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PAUL (SAINT). I/ÉPITRE AUX HÉBRKUX


supérieur à Moïse. 2° Le Fils de Dieu est le grand prêtre par excellence ; le ministre du « véritable » sanctuaire. 3° Nature de la foi ; son rôle dans l’histoire d’Israël. Les dangers de l’apostasie.

L’épître aux Hébreux est une apologie de la foi chrétienne à l’usage des Juifs convertis. Dès les premiers jours du christianisme, la mort de Jésus avait pesé comme une lourde épreuve sur la foi des chrétiens ; cf. Luc, xxiv, 21 sq. ; Act., i, 7-8. Aux yeux des Juifs, cette mort était un « scandale » ; aux yeux des païens l’acceptation de la foi chrétienne en de telles conditions était une « folie » ; cf. I Cor., i, 23. Aussi, les premiers prédicateurs, en exposant le christianisme aux Juifs, avaient dû leur montrer que la mort de Jésus n’était point incompatible avec sa messianité. Au contraire, elle avait abouti à la résurrection et à l’ascension près de Dieu ; et elle devait être suivie, à plus ou moins brève échéance, d’un retour triomphal. Cf. Act., ii, iii, v ; voir col. 2360.

En lisant l’épître aux Hébreux, on a l’impression que ses destinataires, des judéo-chrétiens, supportaient difficilement 1’ « opprobre », aux yeux des Juifs, de la mort de Jésus, xiii, 13 ; cf. I Cor., i, 23. Les souffrances et la mort du Messie n’avaient point été suivies de son retour, ni de cette période glorieuse dont beaucoup avaient escompté à tort l’imminence. x, 37-39.

En outre, les judéo-chrétiens avaient encore présent à l’esprit le temple avec l’éclat de l’ancien culte, dont ils ne trouvaient pas d’équivalent dans la religion chrétienne. Le regret, le doute et l’abattement avaient succédé chez eux à l’enthousiasme des premiers jours, et le christianisme ne répondait plus à l’idée qu’ils s’étaient faite de la religion nouvelle.

Une telle situation était encore aggravée par les persécutions plus ou moins ouvertes qu’ils avaient à subir de la part des Juifs restés fidèles à la Synagogue et au Temple. Plusieurs avaient déjà apostasie, x, 23, 25, 35, 39 ; vi, 4-8. Il fallait retenir les autres, en leur montrant la supériorité du christianisme sur le judaïsme ; en présentant la nouvelle économie comme la religion définitive et parfaite malgré le crucifiement et l’absence de Jésus, malgré la liturgie bien rudimentaire et bien pâle des assemblées chrétiennes à côté des splendeurs du Temple. Il fallait mettre en évidence l’é ninente dignité du Christ et la supériorité de son sacerdoce, sacerdoce éternel. A ces deux idées principales se rattachent presque tous les développements de l’épître.

La mort du Christ, dans la première prédication chrétienne, était présentée comme un principe ou un moyen de glorification. L’épître aux Hébreux reprend ce thème en le complétant. Cette mort est une partie essentielle de l’œuvre messianique. Le Christ s’est abaissé « un peu — ou « peu de temps » — au-dessous des an^ts, auxquels il est supérieur par essence. Cet abaissement, dans l’humanité, est le gage d’une juste condescendance pour l’homme ; cf. v, 2, ji.erpi.oTCaQs’ïv. Il permet au Christ d’intercéder perpétuellement et d’accomplir son œuvre d’expiation. Il y a là, pour les Juifs, un avantage qui rend désormais inutiles les consolations tout extérieures du Temple.

En mettant en relief la dignité du Christ, sa glorification après son abaissement, l’auteur ne fait que reprendre l’enseignement de la première catéchèse apostolique ; mais il y ajoute, pour les besoins de ses lecteurs, des preuves d’ordre scripturaire et philosophique, selon la méthode de l’exégèse hellénistique.

L’application de cette méthode apparaît surtout en ce que l’auteur présente d’un côté le caractère imparfait et la signification de l’ancienne Loi, d’un autre côté, le caractère universel et parfait de l’Évangile, c’est-à-dire de la foi chrétienne. Esquissant une

sorte de philosophie de l’histoire, l’auteur considère l’Ancien Testament comme une prophétie au sens le plus large du mot. Les institutions visibles de l’ancienne Loi correspondent à un modèle ou un archétype divin, - cf. viii, 5 : xaxà tôv tûtcov tôv Szc/dévia. aoi èv tô Ôpei. Elles sont l’expression d’une vérité, ou le symbole d’une réalité éternelle ; une représentation imparfaite d’un idéal absolu et parfait. Cf.xii, 27.

En vertu de cette conception, l’œuvre du Christ el l’espérance chrétienne sont décrites avec des images et en des termes empruntés à l’ancienne Loi. Toutefois, l’auteur le fait avec une sobriété qui contraste avec Philon et les allégorisants de l’école d’Alexandrie. En décrivant le système du rituel lévitique, il montre qu’il y a une réelle correspondance entre le monde visible et le monde invisible. Mais il ne regarde point le monde invisible comme un pur monde d’idées, un xôcpioi ; voyjtôç, à la manière de Philon, mais comme un autre monde, où s’épanouit la plénitude de la vie et où se réalise la perfection, izXz’uùgic, .

Cette idée de perfection comporte le complet développement spirituel, la pleine possession des privilèges surnaturels, la parfaite connaissance. L’enfant, vTjrooç, v, 14, fait place au chrétien « parfait ». Le tabernacle provisoire est remplacé par le tabernacle « parfait ». xi. 11. La « perfection » de l’enseignement chrétien. reXsiô-rqç, contraste avec l’enseignement élémentaire de l’Évangile, vi, 1. Le Christ a conduit « la foi » à « la perfection ».xii, 2.

Le but de l’économie religieuse providentielle est donc « la perfection », viii, 11 : le christianisme réalise ainsi le complet développement de l’homme dans ses rapports avec Dieu. A cette fin, il a plu à Dieu d’élever « à la perfection », par ses souffrances, le Fils incarné, n, 10 ; v, 9 ; vii, 28 ; cf. iv, 15 ; xii, 2. Le Fils, à son tour, a « rendu parfaits ceux qu’il a sanctifiés ». x, 14 ; xi, 40 ; xii, 23. Ainsi, les fidèles, participant à la perfection du Christ, sont devenus parfaits. Cf. x, 10, 19.

Dans les autres épîtres pauliniennes, l’union au Christ — « être dans le Christ » — fait participer aux privilèges du « chef ». Dans l’épître aux Hébreux, nous trouvons l’équivalent de cette doctrine dans l’idée d’une perfection acquise par le Christ et communiquée aux fidèles. Mais les formules sont bien différentes.

L’important pour l’auteur de l’épître, était de bien marquer le rôle, respectif des deux économies. Le judaïsme est l’ombre, oxiâ, viii, 8 ; x, 1, le christianisme est la réalité, Û7rôaTæri< ;. xi, 1.

Toutefois, l’un et l’autre se trouvant dans des conditions terrestres, les « figures » gardent encore en partie leur signification prophétique ou symbolique et entretiennent l’espérance du monde futur ou inonde spirituel. Il y a, dans ce monde spirituel, une « cité céleste », un corps organisé d’êtres raisonnables ; une Église qui jouit de tous les avantages de la vie sociale, xi, 10, 16 ; xii, 22 sq. ; cf. Apoc, xxi, 16. Il y a un sanctuaire céleste, archétype du sanctuaire terrestre ; c’est là que s’accomplit le devoir de l’éternelle adoration, viii, 2, 5. Les chrétiens sont en communion avec ce monde céleste, son sanctuaire et son prêtre, et ils aspirent à y être admis pour la vie future.

Les institutions de l’ancienne Loi ainsi présentées, doivent amener les Juifs à l’intelligence du christianisme. La « nouvelle Loi » doit leur apparaître comme l’achèvement du plan divin de salut. La révélation du Fils de Dieu a porté à la « perfection » l’œuvre de Dieu commencée dans l’Ancien Testament, i, 1-2. Le Fils, < rayonnement de la gloire » et « empreinte de la substance de Dieu, i, 3, est cependant homme véritable ; c’est pourquoi il a élevé l’humanité jusqu’ « au trône céleste ». iv, 14-16. Il a accompli cette œuvre par ses