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ORDRE. LES GRANDS SCOLASTIQUES


caractère, a. 2, q. i, sol. 2. Saint Bonaventure rapporte le signaculum au caractère. Dist. XXIV, part. II, expositio textus, dub. vi. Et saint Thomas lui-même ne s’oppose pas à cette interprétation, Suppl., q. xxxiv, a. 2. ad lum.

L’ordre est un sacrement, en tant que, dans l'Église, il confère, par un rite sensible extérieur, un pouvoir spirituel avec la grâce nécessaire pour en exercer dignement les fonctions ; mais ici, le pouvoir communiqué est principalement envisagé. Saint Thomas, id., sol. 3 ; cf. Suppl., q. xxxiv, a. 2, ad 2um ; a. 4, ad 4 am ; S. Bonaventure, loc. cit., q. h ; Thomas de Strasbourg, dist. XXIV, q. viii, a. 1 ; Pierre de Tarentaise, q. ix. Si le pouvoir est principalement envisagé, c’est qu’il est un pouvoir ministériel ou instrumental destiné à transmettre aux fidèles l’influence sanctificatrice de leur chef, Jésus-Christ. Il présente donc, avant tout, un caractère social. Voir S. Thomas, Suppl., q. xxxvi, a. 8, ad 2um ; S. Bonaventure, dist. XXV, a. 2, q. iv. C’est l’explication que reprendront unanimement les théologiens postérieurs ; cf. Estius, In IV am Sent., dist. I, § 17 ; Esparza, Cursus theologicus, t. X, q. en, 1. 7 ;

Scot envisage lui aussi le double effet du sacrement, pouvoir et grâce, lorsqu’il définit l’ordre : collalio determinati ministerii, per aliquod signum sensibile…, signans efficaciter ex institutione divina effectuai gratix invisibilis, quo ordinatus digne aliquod ministerium exsequatur. Report., t. IV, loc. cit., n. 10. Dom. Soto accuse Duns Scot d’avoir, dans le Commentaire sur les Sentences, omis l'élément sensible, constitutif du sacrement, en définissant l’ordre : Potestas spiritmlis ad aliquem actum exsequendum in hierarchia ecclesiastica. Mais il est bien évident que Scot n’exclut pas cet élément sensible ; cf. Vasquez, disp. CCXXXV, c. ni, n. 28.

Certains auteurs, en un article spécial, précisent que l’ordre est un sacrement de la Nouvelle Loi, se distinguant par conséquent d’une manière spécifique du sacerdoce de Melchisédech et d’Aaron. Saint Bonaventure, loc. cit., q. m ; Pierre de Tarentaise, id, , q. x ; Fr. Mayronis, id., q i, Cette précision semble appelée par le texte même du Maître des Sentences.

Puisque, dans l’ordre, le pouvoir conféré est principalement envisagé, c’est lui que devra signifier la matière et la forme du rite sensible. Saint Thomas, loc. cit., sol. 4 et 5. D’une manière générale, la forme de l’ordre exprime d’une manière impérative et la communication du pouvoir et l’usage qui doit être fait de ce pouvoir. Quant à la matière, diverse pour chaque ordre, elle marque la transmission du pouvoir qui dérive de Dieu, mais par l’intermédiaire de l'évêque conférant le sacrement.

Avec le pouvoir conféré, le sacrement donne à celui qui le reçoit, s’il n’y met pas obstacle, la grâce sanctifiante aussi nécessaire d’ailleurs pour la dispensation que pour la réception des sacrements. Et, conformément aux principes posés dans le Traité des sacrements en général, il donne également la grâce sacramentelle, laquelle apporte au ministre sacré les secours spéciaux nécessaires à l’exercice fructueux de ses fonctions. Saint Thomas, loc. cit., a. 2, sol. 1 ; Suppl., q. xxxv, a. 1 et ad 3um.

3. Fin et objet du sacrement de l’ordre. — L’ordre, ayant dans l'Église un caractère avant tout social, possède, à l'égard du corps mystique de Jésus-Christ, une fin et un obiet bien déterminés. Sa fin, c’est la sanctification des âmes par l’exercice des pouvoirs sacrés, qui placent le prêtre à la tête des simples fidèles. Sacer ordo, disait Alain de Lille, est sacramentum quo insignitur homo, ut sic aliis per honorem prxsit, ut eis per onus prælationis prosit. Theol. reg., xcv,

P. L., t. ccx, col. 681. Mais cette sanctification doit suivre, dans la Loi Nouvelle instituée par JésusChrist une marche déterminée. Le sacerdoce a pour objet principal d’offrir le sacrifice, acte du culte social qui est dû à la souveraineté de Dieu. Or, comme dans la Nouvelle Loi, le sacrifice est l’oblation du corps et du sang du Christ à la messe, le sacerdoce aura pour objet principal d’offrir ce sacrifice, c’est-à-dire de consacrer le corps et le sang du Sauveur. Mais le sacrifice du Christ à l’autel n’est pas complet sans la participation des fidèles. Or, pour rendre les fidèles aptes à cette participation d’une façon digne et fructueuse, il faut que le prêtre intervienne et les dispose par l’administration des sacrements. Ainsi donc, le sacerdoce aura pour objet l’offrande du sacrifice eucharistique et l’administration des sacrements, principalement des sacrements de baptême et de pénitence, par lesquels l’homme obtient la rémission de ses péchés ; cf. S. Thomas, Cont. Gentes, t. IV, c. lxxxiv. Telle est l’idée fondamentale qui revient sans cesse sous les affirmations des théologiens du Moyen Age : Ordo est ad sacrificium administrandum, S. Bonaventure, In IVum Sent., dist. XXIV, part. I, a. 2, q. m. Hoc sacramentum est ordinatum ad dispensandum omnia alia sacramenta. Id., dub. i. Per sacramentum ordinis aliquis accipit poiestatem agendi actiones sacramentales. S. Thomas, Sum. theol., III a, q. lxv, a. 2 ; constituitur aliquis dispensator aliorum sacramentorum. Suppl.. q. xxxvii, a. 2. Albert le Grand, In IVum Sent., dist. XXIV, a. 4. C’est pourquoi, dans la définition de l’ordre, la tradition du pouvoir doit être mise avant la collation de la grâce (voir ci-dessus).

4. Le caractère du sacrement de l’ordre.

Sur le

caractère en général et son point d’attache dans l'âme, voir t. ii, col. 1698.

Notons simplement ici comment saint Thomas rattache le caractère à une participation du sacerdoce de Jésus-Christ. Il remarque, en effet, que les trois caractères du baptême, de la confirmation et de l’ordre ont pour effet de rendre le chrétien capable de recevoir les sacrements ou d’exercer les fonctions liturgiques. Or, tout ce qu’il y a de rites sacrés et efficaces dans l'Église dérive et relève en dernière analyse du sacerdoce de Jésus-Christ, principe de tout ministère et de toute sanctification. Le caractère est donc, en définitive, une participation effective au sacerdoce de Jésus-Christ. Sum. theol., IIP, q. lxiii, a. 3 et ad 2um. Si cela est vrai du caractère imprimé par le baptême et par la confirmation, combien cela est-il plus vrai encore du caractère imprimé par l’ordre, qui communique précisément à l’ordinand, plus ou moins complètement, le pouvoir sacerdotal de Jésus-Christ, pouvoir qui fait de lui un autre Jésus-Christ prêtre ; cf. S. Bonaventure, In IV am Sent., dist. XXIV, part. II, a. 1, q. i.

La question posée par les commentateurs des Sentences, au sujet du caractère du sacrement de l’ordre, est celle-ci : tous les ordres, y cohupris le sousdiaconat et les ordres mineurs, sont-ils des sacrements ? Autrement dit, impriment-ils, tous et chacun, dans l'âme de qui les reçoit, un caractère inef façable ? Au Moyen Age, les auteurs sont unanimement pour l’affirmative. Sur ce sujet, disent-ils, il existe une triple opinion. Les uns admettent que le caractère est imprimé seulement dans l’ordre de la prêtrise. Mais, ajoutent-ils, cela n’est pas vrai, car le ministère du diacre est un ministère essentiellement spirituel, qui présuppose le caractère sacramentel. D’autres enseignent que l’ordre n’est sacrement que dans les ordres sacrés, et non dans les ordres mineurs ; mais cela semble faux, car tout ordre, même mineur, communique à qui le reçoit,