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    1. PECHE ORIGINEL##


PECHE ORIGINEL. LE JUDAÏSME POSTERIEUR

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indirectement par l’atmosphère ambiante des idées chrétiennes, il reflète certainement les idées qui vivaient en Palestine au temps de saint Paul. Ses afïinités avec les écrits de l’apôtre ont frappé les critiques : « Tous deux, l’auteur de l’Apocalypse et l’Apôtre, sont persuadés de la profonde corruption de la nature humaine et désespèrent de pouvoir mériter le salut par les œuvres de la Loi ; tous deux ont aussi des tendances universalistes. » Cf. Frey, Apocryphes de. l’Ancien Testament, toc. cit., col. 415.

Si l’anonyme d’Esdras se rapproche de saint Paul sur certains points, il s’en écarte sur d’autres, spécialement en ce qui concerne l’origine du péché d’Adam, et sur ses conséquences.

Le péché d’Adam n’est point expliqué par une suggestion venue du dehors (l’influence des veilleurs ou celle du serpent de la Genèse), mais par un germe mauvais inné à l’homme. Ce germe préexistait à la faute d’Adam ; loin d’en être la conséquence, il en est la cause ; il est naturel et congénital à Adam et à tous ses descendants. Adam portait en lui un cœur mauvais, aussi transgressa-t-il et fut-il vaincu : cor enim malignum bajulans primus Adam transgressus est et victus est. iii, 21-22. « Un grain de semence mauvaise avait été semé dès le commencement dans le cœur d’Adam. » iv, 30. Ce germe c’est la « pensée mauvaise », cogitamentum malum. vii, 92.

Le cœur mauvais explique non seulement le péché d’Adam, mais la corruption générale de l’humanité. Inné au premier homme, il montre la faiblesse de celui-ci dans la transgression et celle encore de ses descendants. « Ainsi, l’infirmité devint habituelle (permanente). La Loi, il est vrai, était dans le cœur du peuple, mais en conflit avec le mauvais germe. Ainsi ce qui était bon disparut et le mal demeura. » iii, 21-22.

Voilà le secret de la perversité humaine. Dans les descendants d’Adam comme dans le premier père, le mauvais germe triomphe de la Loi. La Loi qui était au cœur du peuple, iii, 22, aurait pu le conduire à la félicité éternelle, ix, 31, mais on ne garda pas ses préceptes, ix, 32. De même que le penchant au mal qui existait en Adam lui fit transgresser l’ordre divin, ainsi l’inclination mauvaise implantée dans les hommes, explique l’abandon quasi général de « la Loi de vie ». xiv, 30. En succombant à la sollicitation du mal, les hommes ne font qu’imiter leurs ancêtres : « Ils agissent comme Adam, car eux aussi ont un cœur mauvais », m. 2(> : c’est ce cœur mauvais » qui leur » fait connaître les sentiers de la perdition », qui « les éloigne de la vie, et c’est là le cas « non d’un petit nombre, mais de presque tous ceux qui ont été créés », vii, 48 ; cf. Frey, art. cité. p. 536.

Aussi faut-il concevoir la source du péché comme un germe mauvais qui est inné dès l’origine en Adam, qui fixe ses racines parmi les hommes, iii, 22, qui grandit Hi eux, ii, 18, qui ne cessera de produire de funestes conséquences jusqu’à la fin du monde. VIII, 53 ; IV, 30. Ce n’est pas là une nécessité, car l’homme peut en triompher en s’appuyant sur la Loi. En fait, presque toujours, il succombe.

Mail le cœur mauvais. le germe mauvais », tel qu’il préexistai ! à la faute d’Adam, explique t il à lui seul l’universalité « lu péché ? Quelles sont 1rs conséquences de la faute d’Adam, son influence sur le péi né de ses descendant’Il est certain que l’auteur d’Esdras, conformément A Gen. iii, attribue l’origine « lu mal physique et de la irn>rt dans le monde à la faute d’Adam. C’esl celle-ci qui attire sur Adam et ses descendants la mort. lu, <l. C’csl elle qui explique les misères actuelles insi en est il de la pari d’Israël. Car c’est ! en ta faveur que j’ai Fait le n’! « . mais, quand Adam tt gressa mes commandements, alors « qui avait été fait fut jugé ; et alors les voies du monde devinrent étroites, pleines de chagrins et de peines, remplies de dangers et de fatigues. » vii, 11-12. Ce monde n’est plus tel qu’il est sorti des mains de Dieu, cela par le fait d’Adam.

A côté de ces conséquences physiques, n’y a-t-il pas d’autres conséquences morales du péché d’Adam ? Les textes examinés jusqu’ici nous montrent qu’il ne peut être question, pour l’auteur, d’une extension de la culpabilité d’Adam à ses descendants. La diffusion du péché s’explique autrement : Adam avait le cœur mauvais, ses descendants aussi ; c’est pourquoi ceuxci ont péché comme celui-là. Puisque le cor malignum existait avant la faute d’Adam, tout ce qu’a fait le premier homme fut de transmettre le mauvais penchant, et celui-ci, fortifié par toutes les transgressions successives, a entraîné la plupart des hommes à la perdition. Ceux qui sont maîtres de ce mauvais penchant hériteront de la joie de l’âge à venir : « Et maintenant je vois que l’âge à venir apportera la joie à un petit nombre, mais le tourment à un grand nombre. Car le cœur mauvais s’est développé en nous, et il nous a éloignés de Dieu et conduits à la destruction ; il nous a fait connaîtreles voies de la mort et il nous a éloignés de la vie, et non seulement un petit nombre, mais presque tous ceux qui ont été créés. » vii, 47, cꝟ. 68.

Mais voici un texte qui semble établir une relation étroite de causalité entre la faute d’Adam et celle de ses descendants. Il faut le lire dans son contexte. L’auteur vient de dire qu’au jour du jugement, chacun portera seul en lui sa justice et son injustice (rendra seulement compte de ses péchés personnels), vii, 105 ; il éclate ensuite en lamentations devant le triste sort de l’humanité ; il ne s’inquiète pas d’être condamné pour le péché d’Adam ; mais il voit que ses propres péchés vont l’entraîner à la damnation et, en dernière analyse, c’est par la faute d’Adam qu’il se trouve réduit à cette fâcheuse extrémité : « O Adam, qu’as-tu fait ? Bien que ce soit toi qui ais péché, le mal n’est pas tombé sur toi seul, mais sur ceux qui viennent de toi. Si enim peccasli, non est factum solius luus casus, sed et nostrum qui ex te advenimus. » Car quel profit pour nous d’avoir eu la promesse d’une vie immortelle, puisque nous avons fait des œuvres qui appellent la mort ? v, 117-119.

Nous avons traduit casus par mal, car, d’après les versions orientales, casus doit signifier, non point chute, mais plutôt calamité, malheur. En admettant qu’il s’agisse de la chute d’Adam, elle n’est point commune à tous comme un péché transmis, mais comme Une situation déplorable ; ce n’est donc point encore le péché originel au sens strict. Lagrangc, É pitre aux Romains, p. 1 l(i. C’est bien le sens qui résulte à la fois du contexte et du texte où il est question des péchés personnels qui apportent la mort. La faute d’Adam a affaibli la nature et fait triompher d’une manière presque universelle le cor malignum.

En définitive, l’auteur du IV livre d’Esdras enseigne que le mauvais penchant est à l’origine de Iciut péché dans le monde. Il est naturel et congénital , i ions irs nommes, au premier « ’ « mime à ses descen dants En cédant A celui-ci, Adam le renforça et le transmit à sa postérité : sa chute fut le point de dépar ! du mal physique et de la mort dans le monde. Elle fut aussi le point « le départ « lu mai moral si répandu dans le monde, en ce sens q ne les mauvais penchants. I rans mis par Adame ! fortifiés par les transgressions suc cessives, sont une suggestion puissante au péché, On n’est constitué pécheur qu’en obéissant, A l’Imitation d’Adam, BUS inspirations « le son i mauvais cœur »

L’immense majorité des hommes succombe dans cette lutte ; il en est pourtant qui remportent la victoire, qui restent justes devant Dieu et auxquels le souverain