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PÉCHÉ ORIGINEL. SAINT IRENEE


la Genèse et par saint Paul ; Irénée les rappelle, Démonst., 17, p. 764, et Cont. hær., III, xxiii, 1-5, col. 960-965. Il précise : Adam a perdu la robe de sainteté qu’il avait reçue de l’Esprit. Ibid., col. 963 C. Après leur péché, Adam et Eve ne possèdent plus l’innocence : serait-ce parce que, devenus grands, l’éveil de la concupiscence fut chez eux la conséquence de la perte de leurs sentiments d’enfants, ou serait-ce parce que la vigueur du « souffle de vie qui mettait leur pensée et leur esprit à l’abri du mal » avait perdu son intensité et sa force ? Irénée propose tour à tour ces deux explications. Il reste qu’Adam et Eve perdirent et l’innocence et la « vie » du corps et de l’âme, qu’ils tenaient du souffle de vie : Explosa est pristina vita, quoniam non per Spirilum sed per afflatum fuerat data. V, xii, 1, col. 1152.

Perdirent-ils, avec l’image et la ressemblance de Dieu, avec le bonheur ici-bas et l’incorruptibilité, le Saint-Esprit ? On serait tenté de le conclure de ce fait qu’Irénée met un rapport intime entre l’état du chrétien et celui d’Adam : nous recevons dans le Christ ce que nous avons perdu en Adam ; or, le chrétien possède l’Esprit ; donc, pouvons-nous logiquement conclure : Adam possédait l’Esprit-Saint. Il y a de plus que, pour Irénée, le Père a créé l’homme à son image et à sa ressemblance par ses deux mains : le Verbe et l’Esprit ; qu’Adam tenait aussi sa sainteté de l’Esprit. L’Esprit-Saint n’a donc point été étranger au fait de la production de l’état privilégié du premier homme. Tatien, d’ailleurs, avant saint Irénée, avait affirmé que le péché d’Adam avait mis en fuite l’Esprit-Saint. On comprend que, pour toutes ces raisons, A. d’Alès, La doctrine de l’Esprit dans Irénée, dans Recherches de science religieuse, 1924, p. 512-514, et F. Vcrnet, a/7, cit., col. 2457, comptent la perte de l’Esprit-Saint parmi les conséquences attachées par Irénée au péché originel.

Mais il y a une objection : ce sont les passages où Irénée, malgré les ressemblances profondes qu’il reconnaît entre la « vie » d’Adam et celle du chrétien, marque des différences. A. Slomkowski a relevé ces différences : Irénée, dit-il, « n’attribue pas à nos premiers parents tous les dons spirituels du chrétien, et c’est à ses yeux l’Écriture elle-même qui s’oppose à cette complète identification. Le contraste que saint Paul établit entre les deux Adams est pour lui décisif. Car la « vie » fut donnée au premier homme par le souffle divin, tandis qu’après l’avènement du Christ, c’est l’Esprit de Dieu qui la produit. Et c’est précisément cette différence d’origine qui fut la cause de sa perte : Explosa est pristina vita, quoniam non per Spirilum, sed per afflatum fuerat data. « Car, expliquet-il, autre chose est le souflle de vie qui fait l’homme animal, autre est [’Esprit vivifiant qui le fait spirituel. » Cont. hier., Y, xii, 2, col. 1152.

De cette distinction, Irénée trouve un conprmatur dans Isaïe (xlii, 5 ; lvii, 16) qu’il commente en ces termes : « Ainsi, le souflle est temporel, l’Esprit éternel. El le Bouffie, après avoir vite grandi et duré quelque temps, s’en va, laissant inanimé celui auquel il appartenait ; mais l’Esprit, après avoir enveloppé l’homme par le dedans et par le dehors, persévère l mijours et ne l’abandonne jamais. Seulement l’être spirituel n’apparaît point d’abord, « lit l’Apôtre, mais d’abord l’animal. et puis le spirituel. I Cor., XV, 15. C’est naturel,

il fallait d’abord que le corps de l’homme fût (orme et qu’une fois formé, il reçut une âme ; après quoi il recevrait participation à l’Esprit. C’est pourquoi le premier Adam fut fait pal le SeigneUl fane h mit c, le ond Adam, esprit vivifiant. I Cor., xv, 45. Celui loue qui avait été fait âme vivante, ayant Incliné BU mal. perdit la vie ; mais, en faisant retour au bien, il acquerra l’Esprit vivifiant et obtiendra la vie. » //</<L,

col. 1152-1153. « Ces passages, conclut A. Slomkowski, marquent visiblement une différence entre l’état d’Adam et celui que l’homme possède grâce à la rédemption. Ici et là, l’homme possède la « vie » ; elle est commune à Adam et au chrétien. Ce qui diffère, c’est le mode suivant lequel cette « vie » est donnée. Dans le premier cas, elle est due au « souffle », et c’est pourquoi elle est si fragile ; dans le second cas, c’est l’Esprit qui en est la source. » Op. cit., p. 42.

On retrouvera le même sens dans un passage déjà cité, Démonst., 14, p. 763, où il est question du souflle de vie qui, « tant qu’il conserve son intensité et sa force, met la pensée d’Adam à l’abri du mal ». De même, dans le passage suivant : « Son plan sur l’humanité par rapport au Fils de Dieu, le Verbe l’avait préformé en lui-même, préformant d’abord Y homme animal pour qu’il fût sauvé par le spirituel. » Cont. hecr., III, xxii, 3, col. 958. Dans cette perspective, il serait difficile d’accorder, d’après Irénée, aux premiers parents, toute la perfection du chrétien. Sans doute, comme nous ils avaient la « vie » du corps et celle de l’âme. « Mais ce qui les distingue de nous, c’est la manière dont cette vie leur fut donnée. Substantiellement identique au nôtre, leur état spirituel en reste loin par la moindre perfection de son origine et la fragilité de son existence. Ce qui sauvegarde tout à la fois la continuité de l’économie divine et la suprême excellence de la rédemption. » Slomkowski, p. 45.

Si ces conclusions sont justes, on peut dire que, pour Irénée, Adam, par le fait de l’action commune aux trois personnes, possédait bien en lui la source du courant spirituel que le Christ a rouvert pour l’humanité. Il avait en lui le germe de la vie incorruptible, la sainteté qu’il tenait de l’Esprit ; il ne possédait pas encore à demeure l’Esprit d’adoption, (moi qu’il fût formé à l’image et à la ressemblance divine avec la coopération de cet Esprit. Il tenait sa « vie » du souffle de vie. De là le caractère précaire de celle-ci. Par sa faute, il a perdu cette vie divine ; il a échappé pour un temps aux mains de Dieu ; mais ces mains l’ont vite ressaisi. Irénée nous le montre, dès le lendemain de sa faute, dans l’esprit de pénitence et de crainte de Dieu avec le souci de réfréner les mouvements impétueux de la concupiscence. Dieu, dans sa miséricorde et sa puissance, a eu pitié de lui ; il a maudit surtout la terre et le serpent séducteur et il lui a donné le salut. La mort a fait cesser pour Adam les misères terrestres et l’a fait vivre pour Dieu. Cont. lurr., III, xxiii, 7, col. 964.

Ce n’est donc pas dans Adam que l’action du Saint-Esprit s’est manifestée avec le plus d’éclat, c’est dans l’incarnation. C’est alors que l’Esprit a « enveloppé l’homme par le dedans et par le dehors pour ne l’abandonner plus ». Dieu a fait le second Adam esprit vivifiant, créateur de l’homme parfait, spirituel. Ainsi < le premier édifice que le poche avait renversé est relevé plus noblement ; l’humanité progresse et par degrés monte vers Dieu ». J. Lebreton, Histoire du dogme de ta Trinité, (’» < éd., t. ti, p. 604.

Le péché originel dans l’humanité.

Irénée

affirme nettement que tous nous avons péché on Adam, que tous nous avons perdu l’image et la res semblance divine avec lui, Nous formons ainsi une unité mystique avec nos premiers parents dans l.i dl

chéance, comme nous formons une unité mystique

te i in ist pour le salut.

t. Nous iirmis tmf* péché en L<ftun. Ce n’est pas

sans raison que saint Augustin, Cont. Julian., I. 1.

c. m. P. L., t. ju.iv, col. 644, ei Bossuet, Défense de lu

tradition et des saints l’iris, 1 1°- part., I. VIII, C. XXI

xxiii, Œuvres, édlt. Lâchât, t. iv, Paris, 1862, p. 307 309, en ont appelé au témoignage d’Irénée pour dé fendre la doctrine du péché originel ; cf. art. Irénéi.