Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/654

Cette page n’a pas encore été corrigée
2441
2442
PAUL (SAINT). LA FOI


On peut citer encore Rom., viii, 30 et 33. Dans le v. 30, la justification suit l’appel à la foi, elle est au passé ; il est tout naturel de l’entendre de la justification première. Mais la glorification aussi est au passé et vient immédiatement après la justification. Ce texte n’est donc pas décisif sur le sens à donner au mot » justifier ». On peut l’entendre : que la possession de la justice.est, en principe, un gage certain de glorification, en ce qui concerne l’action de Dieu. Ainsi, l’aoriste exprime la certitude du futur. Selon plusieurs commentateurs, le terme « justification » désigne ici, non seulement la justification première, mais encore la persévérance dans la justice et le développement de la vie chrétienne jusqu'à la fin, sous l’influence de la grâce. Cf. Rom., vi, 22-23 ; Cornely, In Eomanos, p. 454 ; Lemonnyer, Les épUres de saint Paul, t. i, p. 302.

Il est difficile de ne pas reconnaître la perspective eschatologique à l’arrière-plan des f. viii, 31-33. L’espérance du salut éternel repose sur le fondement inébranlable de l’amour de Dieu et de Jésus-Christ. Rien ne saurait arracher le chrétien à l’amour de Dieu dans le ChristJésus. La Loi est vaincue avec la chair et la mort ; les fidèles sont « dans le Christ », ils vivent selon l’Esprit, cf. Rom., viii, 8. Dans cet état, aucune « condamnation » ne saurait les atteindre. Sans doute il en sera ainsi au dernier jour, mais l’Apôtre parle de l'état présent : si Dieu a fait tout cela pour les chrétiens qui sont dans le Christ, s’il leur a donné la justice, désormais il n’y a plus pour eux aucun titre à la condamnation. Lorsque l’Apôtre dit au t. 33 : « Qui accusera les élus de Dieu ? C’est Dieu qui les justifie », il n’est donc pas nécessairement question d’une accusation au jour du jugement. Le sens est plutôt : « Qui donc, désormais, les accuserait ? » D’ailleurs on ne peut faire l’hypothèse d’une accusation au dernier jugement après que Dieu aurait déclaré juste au sens forensique. Cf. Lagrange, h. I.

Ainsi, les textes où le mot « justifier » a une portée eschatologique sont très peu nombreux. Le P. Lagrange, op. cit., p. 129, n’en a retenu qu’un seul, Rom., ii, 13. S’il y en a d’autres, la perspective eschatologique n’y est pas au premier plan.

Les autres passages où l’idée de justification n’a aucune portée eschatologique — et c’est la majorité — o tirent des nuances diverses. Il importe de relever surtout ceux qui marquent le passage de l'état de péché ù celui de justice, l’acquisition de la part de l’homme d’une qualité positive, celle de juste.

En premier lieu I Cor., vi, 11. Ce verset décrit l'état actuel des Corinthiens, par contraste avec leur état ancien, celui de pécheur : « Mais vous avez été lavés, vous avez été sanctifiés, vous avez été justifiés au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ et par l’Esprit de notre Dieu. » Ici, la justification est dans la même ligne que la purification et la sanctification. Elle a été accomplie par le baptême (par le nom du Seigneur Jésus-Christ) et le don de l’Esprit-Saint. Les fidèles sont donc devenus justes de la même manière qu’ils sont devenus saints.

Le passage Rom., v, 9, n’est pas moins significatif :

Maintenant que nous avons été justifiés dans son sang… » Ici, toute idée de déclaration de justice doit être écartée : les fidèles sont comme plongés dans le Christ et transformés, ils acquièrent une qualité, principe de vie nouvelle ; cf. II Cor., v, 21 ; I Cor., i, 30. En demeurant dans cet état — ce que l’Apôtre suppose comme normal — ils seront sauvés de la colère, au dernier jour, lors de la consommation du salut.

Le passage Rom., iii, 24, est analogue au précédent. Dans l'épître à Tite, iii, 7, l'état de justice, la qualité de juste est donnée comme le fondement de l’espérance de la vie éternelle. A ce groupe de passages peuvent se rattacher encore, Rom., m. 28 ; iv, 5 ; v, 1 ; ix, 30.

Enfin, dans les deux passages, Rom., iv, 25 et x, 18, le mot Stxaîwaiç marque un principe de vie remplaçant un principe de mort, grâce à la résurrection du Christ. Il ne signifie point une simple déclaration de justice.

Ainsi, la justification apparaît nettement d’abord comme une action de Dieu opérant une transformation dans l’homme en lui conférant la justice ou la qualité de juste : c’est la justification première. En cette vie, cette justice n’est point inamissible, ni consacrée par une sentence, comme le montrent les c. vi-vm de l'épître aux Romains. Elle est le point de départ et le principe de la vie chrétienne, de la vie de l’esprit ; elle est la garantie du salut. La reconnaissance de cette justice au dernier jour, lors de la consommation du salut, est la justification seconde.

5° La foi ; sa nature ; son rôle. — 1. Dieu a voulu justifier l’homme ; mais il ne pouvait le faire sans que l’homme se tournât vers lui par un acte de son esprit et de sa volonté. Cet acte initial est fourni par 'la foi.

Saint Paul emploie le mot « foi », maxiç, plus de cent-trente-sept fois, mais nulle part il n’en donne la définition. (Nous ne parlons pas ici de l'épître aux Hébreux dont la doctrine sera exposée à part.) Éliminons d’abord les acceptions du mot « foi » dans le sens de « certitude pratique » ou bonne foi, Rom., xiv, 23 ; de fidélité de Dieu ou de l’homme, Rom., iii, 5 ; Tit., ii, 10 ; ITim., v, 12 ; de « foi des miracles », I Cor., xiii, 2, acceptions qui n’ont point un rapport direct avec la justification.

En dehors de ces passages, la foi, d’une manière générale, désigne tantôt l’acte, ou la vertu de foi ; tantôt l'économie ou régime de la foi, par antithèse avec celui de la Loi.

Saint Paul n’a point analysé le concept de foi. Dans la plupart des cas, il envisage la foi in concrelo, c’est-àdire comme comprenant un ensemble d’actes ou de dispositions. C’est pourquoi on éprouve parfois une assez grande difficulté à dire ce qu’il entend exactement par cette notion et quel rôle il lui attribue dans la justification.

Efforçons-nous d’abord de dégager les éléments contenus dans la notion de foi.

La foi est une conviction de l’esprit, I Thess., iv, 14 : « Si nous croyons que Jésus est mort et ressuscité [croyons] aussi [que] Dieu amènera avec Jésus ceux qui se sont endormis en lui. »

La foi d’Abraham, type de celle des croyants, est une conviction fondée sur la véracité et la fidélité de Dieu promettant des biens à venir. Mais, comme il s’agit de choses à obtenir, à la conviction s’ajoute naturellement la confiance, Gal., iii, 6 : « Abraham crut à Dieu et cela lui fut imputé à justice » ; cf. Rom., -iv, 4, 17, 18, 24.

L’adhésion de l’esprit aux enseignements de la prédication est le prélude de l’acceptation de l'Évangile : « Il a plu à Dieu de sauver les croyants par la folie de la prédication. » I Cor., i, 21 ; cf. I Thess., i, 3-10. « Qu’est-ce donc qu’ApolIos et qu’est-ce que Paul ? Des ministres par le moyen desquels vous avez cru. » I Cor., iii, 4-5 ; cf. I Cor., xiv, 22 ; xv, 15.

Recevoir l'Évangile, c’est accepter comme vrai l’objet de la prédication : « Si tu confesses de ta bouche Jésus comme Seigneur et si tu crois dans ton cœur que Dieu l’a ressuscité des morts, tu seras sauvé. » Rom., x, 9-10 ; cf. Rom., i, 14-17 ; iii, 3, 22 ; vi, 8.

De plus, la foi, appuyée sur la force du témoignage, est l’antithèse de la vision ou connaissance immédiate : « Nous marchons par la foi et non par la vue (la vision). » II Cor., v, 7. L’acte intellectuel de la foi est donc une connaissance par intermédiaire. L’adhésion aux vérités chrétiennes n’est pas imposée par