Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.1.djvu/117

Cette page n’a pas encore été corrigée
219
220
PECHE. EFFETS : LA PEINE


inquantum est inordinalus, soi secundum aliquid aliud ; quoi, ihun volunlas queerit, in prsediclam inordinalionem imurril quant non vull ; et sic, ex eo <iuo<l est volilum habet rationem culpee, ex eo vero quod inordinationem invite guis quodammodo patiiur, immiscetur rationi pœnæ ; cf. ibid., ad lum. Mais la Somme n’olîre point trace d’une telle doctrine, et l’on peut penser que le double nutlo modo en est un désaveu.

De fait, on ne peut dire (lue le désordre du péché ait raison de peine. Cajétan en donne plusieurs raisons : toute juste peine est de Dieu ; le désordre du péché serait donc de Dieu. Et il n’y a point lieu de distinguer en ce désordre, comme fait Scot, l’agi, qui serait, du pécheur, et le subi, qui serait de Dieu, car ce désordre est un accident, cujus esse est inesse ; causer son inhérence dans le sujet, c’est causer son être, c’est donc causer le mal du péché. Cajétan, In I^ m -II^, q. lxxxvii, a. 2 ; cf. Salmanticenses, disp. XVII, n. 29-30. De plus, bien qu’involontaire d’une certaine façon, ce désordre ne l’est pas absolument : le pécheur y consent qui fait l’acte d’un péché. On ne nie point qu’il soit préjudiciable à l’homme, mais le mal de peine n’est point seul à faire tort à qui l’endure, le mal de faute fait tort aussi à qui le commet.

2. Par accident, un péché peut avoir raison de peine, soit par rapport à soi-même, soit par rapport à quelque autre péché. Il cause, en effet, la soustraction de la grâce, et comme la grâce soustraite laisse l'âme diminuée et prompte à pécher de nouveau, ces péchés suivants peuvent être tenus comme une peine du premier ; on ne les aurait pas commis, si l’on n’avait encouru le châtiment de celui-là. Où nous rejoignons nos considérations précédentes sur l’aveuglement et l’endurcissement dont Dieu punit l’iniquité. L’acte même du péché peut comporter de l’affliction. On le veut, assurément, et avec la difficulté qui l’accompagne : celle-ci fera même qu’on le veuille avec plus d'énergie et qu’on s’y applique avec plus d’obstination. A ce titre, l’affliction est volontaire et malicieuse. Mais, en tant que ces difficultés sont d’abord imposées à la volonté, soit par la nature même de l’acte, dont on n’est pas le maître (ainsi dans la colère ou l’envie), soit par les circonstances extérieures, la volonté subit une contrariété, laquelle a de ce chef raison de peine. Le cas ne s’en vérifie d’ailleurs, comme le remarquent les carmes de Salamanque, disp. XVII, n. 34, que pour les péchés consistant en des actes impérés, non en des actes élicites de la volonté. Enfin, un péché comportant des suites pénibles peut être tenu à ce titre comme se punissant soi-même. Dans tous les cas, on le voit, le péché ne prend raison de peine que par accident et non selon son essence, où il est exclusivement mal de faute. Saint Thomas estime que de telles peines sont médicinales, c’est-à-dire qu’elles possèdent cette propriété de concourir au bien de la vertu. On le voit nettement dans les deux derniers cas, puisque la fatigue et les ennuis du péché sont propres à en détourner le pécheur lui-même. Mais, jusque dans le premier cas, s’il faut dire, comme nous avons fait, que l’aveuglement et l’endurcissement sont de leur nature ordonnés à la perte de qui les subit, on peut signaler en outre qu’ils sont propres à détourner les autres du péché ; car, voyant ce malheureux tomber de péché en péché, ne redoutera-t-on pas pour soi un pareil sort ? Pour l’intéressé lui-même, s’il advient que Dieu lui fasse miséricorde, tant de maux éprouvés ne le rendront-ils pas plus humble et plus prudent ? C’est en ces termes, et à la faveur d’un discernement capital, que notre théologie peut agréer une pensée où se sont incontestablement plu d’anciens docteurs chrétiens. Sur toute cette question du péché comme peine du péché : Salmanticenses, disp. XVII, dub. n ; Ia-IIæ, q. lxxxvii, a. 2.

3° Durée et granité du mitas pœnæ ». — On peut signaler maintenant quelques conditions remarquables de la peine due au péché. Elles intéressent sa durée et sa gravité. Nous distinguons ces deux considérations, dont chacune invoque des arguments indépendants.

1. [.'éternité de la peine infligée au péché mortel est une doctrine de foi. Voir art. Enfer, t. v, spécialement col. 94-95. Il suffit ici que nous exposions la théologie de ce dogme, et selon que l'éternité de la peine est un effet du péché.

Elle se déduit de la notion essentielle de la peine, telle que nous l’avons d’abord présentée. Réplique de l’ordre troublé, la peine persiste aussi longtemps que le trouble de l’ordre. Or, il est un péché qui trouble l’ordre d’une manière irréparable. Car il ôte le principe même de l’ordre raisonnable, c’est-à-dire l’adhésion à la fin dernière. En possession de ce principe, il n’est point de désordre que l’homme ne puisse réparer ; mais s’il en est privé, le voilà désormais incapable de restaurer le désordre commis, et il ne peut que se perpétuer dans son péché. Où l’on suppose que l’homme ne peut se restituer à soi-même ce principe dont il s’est privé : la chose s’entend, puisqu’il tient dans la charité, laquelle est un don de Dieu, puisque l’ordre troublé intéresse Dieu, lequel est donc aussi mêlé à sa réparation ; ce n’est pas une chose que l’homme puisse opérer seul, comme si son péché ne concernait aussi que lui. Cl. Sum. IheoL, Ia-IIæ, q. cix, a. 7. Un tel péché est de soi éternel. Qu’il soit réparé, comme la chose advient en effet, une initiative divine en est la cause. Mais elle n’appartient pas au développement naturel des effets du péché. A celuici, tel qu’il est, ne peut répondre qu’une peine également éternelle. Aussitôt commis, il grève son auteur de cette dette qu’est le reatus pœnee œternæ. Quelque issue qu’il doive en effet connaître, il établit infailliblement le pécheur en cette condition. Un temps du reste doit venir où la volonté coupable sera soustraite même aux effets de la miséricorde de Dieu ; où la dette du péché n’aura donc plus de rémission. Il n’est que l'éternité de la peine pour faire équilibre à l'éternité du trouble et de la perversion qu’introduit le péché dans l’ordre.

Cet argument est le principal qu’invoque en cette matière saint Thomas. Il en a proposé d’autres : In JVum Sent., dist. XLVI, q. i, a. 3 ; Cont. Gent., t. III, c. cxliv. Nous ne les reproduisons pas, puisque celui-là est formel et décisif. Les carmes de Salamanque établissent pour leur compte que le péché est digne de peine éternelle indépendamment même de sa permanence, sur la seule considération de sa gravité. Disp. XVII, dub. iii, § 3. En cela, ils sont peut-être de leur temps. Il semble que l’argument de saint Thomas ne se soit pas imposé sans ameindrissement aux théologiens postérieurs. Un exemple manifeste de cette histoire, c’est Lessius, De perfeclionibus moribusque divinis libri XIV, t. XIII, c. xxv, où l'éternité de la peine est justifiée, non par la permanence du péché, qui est une position dont on avoue qu’elle est difficile (en vertu d’un argument qui trahit la méconnaissance de la notion thomiste de peine), mais par l’infinité du péché considéré en lui-même (éd. Lethielleux, Opuscula, t. i, p. 465-469). Ainsi, pense-t-on, communément aujourd’hui ; la perfection de la théologie n’y a pas gagné. ia-II », q. lxxxvii, a. 3.

2. La gravité de la peine se déduit pour son compte de la gravité du péché. La persistance de la faute appelle l'éternité de la peine ; son énormité mesure sa rigueur. L’idée de cette proportion entre la faute et la peine est élémentaire, et la sainte Écriture l’a plusieurs fois exprimé : Pro mensura peccali erit et plagarum modus, Deut., xxv, 2 ; Quantum glorifioavit se et in deliciis fuit, tantum date Mi tormentum et locum.