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PECHE ORIGINEL. CLEMENT D’ALEXANDRIE


méconnu, pas plus que la nécessité de la grâce. Chaque chose est mise à sa place. La reconnaissance d’un état de déchéance ne fait pas oublier que, dans les siècles de tâtonnement, toujours le salut fut offert, jamais les âmes ne furent vides du secours de Dieu. L’homme a pu retarder l’aboutissement du plan divin, mais la miséricorde divine n’a jamais cessé de travailler à préparer l’achèvement de son œuvre par la venue du Verbe incarné et le règne de l’Esprit. Le Fils de Dieu s’est fait homme afin de transformer l’homme en Dieu, frénée est le représentant de cet optimisme chrétien qui a sa source dans la foi vive en la surabondance de la rédemption chrétienne. C’est le même optimisme que l’on retrouve vivant chez les Pères grecs et plus tard chez saint Thomas. Peut-être chez saint Irénée explique-t-il le fait que l’évêque de Lyon est moins attentif que ne le sera saint Augustin au déséquilibre de la concupiscence qui est décrit en termes si forts par l’Apôtre au c. vu de l’épître aux Romains.

II. LES PREMIERS ALEXANDRINS : CLÉMENT ET

ORIGÈNE. — Plus encore à Alexandrie, la patrie des grands gnostiques, Basilide Valentin et Carpocrate, qu’à Lyon, la lutte contre l’erreur s’imposait à l’orthodoxie. Tandis qu’Irénée s’était contenté d’opposer simplement à la gnose l’enseignement traditionnel de l’Église, les premiers Alexandrins, suivant les exigences de leur milieu, aussi bien que selon les tendances profondes de leur esprit, vont s’efforcer d’opposer à la fausse gnose des hérétiques la véritable gnose de la foi orthodoxe. De cette gnose, ils pensent trouver la clef dans l’interprétation allégorique des textes bibliques à la manière de Philon et dans l’explication philosophique des vérités traditionnelles, à la lumière de Platon.

Clément.

Il n’a pas exposé d’une façon synthétique

sa doctrine du péché originel. Il faut la chercher éparse dans ses livres. Pour la saisir, on devra se souvenir que Clément, dans son exégèse de la Genèse, dépend de Philon, et qu’au point de vue philosophique, comme Irénée et Tatien, il est dominé par la thèse classique de l’opposition entre l’être produit et l’être improduit : seul Dieu est incorruptible et parfait ; l’homme, par sa nature, appartient à la corruption et au changement ; il est imparfait et ne peut arriver à l’àepOapcta que par une participation à la nature divine. Le mal n’est point dans le déterminisme mauvais des créatures ; il a son origine dans la liberté de la créature.

1. La faute d’Adam. Clément connaît la faute d’Adam et il [’explique, comme Philon, par l’usage prématuré du mariage contre la volonté de Dieu.

Les gnostiques posaient l’objection suivante Adam a-t-il été créé parfait ou imparfait ? Si impar fait, comment l’œuvre de I Heu, surtout quand il s’agit de l’homme, pourrait-elle être imparfaite ? Mais s’il fut créé parfait, comment pouvait-il transgresser les commandement s’? Clément estime qu’d ; nn n’a pas été créé dans un état de perfection, mais apte a acquérir la vertu, parce que Dieu veut que nous nous sauvions nous-mêmes. Strom., I.xii, P. G. t. ix, col. 317 1 i. Parla, Clément veut affirmer que la perfection morale est le fruit du libre arbitre et non pas du déterminisme des n a i mes. Dieu seul, par nature, est sans péché, et l’homme, par cela seul qu’il est un être fini, ne peut échapper a la possibilité de faillir, l’ait., I. H, P. <L. t. viii, col. 252, 253. Il est loin de nier que le premiei homme ait connu mu perfection relative, au moment où il est sorti des mains de Dieu. Nous disons que le premier homme clait parfait quant a sa formation, parce que rien ne lui manqua de ce qui caractérise l’idée ci la force de l’homme. Strom., IV, xxiii, t. vin. col. 1360.

Quant à son devenir moral, il en possédait en h i

l’instrument, le libre arbitre. Le choix était en son pouvoir ; Dieu n’était pas responsable.

En vertu de cette perfection innée, le premier homme a été créé pour l’incorruptibilité, fait à l’image de Dieu. Strom., VI, xii, t. ix, col. 317. La véritable image de Dieu, c’est le Verbe divin, et l’image de cette image c’est le voûç humain. Strom., V, xiv, t. ix, col. 140.

Adam et Eve ainsi créés étaient dans un état d’innocence et de simplicité, l’état d’enfance spirituelle et corporelle. Leur faute est d’avoir librement, contre la volonté de Dieu, usé prématurément du mariage et cédé ainsi à la concupiscence. « Le premier homme dans le paradis jouait en liberté parce qu’il était enfant de Dieu. Lorsque, succombant au plaisir (car le serpent représente allégoriquement le plaisir qui rampe sur le ventre, méchanceté de boue, tourné vers la matière), il se laissa conduire par la passion, l’enfant devint homme par sa désobéissance et ayant méconnu son père, il rougit de Dieu. Ainsi s’affermit le plaisir. L’homme libre par sa simplicité, fut trouvé lié par le péché. » Protrept., xi. t. viii, col. 228 (trad. dans Bardy, Clément d’Alexandrie, Paris, 1926, p. 49). Cf. Strom., III, xvii, col. 1205 : < Ils furent poussés à la procréation des enfants plus tôt qu’ils ne le devaient et, trompés par une fraude, ils engendrèrent étant encore jeunes. Aussi, le jugement de Dieu est-il juste contre ceux qui n’attendirent pas sa volonté. » Voir aussi ibid., xiv, col. 1194.

Adam et Eve. de ce chef, devenaient esclaves du péché, de la corruption, « échangeaient une vie mortelle contre une vie immortelle, mais pour un temps seulement ». Strom., II, xix, col. 1041. Nous retrouvons ici l’allusion à l’idée d’Irénée sur le salut d’Adam. Philon avait caractérisé la faute d’Adam et surtout ses conséquences à peu près dans les mêmes termes. Cf. ci-dessus, col. 303. Ainsi, pour Clément comme pour Philon, la concupiscence, loin d’être une suite du premier péché, en est l’explication.

2. Retentissement de la faute d’Adam.

Tout en reconnaissant que le péché est entré dans le monde par Adam, et tout en enseignant que le Christ a racheté L’humanité de la corruption et de l’esclavage universel du péché, Clément ne s’explique pas clairement sur le rapport de l’universelle corruption avec la faute du premier père.

Après avoir dit d’Adam déchu : » L’homme libre par la simplicité fut trouvé lié par le péché, il ajoute : < Le Seigneur voulut l’arracher à ses liens et, revêtu de chair, il dompta le serpent, il réduisit le tyran à la servitude et à la mort ; chose plus étonnante que tout, il montra délivré, grâce à ses mains étendues, l’homme qu’égarait le plaisir, que retenait la corruption. O mystérieux prodige ! le Seigneur se couche, l’homme se relève ; celui qui est descendu du paradis reçoit la suprême récompense de l’obéissance, le ciel. » Protrept., xi, col. 228. Ainsi l’homme, esclave du péché depuis la chute, voué à la corruption, est délivré de ses liens de servitude et de morl par le Christ. Seul le Verbe esl sans péché ; le péché est, par nature, inné et commun à tous. Pœd., III, xii. t. iii, col. 672 C. Chez nous comme chez Adam, il y a un penchant inné à l’erreur cl.i la volupté. Strom., II, xii, t. viii, col. 992 ; lll, i. col. [193-1194.

Mais cette inclination au péché, commune, Innée, i ci i c universelle corrupl ion dont Jésus Christ est venu

nous délivrer, en mettant en nous l’Espril d’incorruptibilité, est-elle le fruit de la malheureuse condition de notre nature créée, qui, naturellement, fructifie le péché personnel, ou est -ci le héréditaire, en dépendance du premier pechc.’Le langage de Clément n’est clair nulle part sur ce point. Sur l’universalité de la corruption et de la tendance au mal, il parle comme Philon.