Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/660

Cette page n’a pas encore été corrigée

2453

    1. PAUL (SAINT)##


PAUL (SAINT). LE CHRIST JÉSUS

2454

le dernier des éons, pour avoir cherché à atteindre la connaissance de Vunité absolue, était tombée du plérôme (la plénitude) dans le kénôme (la vacuité). A ce trait d’ambition, l’auteur de l’épître aurait voulu opposer l’abnégation du Christ, qui s’est abaissé lui-même. Ainsi, le passage ne pourrait guère dater que du 11e siècle.

Un tel rapprochement est assez fragile. Le verbe sxfvcooev n’a point dans saint Paul une portée métaphysique ; il ne fait allusion à aucune spéculation sur le Christ préexistant. Il exprime simplement un exemple d’abnégation ; cet exemple, le Christ l’a donné, non dans son existence antérieure, mais dans son incarnation : se dépouillant des prérogatives que lui conférait son égalité divine, il a pris la forme de serviteur et est devenu semblable aux hommes. C’est en prenant la nature humaine qu’il a donné un tel exemple, et non en gardant une attitude soumise — comme celle d’un inférieur — à l’égard de Dieu, au temps de sa préexistence.

Toutefois, certains critiques, s’écartant de la tradition des anciens commentateurs grecs, cf. Lightfoot, Epistle to the Philippians, h. I., l’expliquent ainsi : « Le Christ n’a pas regardé l’égalité à Dieu comme une chose à s’approprier : au contraire, il s’est dépouillé lui-même… » Ainsi, d’un côté, il n’aurait point voulu s’élever jusqu’à l’égalité divine ; d’un autre côté, il se serait abaissé au-dessous de sa propre dignité. Cette explication subordinatienne se rencontre déjà dans Novatien, De Trinitate liber, xxii (al. xvii) : Quamvis enim se ex Deo Pâtre Deum esse meminisset, numquam se Deo Patri aut comparavit aut contulit… Inde denique et ante carnis assumptionem, sed et post assumptionem corporis post ipsam præterea resurrectionem, omnem Patri in omnibus rébus obedientiam pra’stitit. P. /… t. iii, col. 930.

Contre cette interprétation on doit faire observer : l’expression « étant dans la forme de Dieu », c’est-à-dire dans la nature ou la condition divine, s’oppose à ce que l’on regarde le Christ comme inférieur à Dieu. On ne peut donc dire qu’il a donné un exemple en n’ayant pas l’ambition de s’égaler à Dieu. Son exemple consiste uniquement dans son abaissement par l’incarnation : d’un côté, la condition divine, l’égalité à Dieu ; d’un autre côté, la condition de serviteur ; les deux états s’opposent rigoureusement ; éaijxôv Èxévcoasv est l’explication de où/ àpTiayfiôv ryr l aa." : o.

L’idée du Christ préexistant, si nettement affirmée ici, n’est point une doctrine nouvelle. On la trouve déjà plus ou moins énoncée dans les épîtres antérieures ; cf. I Q">r., x, 4 ; Gal., iv, 4 : Rom., i, 3-4 ; Vin, 3 ; II Cor., viii, 9 : alors qu’il était riche il est devenu pauvre ; I Cor., viii, 6 : il a joué un rôle dans la création, cf. Col., i, 16.

De même, les deux natures apparaissent dans Gal., iv, 4 ; Rom., i, 3-4 (sa nature humaine, ꝟ. 3, et sa nature divine, spirituelle, ꝟ. 4) ; Rom., viii, 3, et Rom., ix, 5. Cf. II Cor., xiii, 1 1-13 (formule trinitaire). Enfin, dès le commencement. l’Apôtre connaît le Christ dans sa vie glorieuse et immortelle. I Cor., xv, 4 ; IIThess., i, 7 ; Rom., i, 4 ; Gal., H, 20. Ce point conditionne toute la doctrine de la vie spirituelle et du salut.’1° Le Christ est « l’image du Dieu invisible » ; le « premier-né de toute créature » ; l’agent de la création ; le lien des êtres (Col., i, 15-17). — Pour comprendre la christologie de l’épître aux Colossiens, il faut se rappeler que l’Apôtre oppose aux spéculations judéophrygiennes la véritable notion de la personne du Christ et de son œuvre.

""’Les docteurs ou les philosophes_cherchaient, dans leurs spéculations, à pénétrer les secrets de la divinité invisibTer^Saînt Paul leur montre que Jésus-Christ, personnage historique et visible, est l’image du Dieu

invisible. Ils spéculaient sur les puissances » agents de création, saint Paul leur enseigne que ce rôle revient au Christ.

Il est l’image du Dieu invisible, le premier-né de toute créature (génit. de comparaison : né ou engendré avant toute créature) ; car, en lui, tout fut créé, dans les cieux et sur la terre, les choses visibles et les choses invisibles : trônes, dominations, principautés, puis sances ; tout a été créé par lui et pour lui. Lui, il est avant toutes choses (cf. Joa.. viii, 58) et tout subsiste en lui. » Col., i, 15-17.

Dans ces trois versets, est-il question du Christ ou du Verbe avant l’incarnation, du A6yoç âaapxoç (l’expression n’est pas dans saint Paul), et dans les t. 18-20 s’agit-il du Verbe incarné, Aoyoç Ivaapxoç ? Il est difficile de répondre. Saint Paul parle du Christ dans son état actuel, èaz’iv ; donc du Verbe incarné et du Christ glorieux. Mais ce qui était vrai du Verbe avant l’incarnation, l’est encore après : si, dans sa préexistence, il était l’image de Dieu, il n’a pas cessé de l’être ; seulement, en s’incarnant, il a manifesté Dieu par son enseignement et ses miracles. Cela nous met sur la voie pour entendre correctement le mot « image ».

L’image, elxcôv (cf. Matth.. xxii, 20) est plus que la simple ressemblance, ô(xota>[xa, ou représentation. L’image est une réalité qui reproduit un modèle ou un archétype. Dans Heb., x, 1, sîxôv s’oppose à axt, oc : « La Loi, en effet, n’ayant qu’une ombre des biens à venir, et non l’image même des choses… » L’image n’est donc pas seulement d’ordre représentatif ; elle est une réalité en soi.

Ici, dans Col., i, 15, il s’agit d’une image parfaite. comme le montre le ꝟ. 19 : « En lui habite toute la plénitude de la divinité » : il s’agit de l’image vivante d’un être vivant, image reproduisant les caractères essentiels de son modèle. Cf. S. Grégoire de Nazianze. sermon Dlspt Yîoù, P. G., t. xxxvi, col. 129.

Ailleurs, saint Paul emploie le mot « image » en des sens divers : I Cor., xv, 49 : « De même que nous avons porté l’image de l’homme terrestre, nous porterons aussi l’image de l’homme céleste » ; c’est-à-dire…, à la résurrection, nous serons transformés ù la ressemblance du Christ glorieux. Rom., viii, 29 : « Il les a aussi prédestinés à être conformes à l’image de son Fils, afin que son Fils soit le premier-né d’un grand nombre de frères. » Il s’agit, là encore, de la vie glorieuse du Christ qui doit être communiquée aux élus. Col., ni, 10 : « L’homme nouveau se renouvelle sans cesse selon la science parfaite, à l’image de celui qui l’a créé. » Cf. Gen., i, 26, 28. La perfection de l’homme nouveau consiste à réaliser la ressemblance avec Dieu.

Or, dans aucun de ces passages, l’homme n’est dit « l’image (réalité) » du Christ ou de Dieu. Autre chose en effet est d’être « à l’image », selon l’image, et d’être « l’image même ». Le mot « image » est donc appliqué au Christ d’une façon toute spéciale : celui-ci reproduit les caractères mêmes de la divinité. Cf. Heb., i, 3, où le Christ est le « rayonnement de la gloire » et « l’empreinte de la substance ». Toutefois, en disant que le Christ est l’image du Dieu invisible, l’Apôtre suppose que cette image doit être de quelque façon visible pour les hommes, sinon elle ne le représenterait pas effectivement pour nous ; elle ne le rendrait pas visible ou intelligible. D’après Rom., i, 20, « l’être invisible de Dieu est saisi par l’intelligence, au moyen des créatures » ; ici le Christ est la manifestation visible du Dieu invisible. C’est pourquoi nous devons conclure qu’il s’agit du Verbe incarné, non seulement repro duisant en lui-même le caractère essentiel de la divinité, mais le manifestant, le faisant connaître aux hommes, par sa vie et son enseignement. Tout cela n’est pas exprimé ici vi verborum. tandis que dans le