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PÉCHÉ ORIGINEL. LES LATINS DU IV* SIÈCLE


il y reconnaît non seulement son signe, mais sa loi en quelque sorte : lui, le péché, il y demeure comme dans le péché ; car la chair est bien désormais une chair de péché, faite pour tromper l’homme par ses mauvaises suggestions : Per id ergo quod facti causa manet, inhabitare dicitur peccatum in carne, ad quam diabolus accedit quasi ad suam legem, et manet quasi in peccato peccatum ; quia caro jam peccati est ut decipiat hominem suggestionibus malis. vii, 18, col. 113 A.

Que le signe et la loi du démon immanents à la chair déchue aient rapport à la mort, cela résulte non seulement du contexte, mais encore du fait que, par opposition, le signe de la croix est pour notre auteur le signe de la chute de l’empire du démon et, par le fait, celui du triomphe du Christ sur la mort, vm, 4, col. 118 G, et Queest., lxxxi, P. L., t. xxxv, col. 2275.

b. L’extension du péché d’Adam à toute sa race et ses conséquences en cette vie et en l’autre. — a) En cette vie. — L’Ambrosiaster enseigne, en un langage très net, la solidarité de tous en Adam pécheur par opposition à la solidarité de tous dans le Christ Sauveur. Quia Adam unus, id est, Eva et ipsa enim Adam est, peccavit in omnibus ; ila unus Christus fîlius Dci peccatum vieil in omnibus, v, 12, col. 92 B.

Tous les hommes ont péché en Adam comme dans une même substance qui, étant corrompue par le péché, a transmis sa corruption. Du fait que nous sommes tous d’Adam, nous sommes tous pécheurs : « In quo », id est Adam, « omnes peccaverunt ». Ideo dixit in quo, cum de mulierc loquatur, quia non ad speciem retulit, sed ad genus. Manifestum itaque est in Adam omnes peccassc quasi in massa ; ipse enim per peccatum corruplus quos gentil, omnes nati sunt sub peccato. Ex eo igitur cuncti peccalores, quia ex eo ipso sumus omnes. v, 12, col. 92 CD ; ix, 21, col. 138 D.

Cette interprétation de Vin quo peut être grammaticalement incorrecte ; il n’en reste pas moins qu’elle rend bien l’idée paulinienne (v, 12-19) d’un Adam source de péché pour toute la race issue de lui ; elle fait écho à cette affirmation d’Irénée : « Nous avons offensé Dieu dans le premier Adam » ; elle l’éclairé à la manière d’Origène, par l’idée d’un enveloppement de toute la race dans l’unité physique de la substance du premier père. Là où l’Alexandrin avait dit erant in tumbis Adæ, l’Ambrosiaster dit : in Adam quasi in massa.

En quoi consiste, pour l’homme déchu, l’hérédité de In prévarication ? En ce que, d’abord, il est soumis au péché, c’est-à-dire à l’infirmité de la chair et aux tentations du démon : Quid est enim subjectum esse peccato, nisi corpus habere vitio animée corruptum, cui se insérai peccatum et impcllal hominem quasi captivum delictis, ut facial voluntatem ejus ? vii, 14, col. 112 A.

Aux attaques du démon s’ajoute le poids des mauvaises habitudes qui subjuguent l’homme au péché. Ibid., col. 112 BCD. S’ensuit-il que l’homme ainsi accablé soit irresponsable ? Non pas, car la cause initiale de cet état, c’est sa faute et sa négligence. La tyrannie du péché s’exerce justement sur celui qui en a accepté l’esclavage. Quia enim mancipavit se per aiunsum peccato, jure illius dominatur. vii, 20, col. 113C.

D’ailleurs, en face de cette loi du péché qui habite « l.ins la chair, l’Ambrosiaster reconnaît dans l’homme une autre loi, celle de l’homme intérieur : car l’hérédité d’Adam n’atteint directement que la chair et non point l’âme qui ne vient point du premier père : quia non in aninw habitat peccatum, sr<i in carne qtue est ex origine carnis peccati et per trad.cem fît omnis caro peccati. Si enim anima de traduce effet ri tp$a, et in tpsa habilaret peccatum… In carne ergo habitat pecca tum quasi ad januas animæ. vii, 22, col. 114 A. Il y a des degrés parmi les enfants d’Adam dans leur soumission au péché ; il en est parmi eux qui n’ont pas de péché à la ressemblance de la prévarication d’Adam : ce sont les bons : ils ont connu Dieu sive ex traduce, sive judicio naturali, ils l’ont honoré ; s’ils ont péché — car il est impossible de ne pas pécher — ils l’ont fait sub Deo, mais non pas in Deum, qu’ils connaissent comme juge, v, 14, col. 94 D. Ils ne sont pas constitués pécheurs au sens fort, comme ceux qui ont imité Adam, par leurs propres prévarications. C’est de ces derniers seulement que l’Ambrosiaster entend Rom., v, 19 : Sicut enim per inobedienliam unius hominis peccatores constituti sunt plures… plures enim deliclum Adæ secuti sunt privvaricando, non omnes. Col. 98 A. Adam en plaçant toute sa race sous le péché, lui a légué, titulo hæreditatis, la mort, viii, 12, col. 122 A. Mais la mort n’a régné au sens plein que sur ceux qui ont péché à la ressemblance de la prévarication d’Adam.

(}) Dans l’autre vie. — La sanction est différente, en effet, selon que l’on a prévariqué à l’imitation d’Adam, ou que l’on n’est affecté que du péché paternel. Dans le premier cas seulement, c’est la condamnation à la mort seconde, à la géhenne, à l’enfer inférieur ; dans le second, c’est la retenue dans l’enfer supérieur en vertu de la sentence qui a condamné l’homme à la dissolution du corps ici-bas et à la retenue malheureuse de son âme dans les liens de l’enfer, v, 12, col. 92 et 93 A. Ceux qui n’avaient point agi à la façon d’Adam, les bons comme Abraham, étaient réservés autrefois, pleins d’espérance pour l’avènement du Christ, dans cet enfer supérieur qui était pour les justes un lieu de rafraîchissement. Les autres, au contraire, après la mort première, étaient condamnés à la mort seconde.

Mais, à la mort du Christ, la grâce abonda non seulement sur ceux qui n’avaient point de péchés propres, mais même sur ceux qui avaient péché à la ressemblance d’Adam : Quia et in eis qui deliclo Adæ morlui dicuntur, similiter peccantes, et in iis qui non peccaverunt in hac Ad : r pnevaricationis similitudine. Dei gratia abundavit : paterno autem peccato ex Dei sententia erant apud in/eros, gratia Dei abundavit in descensu Salvaloris, omnibus dans indulgenliam, cum triumpho sublatis eis in cielis. v, 15, col. 97. Ainsi, d’après l’Ambrosiaster, la grâce du Sauveur aurait ouvert même l’enfer inférieur.

Depuis l’avènement du Christ, le corps mortel, à cause de la prévarication d’Adam, devient, pour le croyant, immortel en espérance. L’autorité du démon, qui retenait les âmes dans les régions inférieures, est brisée par le Christ. Elle n’ose plus retenir celles qui sont marquées du signe de la croix, viii, 4, col. 118 C. L’Ambrosiaster reconnaît équivalemment ici ce qu’il affirmera plus nettement dans les Quwstioncs ; ceux qui n’ont pas le signe du triomphe sur la mort, même s’ils sont innocents de fautes personnelles, restent sous l’empire de la mort ; c’est-à-dire dans cet enfer supérieur qui n’est point la géhenne, et qu’il appelle un refrigerium. Ils sont exclus du ciel sans être condamnés à la mort seconde. C’est dire que, si l’Ambrosiaster, par son interprétation de Vin quo omnes peccaverunt, se rapproche beaucoup de saint Augustin, il ne laisse pas de s’en éloigner dans son interprétation générale de l’épîtrc aux Romains.

2. Les « Quwstioncs eteris et Novi Testamenti ». — Les idées que l’on remontre dans cet ouvrage éclaircissent quelques points de la théologie de l’Ambrosiaster sur la déchéance originelle.

I)ans la q. xix, notre auteur répond au problème suivant : Adam, au sortir des mains du Créateur, avait-il un corps mortel ou immortel ? Dieu, dit il. a fait l’homme pour l’immortalité aussi longtempi qu’il ne pécherait point : celui ci devait èl it l’ail isan de sa vie