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    1. PECHE ORIGINEL##


PECHE ORIGINEL. LE JUDAÏSMK POSTÉRIEUR

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vérité semble plutôi être virtuellement niée. » Frey, Revue des sciences phil. et théol., art. cilé, p. 526. Car, d’après lui, ceux qui n’imitent pas, par leurs péchés personnels, Adam et Eve, ne porteront point le joug du lieu infernal ; ce sont donc uniquement les péchés personnels qui, d’après Eiénoch, font partager le sort des premiers parents Nous sommes loin de la doctrine paulinienne de l’extension de la culpabilité d’Adam à tous ses descendants, indépendamment de toute faute personnelle.

Reconnaissons d’ailleurs que la lamentation : « malheur à moi à cause de ma faiblesse et de celle de mes frères », venant après l’affirmation de la < ruine », nous invite à établir une certaine relation entre la faiblesse innée de l’homme et la faute originelle. Dans cette perspective, le péché personnel de l’homme serait une conséquence de la faute d’Adam, en ce sens qu’Adam a transmis à ses descendants une faiblesse innée, cause de péchés. La ruine occasionnée par Adam impliquerait, à côté de la mort physique, la mort morale consé cutive à l’infirmité innée, héritée d’Adam, et la descente au lieu infernal. Ce qu’il faut surtout retenir comme certain, avec Frey, art. cité, p. 526, « c’est que ce livre attribue, au péché des premiers parents, une importance plus grande qu’à la chute des veilleurs et qu’il y voit la cause de la mort physique de tous les hommes. Hénoch slave fait écho à la doctrine de l’Ecclésiastique. » On peut ajouter qu’il rattache plus intimement qu’on ne l’avait fait avant lui les fautes des hommes à Adam et Eve comme à leur origine lointaine, dans la mesure où ces fautes sont le fruit d’une infirmité innée, héritée du premier père.

2. L’Apocalypse syriaque de Baruch

(Ch. Œsterley, 77* ; Apocalypse of Baruch, 1917 ; Kautzsch, op. cit., p. 402 sq.). — C’est un écrit juif mêlé sans doute d’interpolations chrétiennes, qui remonterait vers 70 après J.-C ; il renferme des éléments contemporains des écrits du Nouveau Testament ; on y saisit comme l’écho de traditions divergentes entre elles.

L’auteur ne croit pas à la corruption totale de la nature humaine : ainsi le cœur de Jérémie a été trouvé exempt de tout péché, ix, 1. Tandis qu’Adam a apporté la mort et retranché les années de ses descendants, Moïse a apporté la Loi aux descendants de Jacob et allumé un flambeau pour la nation d’Israël, xvii, 1 sq. « Celui qui a allumé a pris à la lumière, et il y en a peu qui l’ont imité. Mais beaucoup de ceux qu’il a éclairés ont pris aux ténèbres d’Adam et ne se sont point réjouis à la lumière du flambeau », xviii, 1 sq. Un grand nombre, mais non pas tous, sont pécheurs.

Sur les conséquences du péché d’Adam, en particulier sur ce qui concerne la mort, les vues de l’auteur ne sont pas uniformes ; le livre représente deux courants. Certains passages semblent bien indiquer que la mort n’aurait pas eu lieu sans la faute d’Adam : d’après xix, 8, et xxiii, 4, lorsqu’Adam pécha, la mort fut décrétée contre ceux qui devaient naître, « à ce moment, la multitude de ceux qui devaient naître fut comptée, et pour ce nombre un lieu fut préparé là où les vivants doivent habiter et les morts doivent être gardés ». C’est le péché d’Adam qui ouvre le schéol.

D’autres passages semblent indiquer seulement que le péché d’Adam a été cause d’une mort prématurée chez ses descendants. D’après liv, 15, Adam a péché et a apporté pour tous une mort prématurée, et suivant lvi, 6, « après son péché, la mort prématurée fit son entrée ». L’auteur se serait ainsi fait l’écho de traditions différentes sans penser à leur conciliation. Là ne se bornent point les suites du péché d’Adam : l’auteur compare le premier péché à un courant d’eau noire qui se répand sur la terre, et voici les tristes conséquences de cette inondation : après la transgression d’Adam, une morl prématurée vint, le deuil fut nommé et la tristesse fut préparée, et la douleur fut créée et le I il) sur accablant fut fait, et la jactance commença à s’établir et le schéol demanda à être renouvelé par le sang, et la procréation des enfants vint, et l’ardeur des parents fut créée, et la majesté de l’homme s’abaissa, et la bonté languit », lvi, 6-7… Ces eaux noires en produisirent d’autres, et le mal moral alla en augmentant. " Et de ces eaux noires le noir est dérivé, et les ténèbres des ténèbres ont été produites. L’homme est devenu un danger pour sa propre âme ; il est même devenu un danger pour les autres. » 10.

Ainsi des modifications pénibles résultèrent de la chute pour la nature humaine : non seulement elle connut dans son corps les souffrances, la tristesse, la fatigue et la mort, mais elle fut troublée et déséquilibrée moralement, dans son âme, par des infirmités qui devenaient un obstacle à sa vie spirituelle : la tendance à l’orgueil et la concupiscence devinrent des tares héréditaires, des dangers permanents pour la vie individuelle et sociale de l’humanité.

Cependant, s’il y a une faiblesse héréditaire dans l’homme, elle peut être vaincue : chacun a sa propre responsabilité. « Les hommes ne sont pécheurs que dans la mesure où ils imitent, par des actes personnels, le mauvais exemple d’Adam. » Frey, art. cilé, p. 539. Si Adam peut entraîner par son mauvais exemple, Moïse est là pour illuminer les âmes et les arracher aux suggestions d’Adam. « Car si Adam pécha le premier et amena une mort prématurée pour tous, il faut dire cependant aussi que chacun de ceux qui sont nés de lui s’est attiré la peine future et, d’autre part, chacun s’est choisi la gloire à venir. Adam n’est donc cause (de ruine) que pour lui seul, mais chacun de nous tous est devenu son propre Adam. » liv, 14-19. Il n’y a point place ici pour une culpabilité originelle contractée en Adam et transmise par lui à ses descendants.

C’est à la lumière de ce texte qu’il faut interpréter un autre passage, xlviii, 42-43. En voyant les impies s’exposer au feu dévorant, l’auteur s’écrie : « Oh ! qu’as-tu fait, Adam, à tous ceux qui sont nés de toi et que dira-t-on à la première Eve qui obéit au serpent ? Car toute cette multitude s’en va à la perdition et sans nombre sont ceux que le feu dévore. » Ici l’auteur n’affirme pas l’extension, par transmission, d’une culpabilité morale à toute la race humaine ; il rend sans doute responsable d’une certaine façon Adam et Eve de la perte des pécheurs ; mais dans ce sens seulement qu’ils ont induit dans leur race une nature exposée à l’orgueil et à la concupiscence. Les hommes peuvent résister au danger qu’ils portent en eux : chacun devient son propre Adam. Nous avons peut-être dans cette doctrine une réaction juive contre la doctrine paulinienne.

En résumé, « l’Apocalypse de Baruch admet donc que le premier péché introduit dans le monde : la mort — ou du moins une mort prématurée — et la concupiscence charnelle. Le mauvais exemple donné par Adam fut pernicieux aux hommes qui, pour la plupart, s’empressent d’obéir aux suggestions de leur nature corrompue. De cette manière, chaque pécheur devient Adam pour son propre compte, car la faute de celui-ci n’a entraîné que sa culpabilité personnelle. » Frey. art. cité, p. 540.

3. Le IVe livre d’Esdras (G. H. Box, The Ezravpocalypse, 1912). —

Ce livre est l’un des plus beaux monuments de la littérature juive apocryphe, au lendemain de la catastrophe qui a détruit le Temple et la nation israélite. Il cherche une réponse au problème angoissant de la perversion de l’humanité et des misères de la vie. Pourquoi Dieu a-t-il permis au péché d’envahir le monde, et pourquoi les méchants sont-ils si nombreux’? Écrit vraisemblablement vers 90, peut-être influencé