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    1. PÉCHÉ ORIGINEL##


PÉCHÉ ORIGINEL. L’ÉCRITURE

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se perdre en considérant attentivement les propriétés du fruit : « Et la femme vit que l’arbre était bon à manger, et qu’il était agréable à la vue et désirable pour l’intelligence ; et elle prit de son fruit et elle en donna aussi à son mari près d’elle, et il en mangea. » m, 6.

3. La chute et ses conséquences.

Ainsi, la désobéissance suggérée par le serpent, commencée par Eve, est consommée par Adam qui succombe à l’invitation de sa femme. Le péché du premier couple consiste dans la poursuite, malgré l’ordre de Dieu, de cette chose spirituelle qui est la connaissance du bien et du mal pour ressembler à Dieu.

Les fruits en sont amers : les yeux des coupables s’ouvrent non pour leur faire prendre connaissance d’un progrès vers lequel ils aspiraient, que leur promettait le serpent, mais pour leur faire douloureusement expérimenter ce qu’ils ont perdu : « Leurs yeux à tous deux s’ouvrirent, et ils reconnurent qu’ils étaient nus, et, ayant cousu des feuilles de figuier, ils s’en firent des ceintures. » iii, 17.

Ainsi, le sentiment de la pudeur naît avec le péché : ils remarquent leur nudité, parce que la concupiscence s’est éveillée en eux ; ils en sentent désormais l’inconvenance ; voilà pourquoi ils se font des ceintures pour la couvrir et se cachent pour ne point se présenter en cet état devant le regard de Dieu. Ils en arrivent ainsi à confesser involontairement leur faute, tout en l’excusant : « Alors ils entendirent la voix de Dieu passant dans le jardin à la brise du jour, et l’homme et la femme se cachèrent de devant Jahweh au milieu des arbres du jardin. Mais Jahweh appela l’homme et lui dit : Où es-tu ? Il répondit : J’ai entendu ta voix dans le jardin et j’ai eu peur, car je suis nu ; et je me suis caché. Et Jahweh lui dit : Qui t’a appris que tu es nu ? Est-ce que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais défendu de manger ? L’homme répondit : La femme que vous avez mise avec moi m’a donné du fruit de l’arbre et j’en ai mangé. Jahweh dit à la femme : Pourquoi as-tu fais cela ? La femme répondit : Le serpent m’a trompée et j’en ai mangé. » iii, 8-13.

La cause ainsi instruite par l’aveu des coupable*.. Dieu, le juste juge, va répartir les punitions ; il prononce la sentence. C’est la morale de l’histoire du premier péché : elle est à longue portée et explique un état de chose durable.

Voici la punition du serpent tentateur : < Parce que l ii as fait cela, tu es maudit parmi les animaux dômes tiques et toutes les lièles (les champs ; tu marcheras sur ton ventre et tu mangeras la poussière tous les jours de ta vie. Et je met I rai une inimit ié entre toi e( la femme, entre ta postérité et sa postérité ; celle-ci te meurtrira la tête et tu la meurtriras au talon, III, 14-15.

A s’en tenir au sens obvie du. 1 I. la punition I viser surtout le serpent, l’animal le plus rusé des champs. Elle le maudit entre tous les animaux domestiques ; elle l’atteint dans son corps qui paraît subir une transformation dans sa nature. Cependanl le t. 15 loi-même, envisagé dans le récit d’une haute portée morale auquel il appartient et dans la lumière rie la révélation postérieure, nous invite à penser que la punition s’adresse aussi au mystérieux tentateur qui se cache sous la forme du serpent. En punition de son altitude a l’égard de la femme, Jahweh va mettre une inimitié entre lui et Eve, entre sa postérité el Celle « le la fetnme ; mais celle lutte morale | minera par la défaite du séducteur et d Jahweh le laisse entendre en annonçant que la i rite de la femme aura le dessus dans cette lutte Inces santé, puisqu’elle écrasera la tête du serpent La femme sera punie dans i, qui hn, -sl I, plus intime. dans sa qualité d’épouse et de mèn U multiplierai tes souffrances et spécialement celles de ta grossesse ; tu enfanteras tes fils dans la douleur ; ton désir te portera vers ton mari et il dominera sur toi. ni, 13-16.

Enfin, c’est une vie de travail, de souffrances pénibles, avec, comme perspective finale, la mort, qui est annoncée à l’homme : « Parce que tu as écouté la voix de ta femme et que tu as mangé du fruit dont je t’avais dit : tu n’en mangeras point, maudit soit le sol à cause de toi. Tu en mangeras dans la peine tous les jours de ta vie. Il germera pour toi des ronces et des épines, et tu mangeras les plantes des champs. Tu mangeras du pain à la sueur de ton front, jusqu’à ce que tu retournes au sol dont tu as été tiré, car tu es poussière et tu retourneras en poussière. » ni, 17-1’J.

La mort, remarque J.-M. Lagrange, est représentée ici à la fois comme naturelle à l’homme à cause de son corps, et comme une pénalité qui ne l’aurait pas atteint s’il était resté dans l’amitié de Dieu. Art. cit., p. 356. Il en est de même du travail qui était naturel à l’homme, et facile avant la chute, ii, 15, et qui devient pénible.

Dieu, malgré la malédiction qu’il fait peser sur Adam et Eve, ne les abandonne point cependant et les enveloppe de sa sollicitude paternelle ; il pourvoit à leurs premières nécessités : à celle du vêtement. « Et Jahweh fit à l’homme et à sa femme des tuniques de peau et il les en revêtit. » iii, 23.

Mais le paradis n’était plus le séjour qui convenait à l’homme coupable ; il en est chassé, et avec lui tous les hommes sont écartés de l’arbre de vie qui fait les immortels. « Et Jahweh dit : « Voici que l’homme est « devenu comme l’un de nous par la connaissance du « bien et du mal. Maintenant, qu’il n’avance pas la « main ; qu’il ne prenne pas aussi de l’arbre dévie pour « en manger et vivre éternellement ! » Et Jahweh le lit sortir du paradis terrestre pour qu’il cultivât la terre d’où il avait été pris. Et il chassa l’homme, et il mit à l’orient du jardin de l’Éden les chérubins et la flamme de l’épée tournoyante, pour y garder le chemin de l’arbre de vie. » iii, 22-24.

Ces paroles font prendre à l’homme conscience de son aventure tragique. Loin d’être devenu semblable à Dieu par le péché, il a tout simplement senti sa nudité : loin de devenir immortel comme Dieu, il est chassé loin de l’arbre de vie. Passé le rêve d’orgueil que le serpent lui a fait faire, en lui disant : vous serez comme des dieux ! La réalité c’est la vie pénible loin de 1)ieu et la mort.

I.e bonheur de l’Éden est perdu définitivement pour le premier couple et ses descendants. Ceux-ci portent la peine de la faute d’Adam et d’Eve et naissent dans l’état inférieur qui a succédé à l’état d’innocence : privation de la familiarité divine, concupiscence, souffrance et mort. La parole juste et puissante de Jahweh est enga(

Caractère spécial du récit. Faut-il nous en tenir a la surface simple et populaire du récit, telle que nous venons de l’analyser, prendre tout à la lettre, jusqu’aux derniers détails, ou n’y VOir qu’une pure allégorie, ou bien y reconnaître un noyau de faits religieux bistoriques, présentés d’une manière populaire et parfois symboliqi dépend d’une part du caractère littéraire, d’autre pari de la portée do tique qu’il tant reconnaître au récit de la chute. Sur le caractère spécial de ce récit on discute depuis longtemps. Phllon déjà n’en n’acceptait point intégralement la valeur historique, il n’ignore pas l’opinion qui prend au pied de la lettre le récit siaque, mais, pour lui, il ne saurait y voli que dis sions figurées, qui in itent a cherche) la siynilication allégorique. Cf. Frey, L’état originel et la chute <ir l’homme <ï<n onceptions fuit i s <m ten tps