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    1. PÉCHÉ ORIGINEL##


PÉCHÉ ORIGINEL. LA TRADITION

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le fait de la transmission du péché. Mais, répond-il à la question « comment se communique-t-il » ?

Paul n’emploie pas la formule augustinienne « tous ont péché en Adam » ; mais l’idée que cette formule exprime est dans la logique de sa pensée. L’auteur y achemine en disant que tous meurent en Adam comme tous ont été vivifiés dans le Christ, en affirmant que tous ont été crucifiés avec le Christ, Rom., vi, 6-8, que nous sommes tous morts avec le Christ, II Cor., v, 14, que nous sommes ressuscites avec lui. Col., ni, 1-3.

Toutes ces expressions nous invitent à mettre à la base de la corruption, de la déchéance d’Adam et de la restauration dans le Christ l’idée de solidarité déjà si ancienne dans les conceptions religieuses du peuple. En vertu de cette solidarité, nous faisons un avec Adam comme nous faisons un avec le Christ.

Pour constituer la solidarité en Adam, Paul ne parle d’aucun autre lien que de celui de la chair. Par le fait de ce lien, tous les individus se fondent en la personne d’Adam : ils ne sont, pour ainsi dire, que le prolongement du premier homme. Ainsi, la désobéissance d’Adam devient la désobéissance de sa race qui fait une unité avec lui.

Si les liens de la génération naturelle unissent à Adam, ceux de la foi, de la régénération surnaturelle, font l’unité des fidèles avec le Christ : par le premier lien, on reçoit le péché et la mort : par le second, la justice et la vie.

Peut-on aller plus loin et éclairer Rom., v, 12, par Heb., vii, 10 ? Il est dit, dans ce dernier texte, que Lévi même qui perçut la dîme l’a payée (avant de naître), pour ainsi dire, en la personne d’Abraham, èv T7) ôacpÙL lorsque Melchisédech alla a la rencontre de celui-ci. Paul, en faisant de la culpabilité de la désobéissance d’Adam la culpabilité de tous, a-t-il pensé à cette implication de tous en Adam au moment du péché ? Augustin et d’autres avant lui ont ainsi compris l’Apôtre. Il n’est pas invraisemblable que telle fut la pensée de celui-ci, mais il est difficile de le prouver.

Paul, sur la doctrine du péché originel, est certainement en progrès sur la Synagogue ; il n’a point encore cependant les précisions d’Augustin et des conciles sur cette question. La Synagogue connaissait la mort et la déchéance héréditaires ; tout en connaissant une peine universelle attachée à la déchéance du premier père, elle ne voyait pas bien comment cette peine commune entraînait une participation commune- à une faute unique. Dans la lumière de l’Esprit et du fait de la rédemption aussi, Paul a compris qu’à une peine commune correspondait une responsabilité commune. Puisque tous meurent en Adam, tous sont solidaires de la faute d’Adam.

Cependant, Paul ne dit pas explicitement ce que dit Augustin et ce que dit l’Église. Sur ces questions : en quoi consiste précisément ce péché d’origine ? coin nient se communique l il ? pourquoi nous est-il im pute ? en quel sens nous devient-il propre ? Jusque quel point a t il corrompu la nature ? La tradition réfléchira et précisera davantage la doctrine, mais elle le fera en développant le germe doctrinal contenu dans l’Ancien Testament et surtout dans suint Paul.


II. LA TRADITION ECCLÉSIASTIQUE AVANT LA CONTROVERSE PÉLAGIENNE. LES PÈRES GRECS.


I. Jusqu'à la controverse gnostique.
II. La tradition en face de la gnose (col. 322).
III La tradition grecque au iv siècle (col. 343).

I. Jusqu'à la controverse gnostique

Il est certain qu’à cetti époque la doctrine du péchi gincl ne tient pas une grande place dans la perspec tive de Pères apostoliques et des apologistes i qu’en fait, elle n’est l’objet d’aucune contestation ; les préoccupations se portent plutôt vers la réalisation dans l’avenir de l’espérance chrétienne que vers ks origines de l’humanité. La personne du Sauveur et son œuvre sont alors l’objet de la contemplation ; les chrétiens savent ce qu’ils lui doivent : la rémission des péchés, mais il n’apparaît pas qu’ils aient utilisé dès lors le rapprochement fait par saint Paul entre la rédemption et la chute pour saisir, dans un contraste, la nature de l’œuvre salvifique. Cependant, les allusions de saint Justin à la faute originelle méritent d’être relevées, et les réflexions plus précises de Tatien et de Théophile d’Antioche, autour du thème de l’image de Dieu, imprimée en Adam par le Verbe et détruite par le péché, nous apparaissent comme des ébauches précieuses des développements postérieurs.

Justin mentionne plusieurs fois la faute d’Adam et témoigne de ses rejaillissements funestes sur le genre humain tout entier. « (Le Christ) a souffert d’être crucifié pour la race des hommes qui, depuis Adam, était tombée au pouvoir de la mort et dans l’erreur du serpent, chaque homme commettant le mal par sa propre faute. » Dialog., lxxxviii, 4, P. G., t. vi, col. 685 C.

Plus net encore, dans le sens d’un état de déchéance consécutif à la faute d’Adam, est le texte suivant : < 11 s’est fait homme par la Vierge, de sorte que c’est par la voie qu’elle avait commencée que prend fin la désobéissance venue du serpent. Eve était vierge, sans corruption ; en concevant la parole du serpent elle enfanta désobéissance et mort. Or, la vierge Marie conçut foi et joie, lorsque l’ange Gabriel lui annonça la bonne nouvelle… Il fut donc enfanté par elle celui par qui Dieu détruit le serpent avec les anges et les hommes qui lui ressemblent et délivre de la mort ceux qui font pénitence de leurs mauvaises actions et qui croient en lui. » Dial., c, 4-6, col. 709 D-712 A.

Ce passage évoque certainement la faute d’Adam et d’Eve décrite dans la Genèse ; il nous montre cette faute engendrant un état de désobéissance et de mort qui ne cesse en principe que par l’œuvre rédemptrice. Saint Justin prend-il ici la mort dans un sens uniquement corporel ou dans un sens spirituel aussi ? La fin de la phrase et particulièrement l’expression « délivre de la mort » nous inviterait à opter pour le sens le plus large. Quoi qu’il en soit, il est clairement enseigné ici que le mal et la mort sont entrés dans le monde par suite de la désobéissance d’Adam. Sur l’explication du texte relatif aux effets du baptême. / Apol., LXI, 10, col. 121, voir ce qui est dit art. JUSTIN, col. 227(1.

.Mais, si Justin est un vrai témoin de la chute et de ses tristes conséquences, s’il enseigne claire ment que le péché d’origine a engendré la mort, il ne dit cependant nulle part que celle solidarité dans la peine implique une solidarité dans la faute ; peut-être pourrait-on tout au plus le déduire du fait qu’il met sur un même plan l’état cle désobéissance et l’état de mort comme conséquences du péché d’Adam.

Tatien, disciple de Justin, est plus explicite que son maître sur l’état originel de I humanité el sur les conséquences de la chute d’Adam.

Il en parle, certes, en chrétien. Son point de départ est dans le terme script m aire ele l’image de Dieu, que reprendront souvent les Grecs ; niais, ce thème, il le développe sous l’influence de la philosophie du mo nient, dans un sens qui f ; iii tort.i ta doctrine révélée.

C’est dans le Discours atll dm s ( ers 17’M. que l’on i ion era ses idées sur ce point. On ne peut séparer nulle part la doctrine du i" originel cle celle’ele l’étal primitif ; plus qu’ailleurs encore, chez lai len. les deux doctrines sont essent ici le ment dépendantes l’une de l’autre.

1. Etat primitif de l’homme : il est créé à l’image de Dieu. Comme son maîtreJustin. Tatien est dominé