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ORDRE. L’AGE PATRISTIOUE


prêtrise, le diaconat, qui doivent être donnés successivement. Epist., xii, 5, col. 652. Le sous-diaconat, qu’il appelle « quatrième ordre » est signalé par l’obligation du célibat qui, à plus forte raison, s’impose aux ordres supérieurs, Epist., xiv, 4, col. 672. L'éminente dignité que Léon reconnaît dans le sacerdoce lui en fait exclure les esclaves, Epist., iv, 1, col. 611 ; il les écarte surtout de l'épiscopat : sacrum ministcrium talis consortii vilitate polluitur. Ce n’est là ni orgueil, ni mépris des humbles ; il n’y faut voir qu’un hommage à la grandeur du ministère sacerdotal, celui-là même que rend saint Léon lorsqu’il veut qu’on dépose les clercs coupables, sans les mettre au rang des pénitents. Epist., clxvii, inquis. 2, col. 1203.

Dans la question dogmatique de la validité des ordinations faites en dehors de l'Église ou contre les canons, saint Léon est fidèle à la doctrine augustinienne. Voir la lettre aux évêques de Mauritanie en 446, Epist., xii, 6, col. 653. Il reste également fidèle à l’idée d’un sacerdoce entendu au sens large pour tous les fidèles. Serm., iv, 1, col. 148 ; cf. Léon 1°, t. ix, col. 290-291.

c) C’est encore la doctrine augustinienne qui inspire le pape Anastase II. En vue de régler le schisme d’Acace, il rappelle les principes traditionnels de la théologie catholique du sacrement de l’ordre : « La vertu du sacrement n’est pas diminuée par l’indignité du ministre… Le sacrement administré par un impie ne nuit qu'à cet impie ; aux autres, il apporte toute la perfection de sa vertu. » En conséquence, le pape reconnaît valides les ordinations faites par Acace et accueille les clercs ordonnés dans le schisme. Thiel, Epist. roman, pontif. genuina-…, p. 620, 622. Cette décision et cette doctrine ne faisaient d’ailleurs que reproduire des décisions antérieures de Félix III, Epist., xiv, et de Gélase, Epist., m Thiel, p. 268, 365.

d) Malgré des formules dures et ambiguës, c’est encore la doctrine augustinienne qu’on retrouve dans les décisions du pape Pelage I er, dans l’affaire des schismatiques d’Aquilée, P. L., t. lxix, col. 411, et dans celle de l'évêque Paulin de Fossombreuse. Dans la lettre aux magistrats Viatcur et Pancrace concernant cette deuxième affaire, le pape reprend une idée très augustinienne : non est enim Christi corpus quod schismaticus conficit, si veritate duce dirigimur, col. 412. Il s’agit, en effet, non pas de nier le pouvoir de consécration des prêtres ordonnés dans le schisme, mais de déclarer que le schismatique ne saurait célébrer l’eucharistie parfaite, c’est-à-dire l’union du Christ et du corps mystique du Christ qui est l'Église ; cf. S. Augustin, Serm., cclxxii, P. L., t. xxxviii, col. 1247. Sur la pensée de Pelage, voir Saltet, op. cit., p. 78-83, et Tixeront, Histoire des dogmes, t. iii, p. 417.

c) L’influence d’Augustin se maintient intégralement chez saint Isidore de Séville. La question de l’invalidité des ordinations schismatiques ou hérétiques ne se pose même pas pour lui. II a particulièrement étudié le sacrement de l’ordre dans ses Étymologies, VII, xii, P. L., t. lxxxii, col. 290, où il énumère les degrés de la hiérarchie, conformément à la doctrine des Statuta EcclesicT antiqua, mais surtout dans son De ecclesiasticis officiis, t. II, c. m-xv, P. L., t. lxxxiii, col. 779-794. Il traite des différents degrés de la hiérarchie, dans l’ordre suivant : évêque, prêtre, diacre, sousdiacre, lecteur, psalmiste, exorciste, acolyte, portier. Il remarque, d’ailleurs, avec les Statuta, que les chantres ou psalmistes n'étaient pas proprement ordonnés, mais pouvaient être délégués à leur office par un simple prêtre.

3. Saint Grégoire et le Pastoral.

L’aspect moral du sacerdoce chrétien domine le « Pastoral » de saint Grégoire le Grand. L’auteur l’a écrit vers l’an 591 et dédié à Jean, archevêque de Ravenne. Jean avait reproché au pape de s'être dérobé par la fuite à la

dignité suprême ; Grégoire se justifie, à l’exemple de saint Grégoire de Nazianze (voir ci-dessus, col. 1280), de saint Jean Chrysostome (voir ibid.), en relevant les grandeurs et les difficultés du ministère pastoral. L’ouvrage comprend en fait trois parties ; le chapitre unique dont se compose la quatrième est plutôt une simple conclusion, invitant le prêtre à rentrer en luimême pour se bien connaître. La première partie expose les qualités que suppose l’entrée dans les ordres et la hiérarchie : ad culmen quisque regiminis qiuditer veniat. La deuxième indique la vie (vertus et œuvres) que doivent mener les prêtres : ad hoc rite perveniens qualiier vivat. La troisième, la plus étendue et la plus importante, trace les règles de la prédication et de la direction à donner aux fidèles : bene vivens qualiier doceat. « La question de l'éloquence chrétienne avait été déjà trop bien traitée par saint Augustin pour que Grégoire pût renouveler un tel sujet. D’ailleurs, il s’y essaie à peine et s’attache à décrire les caractères divers des fidèles pour apprendre au prêtre à s’y adapter avec soin… Les deux premières parties ont efficacement contribué à élever le clergé à la hauteur de l’idéal très haut, mais bien réalisable, qui lui était ici présenté avec tant de force et d’autorité ». F. Cayré, Précis de patrologie, t. ii, p. 237.

Le Pastoral de saint Grégoire eut un succès extraordinaire. Le patriarche d’Antioche, Anastase II, le traduisit en grec ; mais cette version n’est pas parvenue jusqu'à nous. Pitra, Juris ceci. Gnvcorum liist. et monum., t. ii, Rome, 1868, p. 241. Une traduction française du Pastoral de saint Grégoire, par l’abbé J. Boutet, a été éditée à Paris, 1929 (coll. Pax).

Saint Grégoire eut aussi l’occasion d’affirmer la doctrine augustinienne de la non-itération de l’ordination. L'évêque de Ravenne voulait réordonner un diacre ou un prêtre qui, avant son ordination, avait commis quelque faute tardivement dévoilée. Saint Grégoire maintient la doctrine traditionnelle : Sicut baptizedus semel baptizari iterum non débet, ita qui consecratus est semel in eodem ordine iterum non valet consecrari. Epist., xlvi, P. L., t. lxxvii, col. 585.

4. La doctrine augustinienne au milieu des premières controverses relatives aux réordinations. — A partir du viiie siècle, toute la théologie de l’ordre est pour ainsi dire concentrée sur la question brûlante de l’efficacité du rite conféré par un hérétique ou un simoniaque. Il ne saurait être ici question d'étudier le fait des réordinations et des doctrines qui s’y rattachent : ce sera l’objet d’un article spécial. Néanmoins il est nécessaire de dégager les points que les controverses ont servi à mettre en relief et d’où, plus tard, jailliront les thèses scolastiques relatives au caractère indélébile de l’ordre, aux conditions de validité et de licéité dans l’administration du sacrement, à la distinction du pouvoir d’ordre et du pouvoir de juridiction.

Un principe fondamental demeure hors de contestation et domine toutes les controverses. Ceux qui ont réitéré le sacrement de l’ordre n’ont pu nier qu’ils faisaient une réordination matérielle ; mais ils ont toujours déclaré que cette réitération n'était qu’apparente, la première ordination étant nulle. On savait parfaitement qu’une ordination valide ne pouvait être réitérée, et qu’elle conférait à qui l’avait reçue un caractère indélébile. Ce principe général, admis de tous, se retrouve, comme aux temps de Cyprien et d’Augustin, à la base des solutions de fait les plus opposées.

Les divergences doctrinales porteront donc sur les conditions requises pour l’administration valide du sacrement, surtout en ce qui touche à la personne du ministre et à sa communion avec l'Église. A partir du vie siècle, mais plus encore aux ixe et xe, les pré DICT. DE THEOL. CATHOL.

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