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PECHK. EFFETS 1)1° PÉCHÉ


nière désigne une origine formelle du péché, d’où celui-ci reçoit son espèce principale. Un péché est dit « capital » qui possède la propriété d’engendrer des péchés en cel te Façon. Et elle revient à tout péché dont l’objet propre constitue une fin assez attrayante pour qu’elle suscite communément d’autres péchés ordonnés à la satisfaire. Où la théologie, on le voit, précise par ses moyens propres une notion que saint Grégoire et les anciens auteurs avaient appréhendée confusément. Saint Thomas n’est pas infidèle à la pensée traditionnelle, il la détermine. la-Il 88, q. lxxxiv, a. 3.

La notion thomiste du péché capital permet de justifier au mieux le septénaire, dont saint Thomas emprunte l’énuméralion à saint Grégoire : « Vaine gloire, envie, colère, tristesse, avarice, gourmandise, luxure. » La Somme théologique y procède d’une manière qui est nouvelle par rapport aux essais antérieurs de saint Thomas lui-même. In I 1um Sent.. dist. XLI1, q. ii, a. 3 ; Demalo, q. viii, a. 1. L’origine d’un péché issu d’un autre selon la raison de cause finale peut se vérifier chez un pécheur, de qui elle trahirait la disposition particulière et l’ordre singulier de ses amours. Mais de l’individuel il n’est pas de science, et trop d’humeurs et de fantaisies font varier ces cas. Quelque connaissance, toutefois, n’en est pas impossible, et nous sommes aujourd’hui plus curieux de leur secret original, mieux munis pour le découvrir. On peut entendre la même causalité selon les affinités naturelles des biens entre eux. En ce sens, tel péché le plus souvent procédera de tel autre. Quels que soient les cas particuliers, il y a des fins ordinairement régnantes et des fins ordinairement soumises. On découvre ainsi, parmi les péchés, quelques directions maîtresses, qui se prêtent à une connaissance relativement universelle et nécessaire.

Et voici comment on les dégage. Disons que certains péchés capitaux répondent à l’appétit du bien, d’autres à l’éloignement du mal. Pour les premiers, on peut invoquer la division commune des biens de l’âme, que poursuit la vaine gloire ; des biens corporels, que convoitent la gourmandise et la luxure ; des biens extérieurs, que retient l’avarice. Mais on peut trouver de ces quatre péchés une justification plus radicale, selon qu’ils adhèrent à des biens vérifiant les conditions mêmes de la béatitude, laquelle est l’objet du plus naturel des désirs. De la raison de béatitude, est d’abord la perfection : l’on peut dire que c’est l’appétit de la perfection dont la vaine gloire est le désordre. Puis la suffisance : c’est le soin de l’avarice. Puis le plaisir : c’est où se portent sans mesure la gourmandise et la luxure. Quant à l’éloignement du mal, on craint la difficulté sensible, et c’est pourquoi l’on abandonne les biens spirituels : d’où l’acédie. On répugne à la gêne que peut causer à son bien celui du prochain : d’où l’envie ; mais si l’on va jusqu’à poursuivre la vengeance, on pèche par colère (saint Thomas notera ailleurs que la colère, appétit de la vengeance, se trouve renforcée de tout notre appétit de justice et d’honnêteté, dont la dignité donne un prestige à l’objet de la colère : II a -Il æ, q. et viii, a. 6). Les mêmes péchés s’attachent au mal qui évince le bien d’où l’on se détourne. Ainsi est rattachée aux mouvements primordiaux de l’appétit humain l’énumération traditionnelle des péchés capitaux ; ils représentent, en ce système, les grandes séductions dont le cœur de l’homme est menacé. Il reste sans doute que la donnée originale se montre rebelle par quelques endroits à cette organisation rationnelle ; mais si l’on veut bien ne point forcer la signification de ces péchés, y entendre de l’implicite, accepter entre eux des inégalités, nous en avons rendu compte au mieux. Et notre interprétation possède la vérité que l’on peut demander d’une classification morale, spécialement en matière

de péché. On notera que saint Grégoire opposait les sept péchés capitaux aux sept dons du Saint-Esprit :

ni la théologie des péchés, ni celle des dons ne le retiennent. El saint Thomas déclare qu’il ne doit pas y avoir une opposition entre les sept principaux péchés et les sept principales vertus, car on ne pèche pas en se détournant de la vertu, mais en aimant quelque bien périssable. Saint Thomas ne retient pas davantage l’ordre de ces péchés entre eux : pour saint Grégoire, ils s’engendraient l’un l’autre, et c’est pourquoi il attachait de l’importance à l’ordre de l’énuméralion. .Mais les péchés subordonnés sont naturellement retenus. Saint Grégoire estimait présenter ainsi un catalogue complet des péchés ; saint Thomas l’adopte, mais il a d’autres matériaux. Dans la question disputée De malo, qui est un traité du mal, la matière morale se trouve distribuée selon l’ordre des péchés capitaux ; cette distribution ne peut être, tien entendu, celle de la Somme théologique. On voit comment la théologie à la fois réduit l’importance et approfondit la signification de l’antique théorie des péchés capitaux. I a -11 1E, q. lxxxiv, a. 1.

On ne cherchera donc point dans le classement des péchés capitaux, tel que nous venons de le rapporter, un tableau des péchés graves : la considération de la gravité n’a nullement commandé cette élaboration ; et il y a des péchés capitaux qui, de leur nature, n’excèdent pas le véniel. Dans les morales modernes, la matière est volontiers distribuée selon les péchés capitaux et les préceptes ; on juxtapose deux méthodes, sans prendre garde peut-être à ce paradoxe, que l’étude des principaux péchés se trouve détachée de celle des préceptes, dont on pouvait croire qu’ils prohibaient ces péchés principaux. Le septénaire y a aussi subi quelques altérations. Pour saint Thomas, l’orgueil, dont on a dit plus haut qu’il est le commencement de tous les péchés, à cause précisément de cette universalité, est plus qu’un péché capital, mais le prince des péchés. La cupidité, dont nous avons aussi parlé, comme elle cause le péché à la manière d’une cause matérielle, ne prend point rang de péché capital ; mais, si on la considère proprement comme l’amour désordonné des richesses, elle suscite alors comme une fin souveraine un grand nombre d’autres péchés, on la nomme avarice, et il faut voir en elle l’un des sept péchés capitaux. Sur toute cette question, voir l’art. Capital (péché).


VII. Les effets du péché. L’ordre de la doctrine requiert ici cette étude. De toute réalité, on considère les effets, qui en complètent la connaissance. Il y a lieu spécialement de le faire en matière de péché, car cet acte, qui est désordonné, ne peut manquer d’introduire dans la vie humaine des troubles originaux. La théologie a compris sous trois chefs les effets, à la vérité multiples, du péché. Nous justifierons cette distribution à mesure. Au troisième groupe d’effets, saint Thomas a rattaché la considération du péché comme mortel et comme véniel : gardons-nous de la retirer de ce contexte d’où elle reçoit déjà son sens.

I. LA CORRUPTION DU MES NATUREL. —

SoUS Ce chef, sont groupés des effets du péché que déduit l’analyse philosophique, mais qui se trouvent aussi rendre compte de certaines données positives. Le titre qu’on leur attribue convient à de certains effets du péché originel, et peut-être l’entendrait-on de préférence à son sujet ; mais il recouvre aussi des effets propres au péché actuel.

Existence et nature.


Une philosophie du mal recherche si le mal corrompt le bien et dans quelle mesure. Cf. Sum. theol.. ! ’. q. xlviii, a. 4. Du mal qu’est le péché. nous demandons s’il corrompt le bien naturel.

1. Diminution de l inclination à la vertu. —

Sous le nom de bien naturel, il s’agit du bien de l’homme que