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ORDRE. LES PREMIERS SCOLASTIQUES

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sommeil, et être pourtant réellement baptisé. Id., p. 54. Comme la première, cette seconde affirmation est contraire aux conclusions les plus assurées de la théologie. » Saltet, p. 322.

Néanmoins, la doctrine de Gandulph constitue un progrès considérable.

Dans la curie romaine, un cardinal au moins défendait, mais avec moins d'érudition et de fermeté, les thèses de Gandulph, le cardinal Laborans (f vers 1190). Laborans s'étonne qu’on accorde que la prêtrise et l'épiscopat puissent être conférés en dehors de l'Église, mais pas les ordres inférieurs. Son argumentation part de ce point de vue, d’ailleurs exact. Mais combien hésitante est sa conclusion I Ast in omnibus id videndum quod sacrosanctæ videtur Ecclesin

Enfin, Roland lui-même, devenu le pape Alexandre III. fut infidèle à son enseignement de Bologne. Dans la paix d’Anagni (novembre 1176), conclue entre Frédéric I er et Alexandre III, on lit, à l’article 10 : Universi etiam ordinati a quondani catholicis vel ab ordinatis eorum in teutonico regno restiluentur in ordinibus suis taliter suscepiis ; cf. P. Kehr, Der Vertrag von Anagni, im Jahre 1176, dans le Neues Archiv, t. xiii, 1888, p. 112. Cet article est reproduit avec l’addition insignifiante : nec occasione hujus scismatis gravabuntur, dans la paix de Venise. Ibid., p. 117. L’expression importante et qui corrige toute la thèse de Maître Roland est l’incise que nous avons soulignée : vel ab ordinatis eorum. Ainsi donc, n'étaient plus considérées comme valides simplement les ordinations faites extra Ecclesiam par un évêque ordonné catholique, mais encore celles qui auraient été faites par un évêque consacré extra Ecclesiam, mais par un évêque catholique. Malgré quelques cas isolés de réordinations célébrées par Lucius III et Urbain III. la vraie doctrine commençait à triompher.

3. Triomphe définitif de la vraie doctrine.

La thèse bolonaise de Maître Roland et de Rufln trouve encore des échos dans quelques ouvrages de la fin du xiie siècle : la Summa Coloniensis (ms. D. il. 17 de la bibliothèque royale de Bamberg) ; la Summa Lipsiensis : cf. Schulte, Die Summa Decreti Lipsiensis, dans les Sitzungsberichte de l’Académie de Vienne, 1871, t. lxviii, p. 37-54, la Compilatio prima de Bernard de Pavie ; cf. E. Friedberg, Quinque compilations antiquæ, Compilatio I, Leipzig, 1882. Bien plus, au milieu du xme siècle, Innocent IV, dans son Apparatus, accentue les théories de Roland et de Rufln. Le droit y est reconnu au pape de déterminer des empêchements dirimants pour tous les sacrements, y compris le baptême, comme pour le mariage.

Néanmoins, deux théologiens devaient donner le coup de mort à la théorie si longtemps en faveur à Bologne et à la cour pontificale, Huguccio de Pise et saint Raymond de Pennafort.

Huguccio, dans sa Summa Decreti, encore manuscrite, rejette expressément l’opinion de Rufln et de Jean de Fænza, qu’il déclare une opinion cancellala. Ms. 985 de la bibliothèque de Leipzig, fol. 88, 89. La doctrine d’Huguccio s’implanta à Bologne ; elle y fit bientôt loi ; cf. Saltet, p. 336.

Quant à saint Raymond de Pennafort, c’est dans la célèbre Summa de pienitentia et matrimonio qu’il condamne l’opinion de Jean de Fænza et de Roffredus († 1243). Regulariler teneas, écrit-il, quod episcopi et sacerdotes, sive sint excommunicati, sive hæretici, sive depositi, vera conficiunt sacramenta, dum tamen in forma Ecclesiw. Op. cit., t. I, c. De hæreticis et ordinatis ab eis, § 9, p. 37-38, Paris, 1720.

A l’université de Paris, nous rencontrons encore

à cette époque quelques vestiges de l’enseignement de Bologne chez Etienne de Tournay, dans sa Summa Decreti ; cf. F. Schulte, Die Summa des Steplumus Tornacensis iiber das Decretum Gratiani, Giessen, 1891, p. 122-123 ; chez l’auteur de la Summa Parisiensis, Cod. Bamberg, P. il. 26, fol. 26 v°, à propos du Décret, caus. I, q. i, c. 2, et fol. 29, caus. 1, q. vii, c. 24 ; chez Pierre de Poitiers, Gloses sur les Sentences de Pierre Lombard, Bibl. nat., lat. 14 425, fol. 109 r° ; chez Simon de Tournay, Summa de sacramentis, Bibl. nat., lat. 14 886, fol. 48 r" (voir Saltet, op. cit., p. 344-348 ; 350-353). Mais la doctrine augustinienne et traditionnelle est de plus en plus affirmée. L. Saltet cite la Summa Monacensis, cf. H. Singer, Beitrùge zur Wiïrdigung der Decretistenliteratur, dans V Archiv fur katholisches Kirchenrecht, t. i, 1893, p. 404 ; Prévostin, Summa, ms. Bibl. nat., lat. 13 738, fol. 80 v° ; Robert de Flamesbury, à l’abbaye de Saint-Victor, dans son Pénitentiel, ms. Bibl. nat., lat. 3 529, fol v 20 r° ; Robert de Courçon, dans sa Summa, Bibl. nat., lat. 3 203, fol. 278 v° et 279 r° ; Guillaume d’Auxerre, Summa aurea, Paris, 1505, fol. 284 ; Roland de Crémone, Conclusiones… super IV libros Sententiarum, bibl. Mazarine, ms. 795, fol. 128 r".

Ainsi, la doctrine définitive a prévalu à Paris comme à Bologne. Seule la question de la dégradation perpétuelle occasionnera encore quelques hésitations, qu’on retrouve plus ou moins chez Pierre de Poitiers, Gloses sur les Sentences, t. IV, dist. XXIV, dans Bibl. nat., lat. 14 423, fol. 109 r°, et Guillaume d’Auvergne, De sacramento ordinis, dans Opéra, t. i, p. 539. Mais la grande autorité d’Alexandre de Halès fera finalement l’accord sur tous les points essentiels : Degradatus habet potestatem consecrandi : jus tamen exequendi non habet, sicut supra dictum est de hivretico. Sicut cnim charactere non potest privari, nec sic potestate conftciendi, Sum. theol., part. IV, q. x, mernb. 5, a. 1, § 6. Le triomphe de la doctrine traditionnelle à Paris ne paraît pas dû à l’influence de Pierre Lombard qui, dans ses Sentences, t. IV, dist. XXV, § 3, P. L., t. cxcii, col. 907, témoigne encore d’une singulière hésitation tant pour ce qui concerne les ordinations conférées parles hérétiques, que pour les effets de la déposition.

Le triomphe est dû surtout au progrès de la théologie sacramentaire au début du xme siècle. C’est à cette époque, en effet, que la doctrine du caractère sacramentel, si apte à dissiper tout malentendu, est nettement affirmée dans l'Église. Sans déclarer encore que cette doctrine relève de la foi, Innocent III, en 1201, l’enseigne expressément dans sa lettre à Ymbert, archevêque d’Arles, Denz.-Bannw., n. 411, à propos du baptême. Son deuxième successeur, Grégoire IX, mentionne le caractère du sacrement de l’ordre, dans une réponse à une consultation de l’archevêque de Bari, Décrétai., t. I, tit. xi, c. 16. Enfin, trois théologiens de marque s’appliquent à mettre en relief cet enseignement : Guillaume d’Auxerre, Summa aurea, t. IV, c. ii, De baptismo ; Guillaume de Paris, De sacramento baptismi, c. m ; et surtout Alexandre de Halès, Summa theol., part. IV, q. viii, memb. 8, a. 1. On a vu à l’art. Caractère sacramentel les fondements patristiques de cette doctrine, t. ii, col. 1698.

Outre les sources indiquées au cours de l’article, on consultera : dom C. Chardon, Histoire des sacrements, dans Migne, Cursus theologiæ, t. xx ; Hergenrôther, Die Reordinationem der alten Kirche, dans l'Œsterreichische Viertaljahresschrifl fur katholische Théologie, 1862, p. 207-2.V. !  ; 387-456 ; et surtout L. Saltet, Les réordinations, Paris, 1907.

II. LA THÉOLOGIE DU SACREMENT DE L’ORDRE CHEZ

les grands SCOLASTIQUES. — 1° Les précurseurs. — Il semble que tout l’effort de la théologie sacramentaire de l’ordre ait porté, du viii ? au xm° siècle, sui