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l’AUL (SAINT). LE « MYSTÈRE » DU CHRIST


13 ; Phil., iii, 15 ; I Cor., ii, 6 sq. ; xiv, 20 ; Col., iv, 12. Cotte perfection se réalise par la pratique de la vie chrétienne en union avec le Christ, et non d’une façon instantanée par un rite d’initiation.

II y a une différence très marquée entre renseignement de saint Paul et le gnosticisme des IIe et iiie siècles. Dans le gnosticisme, l’initié, par le baptême dans le vôoç, participait à la yvCiaiç et devenait ainsi ToXetoç. S’il y avait parmi les correspondants de l’Apôtre des gens qui entendaient ainsi la perfection chrétienne — ce qui est assez douteux — lui-même l’entend d’une tout autre manière. L’analogie avec la gnose est assez lointaine ; il y aurait anachronisme à expliquer saint Paul par des textes du iie ou du iiie siècle. Cf. Heb., v, 14 ; Matth., v, 48 ; xix, 21 ; I Cor., ii, 6.

Au f. ii, 2, l’Apôtre dit que le « mystère de Dieu » est « celui du Christ ». Ce passage, dont le texte est assez difficile àétablir (voir les variantes dans Abbott, p. 240), ne paraît point avoir une portée christologique spéciale concernant la nature divine du Christ ; car l’Apôtre a déjà exposé plus haut cette christologie, i. 15 sq. Ici, il concentre toute sa pensée sur le « mystère », ou la conception du salut par le Christ.

Après avoir dit ce qu’est le mystère du Christ, l’Apôtre exhorte les chrétiens à abandonner les /dusses doctrines, ou spéculations de la philosophie, ainsi que les rites préjudiciables au salut chrétien : il caractérise, en les opposant, deux conceptions de la vie religieuse, le syncrétisme judéo-phrygien et le christianisme, ii, 6-23 :

< Prenez garde que personne ne vienne vous rendre captifs par le moyen de la philosophie et d’une vaine tromperie conforme à la tradition des hommes, selon les éléments du monde, xarà -à <TTOi)(sïa toû x6a[iou. Caren lui, corporellement, aco( J !.a-uxà>< ; (dans son corps, dans sa réalité corporelle), habite toute la plénitude de la divinité, ttôcv tô 7rXï]po>|j.a -rvjç ÔsÔtïjtoç, et c’est en lui que vous participez à la plénitude, Ke.TzT l pa>y.£voi. C’est lui le chef de toute principauté et de toute puissance. » « En lui aussi vous avez été circoncis d’une circoncision qui n’est pas œuvre humaine, par le dépouillement du corps de la chair, de la circoncision du Christ. Ensevelis avec lui dans le baptême, en lui (ou : dans ce baptême) vous avez été aussi ressuscites avec lui, par la foi en la puissance de Dieu qui l’a ressuscité des morts. »

i Vous étiez morts en raison de vos transgressions et de l’incirconcision de votre chair (probablement sens figuré : en vivant selon la chair). Il (Dieu) vous a vivifiés avec lui (le Christ), après nous (ou var. vous) avoir pardonné toutes nos (ou : vos) transgressions, et avoir détruit l’acte (le billet de la dette) qui nous était contraire, [rédigé contre nous] et consistant en ordonnances, il l’a détruit, dis-je, l’ayant annulé en le clouant à la croix. Ayant dépouillé les principautés et les puissances, il les a livrées en spectacle en les conduisant dans son triomphe de la croix. »

D’abord les doctrines. Il est clair, dans ces passages, que les Colossiens faisaient dépendre leur vie religieuse d’une doctrine ésotérique réservée aux initiés. Cette doctrine était « selon les éléments du monde et non selon le Christ ». On entend généralement ces « éléments du monde », des rudiments ou éléments de doctrines, principes d’un enseignement différent de celui de l’Évangile. Cette explication convient bien ici. Mais peut-être l’expression désignait-elle, dans l’enseignement judéo-phrygien, des êtres ou puissances, personnifiés dans les éléments qui constituaient l’univers ? Cf. Testam. Levi, iv, 1 ; Psaumes de Salomon, xviii, 1214 ; cf. Abbott, Ephesians and Colossians, p. 247-248. A cette doctrine l’Apôtre oppose celle du Christ : en lui habite corporellement toute la plénitude de la

DICT. DE THÉOL. CATH.

divinité. Il s’agit du Christ glorifié, cf. Phil., ni, 21, élevé au-dessus des puissances. Par son corps il appartient à l’humanité, mais la divinité qui habite en lui lui confère une dignité au-dessus de tout être. C’est donc par lui, et non par les puissances, que l’on participe à la plénitude et que l’on devient parfait. Cf. Joa., i, 16 ; Eph., iii, 9 ; iv, 13 ; et i, 23.

Tous les pouvoirs angéliques ou esprits, auxquels les Colossiens prêtent le rôle de médiateurs entre Dieu et l’homme, au détriment du Christ, lui sont inférieurs et lui demeurent soumis. Lui seul est principe de résurrection par le baptême et la foi. Bien plus, par sa mort sur la croix il a détruit la « créance » qui nous était contraire, c’est-à-dire la loi mosaïque avec ses ordonnances. Il a triomphé des puissances et les a dépouillées de leurs droits. Ces puissances n’ont donc aucun rôle dans la vie religieuse. Il n’y a plus lieu de s’y soumettre par les pratiques de la Loi, dont elles étaient considérées comme les gardiennes. Le Christ est le seul médiateur et le seul principe de vie religieuse.

Après les doctrines, les observances. Col., ii, 16-23. Les ascètes phrygiens s’abstenaient de certains aliments et de certaines boissons. Il ne s’agit donc point, à proprement parler, des observances mosaïques, car seuls les esséniens s’abstenaient de vin et de viande : cf. Rom., xiv, 17. Mais ils observaient « les fêtes, les néoménies et les sabbats ». Nous sommes donc en présence d’un mélange du judaïsme et d’un ascétisme provenant d’ailleurs. Aux yeux de saint Paul, « tout cela c’est Vombre des choses à venir, tandis que la réalité (croira, par opposition à axîoc) est au Christ (par le Christ) ». Col., ii, 17 ; cf. Heb., x, 1 ; viii, 5.

La mystique équivoque des docteurs phrygiens poussait les chrétiens à exagérer le culte des anges, à s’enorgueillir « de leurs visions », visions angéliques ou contemplation des astres, ii, 18, ou, en traduisant avec la négation (voir var.), de leurs « prétendues visions ». Tout cela n’est que de l’orgueil, de « l’intelligence de la chair », ꝟ. 18. De tels chrétiens n’adhèrent point « à la tête », c’est-à-dire au Christ, dont « tout le corps » reçoit la « subsistance » et la vie.

Ainsi, l’Apôtre a toujours le regard fixé sur le Christ, mais il expose sa christologie en donnant la vraie notion de la vie religieuse, et non en spéculant sur la théologie de l’incarnation. S’il présente le Christ comme possédant la « plénitude de la divinité », c’est pour dire aussitôt que les chrétiens participent à cette plénitude comme à l’unique source de vie ; cf. ii, 9-10.

Le terme 7TÀr)pa>|jt.a est un de ceux qui invitent le plus à comparer l’exposé de saint Paul aux doctrines gnostiques.

Notons d’abord dans saint Paul les passages où le mot plérôme ne s’applique point spécialement à la divinité : Rom., xiii, 10 ; xi, 12, 25 ; Eph., i, 10 ; Gal., iv, 4 ; cf. Marc, ii, 21 ; Matth., ix, 16. Arrêtons-nous ensuite au passage Rom., xv, 29 : saint Paul ira chez les Romains « dans la plénitude de la bénédiction du Christ ». Il faut entendre, sans doute, que son passage sera, pour les Romains, l’occasion de retirer des avantages spirituels provenant de « la plénitude du Christ ». Cf. Rom., i, 11. La pensée se rapproche de Joa., i" 16 : le Christ est pour les fidèles la source surabondante et intarissable de tous les dons spiri tuels.

Mais d’autres passages ont une portée théologiqur spéciale. D’abord, Col., ii, 9 : Dans le Christ « habite la plénitude de la divinité corporellement ». La somme des attributs ou des perfections de la divinité réside dans le Christ, unie à son corps réel, son corps de chair » ; cf. Col., i, 22. Cela est dit pour combattre la théorie des puissances considérées comme intermédiaires ou médiatrices entre Dieu et l’homme. Le Christ a un corps réel ; mais cela ne le met point au T.

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