 84. Il veut affirmer tout au moins que le tO v.-/t-/ O’jo’.v de la nature, c’est en fait son état primitif antérieur au péché : « Les adversaires disent que, le Verbe ayant participé a notre nature déjà corrompue, les propriétés de celle-ci, à savoir la corruption, se trouvaient nécessairement dans le corps assumé : mais qu’ils sachent que lorsque le Créateur les plaça à l’origine de la nature, ces propriétés faisaient apparaître une nature qui se trouvait à l’état sain et non pas dans l’altération de ce qui est conforme à la nature, oûx iv &XXoiûast TOÛxacrâ cpuaiv, altération en laquelle, précisément, consiste la corruption. » Fragm. 29.

Ne veut-il que porter un jugement de fait d’après la révélation et dire que l’homme, selon cette perspective, n’était pas soumis à l’empire de la mortalité : ou porte-t-il un jugement de valeur philosophique ? Passe-t-il, comme plus tard Baïus, du fait au droit, et pense-t-il que les privilèges d’impassibilité et d’immortalité sont l’accompagnement nécessaire de la nature humaine saine et intègre, considérée en elle-même ?

Il est certain qu’à la différence de Sévère d’Antioche, son contemporain et contradicteur, il ne distingue point, dans l’état primitif, ce qui relève strictement de la nature ou, au contraire, de la grâce. A la différence aussi d’Augustin qui, parti du même point de vue concret que lui, savait cependant reconnaître le caractère gratuit de l’exemption de la concupiscence et de la mort, il ne se préoccupe point de marquer ce qui tient du privilège dans cet état d’Adam avant le péché. C’est que, sans doute, la doctrine de Julien diffère de celle de ces deux hommes. L’impassibilité et l’immortalité semblent bien pour lui. si l’on veut faire droit à l’ensemble de ses expressions, être des accompagnements nécessaires de la nature saine et intègre.

Dès lors, dirons-nous avec M. Jugie, « la passibilité et la mortalité, c’est-à-dire la nécessité physiologique pour le corps de souffrir et de mourir, est une corruption de la nature prise en elle-même. C’est pourquoi le Verbe n’a pu s’unir à une chair passible et mortelle, c’est-à-dire corruptible. » Op. cit., p. 57.

3. Du fait de la transgression d’Adam, la nature tout entière est tombée sous la « corruption. ç60pâ : celle-ci domine l’homme tyranniquement de la conception à la mort ; elle implique pour lui une altération de la nature, àXkoicùaiç ~rr t ç epuoscoç : elle est contraire à la nature. 7rocpà çùcuv. Fragm. 7, 12. 23. 24. 29, 41, 44, 100, 124. On peut cependant appeler naturelle la corruption, parce que la nature n’existe plus qu’à l’état corrompu.

4. La corruption implique : d’abord « un péché » qui atteint quiconque est conçu dans les conditions ordinaires. Ce péché s’identifie probablement avec la concupiscence. Il y a en nous quelque chose d’infecté d’un péché : xô ht ï)u.Tv èv àtay.cTix. Fragm. 55. La mortalité est inséparable normalement du péché. Fragm. 81, 82. Nous recevons le péché en naissant au même titre que l’àme et le corps, bien qu’il ne fasse pas partie de l’âme à l’état sain. Fragm. 29. 42, 65. Notre corps, devenu cpOapTÔç. est particulièrement sv àfxaprîa. Fragm. 17.

En remplaçant les mots « du fait du péché d’Adam, dans son Tome, par ceux-ci du fait du péché du corps lui-même. voir fragm. 50, Julien nous laisse entendre que c’est un péché installé dans le corps qui est devenu, pour l’àme déchue, principe de sa sujétion par rapport au démon.

Ce péché a des rapports très intimes avec la conçu-