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PÉCHÉ ORIGINEL. LES ANTIOCHIENS


désobéissance du premier, les seconds deviennent pécheurs, où est la logique ? Car il est clair que celui-là n’est pas digne de condamnation qui n’est pas devenu pécheur par lui-même. Que signifie donc ici le mot « pécheur » ? A mon avis, il veut dire : soumis au supplice et à la mort. » In Rom., hom. x, 2-3, col. 477. A s’en tenir à ce texte, on pourrait se demander si notre auteur a connu l’idée de péché héréditaire. Cf. J. Freundorfer, op. cit., p. 120. « Il est singulier, remarque Tixeront, que lui, si littéral dans son exégèse, explique le peccatores du texte de saint Paul (Rom., v, 19) non dans le sens de coupables, mais dans le sens d’hommes condamnés au supplice et à la mort. » Op. cit., t. ii, p. 148.

Mais on peut faire valoir d’autres textes pour éclairer la pensée du saint docteur. Voir l’art. Jean Ciirysostome, col. 676-679, où sont rappelés, entre autres, les textes de Jean que déjà saint Augustin citait pour montrer que son autorité n’allait point contre la doctrine catholique.

Le P. Jugie, dans sa brochure Julien d’Halicarnasse et Séuère d’Antioche, La doctrine du péché originel chez les Pères grecs, Paris, 1925, fait appel à un texte de la première homélie sur la pénitence, où Jean proclame la nécessité absolue du baptême pour avoir part à l’héritage céleste… (p. 27). L’orateur s’y exprime ainsi : « En dehors du baptême, personne n’est appelé du nom de fils.., avant le baptême, on ne peut recevoir les biens paternels, ni obtenir l’héritage. » De psenit., hom. i, 4, t. xlix, col. 282-283. Ce texte nous dit bien que les enfants morts sans baptême sont exclus de l’héritage céleste, mais il nous laisse sans explication claire sur la cause de cette exclusion et sur le sort de ces enfants. Dans une autre homélie sur la fête de Pâques, Jean déclare qu’Adam est mort d’une double mort, mort du corps et mort de l’âme ; que, comme lui, nous mourons d’une double mort, et que nous avons besoin d’une double résurrection. La résurrection de l’âme, c’est la résurrection des péchés. Ici encore, le texte nous laisse dans l’indécision sur le point de savoir s’il s’agit en nous d’une mort de l’âme héritée d’Adam, ou d’une mort due aux péchés personnels, à l’exemple d’Adam. De resurr., 4, t. l, col. 438-439.

Reconnaissons-le, il n’y a pas là de théorie bien précise du péché originel ; le moraliste, soucieux de faire agir en instruisant, a décrit le dynamisme de la faute originelle dans le monde, plutôt par ses elTcts les plus visibles et les plus utiles à connaître pour ses auditeurs que par son aspect fondamental ; il l’a fait avec cet optimisme qui entraîne à l’action et qui est celui de son milieu.

4° Théodore de Mopsueste (35$1-$228). — Comme l’archevêque de Constantinople, l’évêque de.Mopsueste est disciple de Diodore de Tarse ; il applique à toute la Bible la méthode exégétique de l’École d’Antioche. Mais il l’applique sans toujours tenir compte, autant que l’avait fait Jean Chrysostome, des données de la tradition. Aussi le verra-ton, vers la fin île sa ic. donner des gages au pélagianisme dans un ouvrage Contre ceux qui disent que 1rs hommes sont pécheurs par nature et non par volonté. Il est intéressant de marquer tout à la fois ce que conserve de traditionnel et ce qu’a d’original aussi sa conception sur le péché originel, d’abord dans ses commentaires sur la C.enèsc et l’épître aux Romains, ensuite dans son ouvrage sur le péché de nature.

1 Sa doctrine d’après ses ouvrages exégétiques. — Déjà, dans ces ouvrages, Théodore est préoccupé de marquer la place <lu péché et de la mortalité qui en est la conséquence dans l’ensemble du plan divin ; il décrit ensuite, d’après la Genèse et l’épître aux Romains, comment s’est réalisée en fait l’évolution de ce plan.

DICT. DE THÉOL. CATIIOL.

a) Place du péché et de la mortalité dans le plan divin. — Ce n’est pas sans raison que Dieu a permis l’entrée du péché et de la mort dans le monde ; c’est parce qu’il a jugé utile cette première expérience douloureuse, comme introduction à un état meilleur, qu’il a divisé les étapes du plan divin en deux parties : l’état présent et l’état futur, le présent, dans lequel il nous abandonnait à la mortalité et au changement ; le second, par lequel il nous fixait dans l’immutabilité et l’immortalité : « Car, s’il nous avait faits, dès l’origine, immortels et immuables, rien ne nous séparerait des êtres sans raison qui ne savent pas ce qu’est leur propre bien. Ignorant le changement, nous aurions ignoré le bien de l’immutabilité ; ne connaissant pas la mort, nous n’aurions pas connu l’avantage de l’immortalité ; ignorant la corruption, nous n’aurions pas estimé l’incorruption ; ne connaissant pas la lutte des passions, nous n’aurions pas admiré l’impassibilité. Bref, n’ayant point l’expérience des maux, nous ne pouvions mériter la science de ces biens. » In Gen., P. G., t. lxvi, col. 633 ; In Jonam, col. 317.

Pour la même raison d’utilité, Dieu a permis l’entrée du péché dans le monde : « Il ne nous était pas possible autrement de connaître le péché et la gène des passions, et, chose encore pire, notre propre infirmité. Dieu ne pouvait nous montrer la grandeur de l’immutabilité, sinon en établissant ainsi les choses à l’origine pour qu’ensuite, par comparaison et expérience, nous puissions apprécier la grandeur de ces biens infinis. » In Gen., col. 631.

Dans cette perspective, où l’état d’immutabilité et d’incorruptibilité du vouloir est tellement conditionné par l’expérience douloureuse du péché et de la mort, on se demande si Dieu a pu vouloir sérieusement, dès l’origine, un état où l’immortalité et l’innocence étaient promises conditionnellement à l’homme. Car ceux qui sont immortels pèchent éternellement. Y at-il donc place dans ce plan pour un état privilégié d’où l’homme serait déchu ? Dieu a-t-il eu des raisons de ne point donner tout de suite à l’homme ce qui lui était utile (la mortalité) ? Théodore répond à l’objection dans le passage suivant : « Dieu n’a pas donné à l’homme tout de suite ce qui lui était utile, afin qu’on ne blasphémât pas contre lui pour n’avoir pas donné l’immortalité à l’origine. Mais il établit d’abord le précepte, sachant que les hommes ne l’observeraient pas. Il voulut montrer aux hommes, en leur promettant l’immortalité comme suite de leur obéissance et en les menaçant de mort dans le cas contraire, qu’ils manquaient de foi en leur Créateur et bienfaiteur, au point d’espérer que la désobéissance leur vaudrait non seulement l’immortalité, niais la dignité divine. Que si leur chair avait obtenu en fait l’immortalité combien plus auraient-ils escompté devenir Dieu par leur désobéissance. Si la menace de mort n’a pu les pousser à observer le précepte, combien plus la confirmation dans l’immortalité aurait engendré plus sûrement leur ruine éternelle, i In Gen.. iii, 17, col. 640-611.

Ainsi, déjà d’après les écrits exégétiques de Théodore, Dieu a surtout en vue notre état actuel, et l’étal primitif n’entre dans ses décrets qu’à titre d’exception, d’expérience. Ce n’est plus Adam avec ses privilèges, c’est l’humanité présente qui devient le centre de l’économie du salut, son élément principal et régulateur. . Slomkowski, op. cit., p. 128. L’écrit contre le péché originel ne fera que pousser à bout les exigences de ce principe.

b) L’évolution historique du plan divin concernant le péché et lu mort. a. Dieu, dés l’origine, avait fait

des créatures Invisibles et visibles un tout harmonieux,

un xôo"|i.o< ;. L’homme composé d’un corps et d’une âme formait a l’origine un lien de sympathie entre le monde visible et le monde Invisible. II trouvait aide

T. — XII

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