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ORDRE. AUTORITE DU DECRET


1. Première opinion.

lue première opinion enseigne que le décret Pro Armenis, même dans sa partie sacramentaire, est une véritable définition conciliaire, infaillible, émanant du magistère solennel et extraordinaire de l'Église. C’est l’opinion de Ruard Tapper, De sacramento ordinis, a. 17, § de materia ; de Vasquez, In Sum. S. Thomw, III a, disp. CCXXXIX, n. 6 : de Suarez, De sacramentis, disp. XXXVI, sect. ii, n. 14, qui considèrent les déclarations d’Eugène IV comme une véritable définition. Ainsi l’entendent, soit expressément, soit équivalemment la plupart des auteurs du xvie siècle et une bonne partie de ceux du xviie. Voir également, en ce sens, Billot, De sacramentis, t. ii, thèse xxx. p. 294 sq. Pour trouver au décret une valeur doctrinale définitive, on s’appuie principalement sur sa teneur même ; il est, dit-on, un véritable décret conciliaire, rédigé du consentement des Grecs avant leur départ, bien que promulgué postérieurement : sacro approbante concilio, et ipsis etiam oratoribus consentienlibus, data Armenis instruclio qu.sed.am sub compendio orthodoxiv fldei. Et, en fin du décret : Datum Florentin, in publica sessione synodali, solemniter in Ecclesia majori celebrata. Pour le développement de cet argument et l’exposé d’arguments subsidiaires, voir Imposition des mains, t. vii, col. 14121413.

2. Deuxième opinion.

Vers le milieu du xviie siècle parurent les travaux de Morin, Martène, H. Ménard, qui firent connaître le rite de l’ordination grecque, laquelle ignore la porrection des instruments ou ne la considère que comme une cérémonie accessoire. On crut donc opportun d’expliquer différemment l’autorité du décret Pro Armenis. C’est alors que s’introduisit chez les théologiens une seconde opinion, peut-être aujourd’hui la plus répandue, selon laquelle le décret Pro Armenis est une simple instruction pratique, historique ou disciplinaire, en sorte qu’au lieu de « définir » la matière sacramentaire, il aurait eu simplement pour objet soit d’instruire les Arméniens des rites latins, soit de les leur imposer ; cf. d’Annibale, Summula theologiæ moralis, t. iii, n. 231 ; Gasparri, Le sacra ordinatione, t. ii, n. 1007. L’Enchiridion de Denzinger formule cet avis, en note du n. 695 : De hac instructione præmiltendum est eam non esse definitionem de ministro, materia et forma sacramentorum, ut multi putabant, sed instructionem tantum practicam, f/uic tanem ut talis plenam habet auctoritatem. Il s’agit ici d’une pleine autorité, non doctrinale, mais disciplinaire. Cette interprétation a été reprise récemment par M. Quera, El decreto de Eugenio IV para los Armenios, i) el sacramento del Orden, dans les Esludios eclesiasticos de 1925-1927, avec discussion des interprétations divergentes.

3. Opinion du cardinal van Hossum.

De nos jours le cardinal van Rossum a introduit dans la théologie du décret de Florence une interprétation assez nouvelle. Pour lui, le décret est doctrinal, uniquement et pleinement doctrinal. Mais il n’est pas définitif, infaillible, et par conséquent peut renfermer et renferme en effet une déclaration erronée.

Le cardinal déclare tout d’abord, op. cit., n. 385, qu’Eugène IV a voulu déclarer quelle était essentiellement et exclusivement la matière du sacrement de l’ordre. C’est faire violence au texte que de dire qu’il ne parle que d’une matière accessoire ou qu’il passe sous silence une autre matière essentielle. Cette interprétation est suggérée, voire imposée, par l’analyse attentive du texte (n. 400). L’ordre est ici mis sur le même plan que les autres sacrements : Eugène IV parle donc de sa matière et de sa forme intégrales, comme il en parle des autres sacrements

(n. 386). Il a pris la précaution de déclarer que trois éléments constituent le sacrement : la matière, la forme et le ministre avec son intention ; si l’un de ces éléments fait défaut, le sacrement n’existe pas. Si donc il déclare ici la matière et la forme de l’ordre, il entend énoncer tout ce qui est nécessaire à la confection du sacrement (n. 387). Ne dit-il pas, en effet : materia est illudper eu jus traditionem confeutur ordo, sicut presbijteratus traditur per calicis cum vino et patenæ cum pane porrectionem (n. 388)? Saint Thomas, d’ailleurs, à qui ces formules sont presque littéralement empruntées, n’a jamais envisagé d’autre matière que la porrection des instruments (n. 390) ; les quelques modifications apportées au texte du Docteur angélique, montrent bien que le pape a pesé le sens de ses déclarations et que, s’il avait entendu n’indiquer qu’une partie de la forme et de la matière, il l’aurait tout au moins laissé entendre (n. 391). Le fait de renvoyer au pontifical romain n’infirme pas ce raisonnement, car le pape renvoie au pontifical pour la matière et la forme des autres ordres (n. 392). Quant à dire qu’Eugène IV n’a pas parlé de l’imposition des mains parce qu’elle était connue des Arméniens et qu’il restreint ses déclarations à ce qu’ils ignoraient ou ne pratiquaient pas, c’est encore faire erreur : les Arméniens connaissaient fort bien la matière et la forme des autres sacrements ; ils connaissaient et pratiquaient la porrection des instruments depuis le milieu du xiie siècle (n. 394, 395, 397, 401), voir ci-dessus, col. 1259. Il répugne d’ailleurs que le pape ait passé sous silence la matière essentielle de l’ordination, dans un document tout exprès composé pour enseigner sur ce point la doctrine catholique (n. 396) ; aussi ne fera-t-on jamais admettre l’opinion de ceux qui prétendent que le pape Eugène IV ait voulu parler ici simplement d’un rite accessoire et secondaire (n. 399). Eugène IV a donc enseigné que l’unique matière constituant l’essence du rite de l’ordination était la porrection des instruments, et l’unique forme, la formule Accipe potestatem.

Mais, d’autre part, tout en affirmant que le décret comporte un enseignement doctrinal, van Rossum nie que cet enseignement soit définitif, ex cathedra, infaillible. Les formules sur lesquelles on appuie la thèse de l’infaillibilité ne sont pas, en réalité, des formules qui décèlent l’e.r cathedra. Tout au contraire, de pressants arguments démontrent qu’il ne saurait être question ici d’enseignement ex cathedra. En effet, quand il s’agit d’une doctrine définie ex cathedra, l'Église ne cesse de l’inculquer et de la défendre ; elle ne peut pactiser avec l’erreur. Si donc l’essence de l’ordination était dans la porrection des instruments et dans les formules qui l’accompagnent, l'Église n’aurait toléré aucune altération, aucune négation, aucune contradiction. Or, en réalité, les théologiens ont toujours eu, après le concile de Florence, la liberté d’opiner en des sens divers, allant même, pour certains d’entre eux, à enseigner que l’essence du sacrement de l’ordre résidait dans la seule imposition des mains avec la formule qui l’accompagne. C’est donc le cas d’appliquer la remarque de Palmieri : Si ea doctrina (supposée définie) viguit deinceps in Ecclesia, nec aliam repereris definitionem, a/firmare poteris illam fuisse definitionem fidei. Sie contrario alia quoque doctrina opposita perseveruverit, ipsa sciente et permittenle nuilto magis si probante romana Sedc, affirmare tibi licebit, illam non fuisse definitionem fidei. De romano Pontifice, thèse xxxi (n. 407-409). De plus, comme on l’a déjà rappelé, après la prétendue « définition » de Florence, les papes n’ont pas cessé de confirmer et d’approuver la pratique orientale de l’ordination