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    1. PÉCHÉ ORIGINEL##


PÉCHÉ ORIGINEL. SAINT [RENÉE

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col. 2458. Il est un parfait interprète de la doctrine paulinienne, d’après laquelle le péché d’Adam nous a tous constitués pécheurs. Sans donner un commentaire littéral du c. v de l’épltre aux Romains, Irénée s’en inspire dans de nombreux textes où, par contraste, il parle de la restauration de l’humanité dans le Christ. C’est bien un écho de Rom., v, 19, que l’on entend Cont. hær., V, xvi, 3, col. 1 108 : « Nous avons offensé Dieu dans le premier Adam en transgressant son précepte ; mais nous avons été réconciliés avec lui dans le second Adam, parce que nous avons obéi jusqu’à la mort. Nous n’étions débiteurs à l’égard d’aucun autre, sinon à l’égard de celui dont nous avons transgressé le précepte au commencement. » Même idée exprimée d’une façon concise dans cette formule : Percussus est homo initio in Adam inobediens. V, xxxiv, 2, col. 1216. C’est presque mot à mot le texte de Rom., v, 19, que nous lisons, III, xviii, 7, col. 938. Ainsi, pour Irénée, formons-nous une unité mystique en Adam comme en Jésus-Christ : en Adam elle nous fait solidaires de sa désobéissance, dans le Christ elle nous rend solidaires de sa justice. Par là nous participons à la culpabilité et à la peine de notre premier père : « Le Verbe s’est fait chair, afin de détruire la mort et de rendre la vie à l’homme. Car (avant lui) nous étions dans les liens du péché, devant naître coupables et sujets à la mort. » Déni., 37, p. 775.

Aussi l’humanité tout entière, qui est enveloppée dans la transgression primitive, a-t-elle besoin à tous les âges, même chez les enfants, de la purification du baptême. Cont. hær., II, xxii, 4, col. 784 ; V, xv, 3, col. 1166.

Irénée affirme le fait de notre solidarité dans la faute originelle sans se préoccuper de savoir comment nous sommes ainsi enveloppés en Adam pécheur. Il lui suffit de tenir de saint Paul le fait de notre unité mystique dans Adam et dans le Christ.

2. Tous nous avons perdu en Adam et avec lui ce que nous avons retrouvé surabondamment dans le Christ. — La solidarité dans la faute avec Adam entraîne pour tous les descendants de celui-ci la solidarité dans le châtiment. En écrivant : « Ce que nous avons perdu en Adam, à savoir l’image et la ressemblance de Dieu, nous l’avons recouvré dans le ChristJésus », III, xviii, 1, col. 932, l’évêque de Lyon nous laisse entendre que le bilan de nos pertes s’établit d’après les biens que comportaient l’image et la ressemblance divines en Adam et qui nous ont été restitués dans le Christ. Le bilan de notre déchéance est le même que celui d’Adam : perte de la vie divine (àçôapaîa) de l’âme et du corps, perte de la sainteté, de l’innocence, inclination à la concupiscence, captivité du démon, destruction de cette vie dont l’intensité et la force venaient du souffle divin et mettait notre premier père à l’abri du mal, etc…

L’homme faisait ainsi l’expérience de l’infirmité, de la misère native et de la mortalité de sa nature, et apprenait à regarder comme un don divin l’immortalité qui lui avait été proposée à l’origine. III, xx, 1, col. 942-943. Mais là ne s’arrêtait point le plan divin. Heureusement, les descendants d’Adam, comme leur premier père, ont gardé la liberté de choisir entre le bien et le mal. IV, xxxvii, 1-7. col. 1099 sq. Dieu a eu pitié de l’humanité blessée, tombée entre les mains des voleurs, et lui a donné l’assistance du Fils et de l’Esprit pour l’aider à produire encore des fruits. III, xvii, 3, col. 930. Ainsi se révèle à l’égard de l’humanité déchue, même avant le Christ, la patience, la bonté, la miséricorde, la puissance de salut du Père, comme se révèle la valeur d’un médecin dans les soins qu’il donne à son malade. 111, xx, col. 942-945.

Les mains divines n’ont jamais totalement abandonné les descendants d’Adam. Par le Verbe qui

s’habituait à descendre vers l’homme, par l’Esprit prophétique, le Père préparait progressivement, à travers les siècles, l’achèvement de son œuvre. Cf. IV, xxx viii, 4, col. 1109. La bonté de Dieu triomphe du péché dans l’humanité comme dans Adam, en rénovant l’homme à son image et à sa ressemblance, et en établissant la vie divine a demeure en lui par l’Esprit-Saint. « Car de même qu’au commencement de notre création en Adam, ce « souffle de vie » qui venait de Dieu, uni à la créature, anima l’homme et le montra animal raisonnable, ainsi, à la fin des temps, le Verbe du Père et l’Esprit de Dieu, s’unissant à l’antique substance dont Adam fut formé, produisirent un homme vivant et parfait qui saisit le Père parfait ; afin que, de même que tous sont morts dans celui qui était animal, tous soient vivifiés dans le spirituel. Adam n’a pu fuir ainsi les mains de Dieu (le Fils et l’Esprit) auxquels le Père a dit : « Faisons l’homme à notre image et à notre « ressemblance. » C’est pourquoi, à la fin des temps, non par une volonté de la chair, non par une volonté de l’homme, mais par la bienveillance du Père, ces mains ont amené à sa perfection l’homme vivant, afin qu’Adam fût bien à l’image et à la ressemblance de Dieu. » V, i, 3, col. 1123.

C’est là le triomphe du plan divin sur le péché d’Adam. Le Verbe rédempteur, en répandant l’Esprit dans les âmes, rouvre plus largement, plus profondément, d’une façon définitive et stable, le courant de vie divine dont il avait placé la source en Adam. Malgré le retard du péché, le plan divin aboutit : « d’abord faire des hommes, puis les transformer lentement à la ressemblance de Dieu pour en faire des dieux ». IV, xxxviii, 4, col. 1109.

Conclusion. — Saint Irénée a dit de la tradition vivante : « Comme un dépôt excellent en un vase de prix, elle rajeunit sans cesse et elle renouvelle la jeunesse du vase qui la contient. » III, xxiv, 1, col. 966. Ces paroles sont particulièrement vraies de sa doctrine du péché originel. Il nous livre en celle-ci le dépôt excellent qu’il a reçu : le mal ne vient pas de Dieu, , mais de l’homme qui n’a pas su se tenir à l’égard de son maître dans l’état de soumission convenable ; aussi a-t-il été réduit à son infirmité native d’être créé ; le rejaillissement de la faute et de la peine d’Adam sur toute sa race s’éclaire du rejaillissement plus grand encore de la grâce et de la vie du second Adam sur ses frères. Mais, comme un dépôt excellent dans un vase de prix, cette doctrine ancienne rajeunit en passant par l’âme d’Irénée. Vivante, elle s’assimile les vérités ambiantes sur la nécessaire distance du produit par rapport a l’improduit, sur l’état d’imperfection relative, d’inexpérience de la créature qui commence, sur la nécessité d’une communication gracieuse du bien divin de l’àoGapata pour que l’homme s’acheminelentement versla perfection. Féconde parce que vivante, elle rayonnera dans l’avenir. Cette admirable synthèse, oii l’évêque de Lyon nous montre Dieu mettant sa gloire à élever par degrés l’homme faible et imparfait, « éveillera dans toute la théologie grecque un écho prolongé : cet allaitement de l’humanité par le Verbe qui s’abaisse jusqu’à son enfance, cette vie de l’Esprit, symbolisée par le pain des forts, ne sera plus oubliée. » Lebreton, op. cit., p. 585. Saint Athanase, dans ses écrits de jeunesse, s’en inspirera ; saint Augustin aimera à prendre comme point de départ de ses méditations la doctrine d’Irénée sur l’unité mystique de l’humanité en Adam. Et c’est peut-être encore aujourd’hui cette synthèse qui éclairerait le mieux les faits que nous révèle l’histoire des longs siècles qui séparent la chute de Jésus-Christ. Voir sur ce point un beau développement dans Pinard de la Boullaye, L’élude comparée des religions, t. t, Paris. 1922. p. 02. Dans cette perspective, le péché originel n’est pas.